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Le Caire en direct

Amira Doss, Mardi, 01 octobre 2019

Le Caire a été, la semaine dernière, l’une des villes hôtes de l’émission en direct La Piste de la Francophonie, sur TV5 Monde. L’occasion de rappeler qu’il existe une vraie dimension francophone en Egypte.

Le Caire en direct
Tournage de la piste de la francophonie sur TV5 du palais Manesterly au Caire.

52 minutes d’émission en direct du Caire, plus pré­cisément du palais Manesterly, situé sur les bords du Nil, à Manial. C’est ce qu’ont proposé Mohamed Kaci, présentateur de l’émission 64 Minutes, Le Monde en français sur TV5 Monde et de l’émis­sion hebdomadaire Maghreb-Orient Express, et la présentatrice égyptienne de la chaîne Nile TV international Noha Alaa, jeudi 26 septembre. En compagnie de plusieurs invités, ils ont évoqué le riche patrimoine culturel de l’Egypte, l’art contemporain et urbain, l’attachement du pays à la langue française, enseignée à 40 000 élèves égyptiens, mais aussi le cinéma, l’Opéra, les médias franco­phones — dont l’Hebdo — en Egypte et les centres de rayonnement culturel.

Pour la première fois, Le Caire était au rendez-vous de ce tour du monde qui, grâce aux prouesses techniques et au décalage horaire, s’est arrêté sur les cinq continents. La chaîne TV5, organisatrice de « La Piste de la Francophonie », a, en effet, décidé cette année de s’arrêter dans le monde arabe, avec des émis­sions en direct de Tunis, de Casablanca et du Caire. « Ici, c’est un cas particulier, parce qu’en Egypte, on est à la fois en Afrique et au Moyen-Orient. C’est un berceau de la francophonie, avec Boutros Boutros-Ghali, premier secrétaire général de la francophonie. L’Egypte est un Etat membre de l’Organisa­tion Internationale de la Francophonie (OIF). Il y a une vraie dimension francophone et culturelle en Egypte », a expliqué Kaci.

D’après lui, il y avait de nom­breuses raisons de choisir l’Egypte dans le cadre d’un tel événement. « On a perçu en Egypte ce sentiment de l’importance de présenter l’Egypte en tant que pays francophone. Je suis déjà venu en décembre pour faire une émission sur le nouveau musée, et là, c’est le prolongement. Nous nous sommes rendus compte que c’est un pays qui véhicule ses propres valeurs. L’idée de ce genre d’événements n’est pas seulement d’aller là où la franco­phonie va de soi, comme en Belgique ou en Suisse, mais aussi dans des pays qui veulent renouer avec la franco­phonie », a souligné Kaci.

Une autre raison qui a contribué à la participation de l’Egypte à ce tour de la francophonie est la nomination, il y a deux ans, de Nabil Bouhajra comme directeur régional de TV5 Monde Maghreb-Orient. « C’est grâce à ma rencontre avec deux personnes en Egypte, Ibrahim El Khouly, directeur des affaires francophones au minis­tère des Affaires étrangères, et repré­sentant officiel de l’Egypte à l’OIf, et Khaled Aref, conseiller à l’ambassade d’Egypte en France, que j'ai appris beaucoup de connaissances sur l’Egypte. On a organisé des ren­contres et l’on a voulu présenter le potentiel de l’Egypte pour la franco­phonie et la francophilie », explique Bouhajra.

Des reportages et des invités

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Nabil Bouhajra, directeur régional de TV5 Monde Maghreb-Orient.

Une équipe dynamique au Caire a donc été mobilisée pour montrer l’in­fluence et le poids de la culture fran­cophone en Egypte. A travers des sujets variés, plusieurs reportages ainsi que les invités, on a touché à tout, notamment aux missions archéo­logiques et à la présence de la langue française dans le lexique quotidien des Egyptiens, sans oublier le cinéma et le metteur en scène Youssef Chahine. Sur le plateau, les invités étaient Farah Al-Dibany, première chanteuse égyptienne à performer à l’Opéra de Paris, Omayma El-Shal, égyptologue, Nadine Abdel-Ghaffar, spécialiste en art contemporain, Thierry Verdel, directeur de l’Univer­sité Senghor, Yasser Moheb, critique de cinéma, et Mona Magdalany, consultante en systèmes éducatifs. « C’était pour nous l’occasion de nous appuyer sur le rôle des femmes, de parler de l’Egypte ancienne et moderne, d’aborder l’art, l’enseigne­ment, la culture, de mettre l’accent sur l’enseignement du français en Egypte, ou encore sur le rôle des médias fran­cophones. Notre équipe avait un seul objectif : montrer la richesse de notre pays », dit fièrement Aya El-Shal, directrice de rédaction.

Pour que l’événement puisse voir le jour, l’équipe de TV5 a choisi, dans chaque pays, des partenaires qui avaient pour mission de choisir le contenu à diffuser durant les 52 minutes de direct. En Egypte, c’est l’équipe de Nile TV International qui a assumé cette tâche. « Nous ne sommes pas là pour imposer nos idées. Nous leur répétions : Vous avez 52 minutes pour atteindre 364 mil­lions de foyers dans le monde. C’est votre émission. Parlez-nous de l’Egypte francophone. Nous voulions que les gens parlent de leur pays. Ce n’est plus l’Occidental qui vient par­ler à leur place », souligne Nabil Bouhajra.

Un avis partagé par Kaci, qui dit : « On n’est pas là pour apporter notre regard, mais pour donner la parole aux Egyptiens. Dans chaque pays, on laisse l’équipe locale choisir les thèmes qu’elle préfère. Même si nous essayons d’éviter la politique, parce que dans les journaux quotidiens de la chaîne, on ne parle que de politique. A La Piste de la Francophonie et à travers le cinéma, le théâtre, la culture, nous touchons à des histoires réelles et humaines ». Bouhajra pré­cise : « TV5 a donné carte blanche au pays hôte. La seule thématique était que ça tourne autour de la francopho­nie. C’est notre ADN. Le choix des sujets, des invités et des reportages a été laissé à l’équipe locale. Nous n’avons censuré aucun reportage, aucune émission. Nous travaillons avec des partenaires professionnels. Ils connaissent leur pays mieux que nous. On leur dit : racontez-nous votre pays ».

Briser les clichés

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Mohamed Kaci, journaliste et présentateur des émissions 64 Minutes, Le Monde en français et Maghreb-Orient Express.

Or, ce n’était pas le seul but de l’émission en direct. En la regardant, les téléspectateurs occidentaux ont vu une Egypte à laquelle ils ne s’at­tendaient peut-être pas. « Des invités qui n’ont rien en commun avec l’imaginaire occidental de l’Egyp­tien ou de l’Egyptienne : des femmes qui voyagent partout dans le monde, cultivées, donc c’est un peu briser les clichés », dit Bouhajra. Lors de cet événement, l’équipe de TV5 a voulu aller sur des terrains impro­bables et présentant la francophonie dans tous ses états, tout en donnant des nuances différentes. « On a voulu aller dans le coeur battant de chaque pays et non pas dans les lieux sublimes que l’on regarde dans les émissions touristiques. Nous avons tenté d’être le plus objectif possible, tout en donnant l’opportu­nité aux pays participants de s’ex­primer », explique Kaci. Il donne l’exemple de Kigali, la capitale du Rwanda qui, grâce à « La Piste de la Francophonie », dévoile un autre visage. « Dans nos journaux télévi­sés, nous abordons les crises poli­tiques en Afrique, le bouillonnement, on regarde des scènes de morts, de violence, de virus. Pour une fois, on est à Kigali pour parler d’art, de musique et de théâtre », insiste Kaci. Une raison de plus pour briser les clichés et tenter d’aborder les choses d’un prisme plus objectif, voire plus global.

Malgré les bouleversements qui secouent le monde arabe, la ligne éditoriale de la chaîne francophone était la même : aller au fond des choses et donner la parole aux gens. En se basant sur cette stratégie, TV5 reste un média qui reflète au quoti­dien cet esprit d’ouverture, en étant à l’écoute de populations aux diffé­rentes habitudes et en circulant des valeurs humaines. C’est par l’im­pact de l’art et de la culture qu’elle diffuse des programmes qui font réfléchir et brisent des clichés. « La Piste de la Francophonie » s’inscrit dans ce contexte. Avec une vision d’ouverture sur l’Autre et un désir de le comprendre, sans mépris, ni peur, ni rejet.

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