Café littéraire d’ouverture des Rencontres au bistro Le Boudoir, à l’IFE d’Alexandrie.
Pour la huitième édition des Rencontres Ecrire la Méditerranée, les organisateurs ont choisi le thème Saveurs méditerranéennes. Les partenaires de cet événement, à savoirl’Institut Français d’Egypte (IFE), le Centre méditerranéen de littérature, la Bibliothèque d’Alexandrie et l’Université Senghor, entendaient « célébrer les saveurs d’une Méditerranée que l’actualité de ces dernières années nous a habitués à considérer sous une lumière plus sinistre. Il était temps de rappeler, en effet, que l’espace méditerranéen est resté par-delà la tragédie le lieu d’élection de la sensualité et d’une infinie diversité de goûts et de couleurs ». C’est ce que tous les invités ont souligné à l’ouverture de la manifestation culturelle, le 7 avril, à l’IFE d’Alexandrie.
Les Rencontres 2019 ont lieu dans le cadre de l’année culturelle France-Egypte. A travers de nombreuses activités culturelles — ateliers culturels et gastronomiques, exposition de photographies par Bruno Boudjelal, exposition de tapisseries par le centre d’art de Wissa Wassef, cafés littéraires, rencontres d’auteurs dans les lycées d’Alexandrie, spectacles artistiques et tables rondes—, les organisateurs ont voulu souligner l’infinie diversité des richesses de l’espace méditerranéen. Une diversité qui invite à continuer à vivre malgré les drames et le sang qui coule dans cette région du monde. « L’actualité, notamment politique, en Méditerranée est marquée par les violences, les difficultés et les situations de misère. On s’est dit que c’était important de changer la perception sur cet espace en ce moment. On a voulu revenir avec quelque chose de plus réjouissant, que sont les saveurs de manière générale, et notamment la gastronomie. On essaie de donner des perspectives plus optimistes et de trouver une part de bonheur malgré tout ce qui se passe », explique Thierry Perret, directeur de l’Institut français à Alexandrie.
Des intellectuels de renommée internationale ont été invités à cette édition, parmi lesquels Farouk Mardem-Bey, éditeur et historien franco-syrien, directeur de la collection Sindbad aux éditions Actes Sud, Gilles Gauthier, ancien diplomate, traducteur et actuel conseiller à l’Institut du Monde Arabe (IMA), Valérie Manteau, auteure, éditrice et journaliste française, lauréate du prix Renaudot 2018 pour son roman Le Sillon, In Koli Jean Bofane, romancier et éditeur kino-congolais vivant en Belgique, lauréat du prix des cinq continents de la Francophonie 2015 pour son roman Congo Inc., le testament de Bismarck, et Yahia Belaskri, romancier, nouvelliste, essayiste et ancien journaliste franco-algérien. Noha Baz, médecin-pédiatre et spécialiste de la gastronomie, a animé des ateliers et des démonstrations de cuisine et d’alliage de goûts entre toutes les cultures méditerranéennes. L’occasion, pour les invités, d’aborder différemment le thème de la Méditerranée.
Une mer plurielle
Les habitants de la Méditerranée intègrent de multiples dimensions religieuses, idéologiques, régionales et nationales. C’est cette richesse d’identités qui pimente les saveurs de cette région. « Je suis pour les identités plurielles. Depuis longtemps, cette région a vécu sous des empires. C’étaient des ensembles multiculturels, multiconfessionnels et multiethniques. Cette multiplicité d’identités est très importante. Si on insiste sur une seule dimension, cela aboutit à des massacres. L’identité méditerranéenne doit être conçue de cette façon. Elle n’est pas contre l’arabité, au contraire, les deux se complètent. L’alimentation en est un exemple. Un seul plat peut être préparé différemment par plusieurs cuisines méditerranéennes », assure Farouk Mardam-Bey, qui a publié La cuisine de Ziryab et Traité du pois chiche, chez Actes Sud, un voyage gastronomique et historique autour de la Méditerranée composé de citations littéraires, de références savantes, de recettes gourmandes et d’anecdotes.
Pour André Bonet, président du Centre méditerranéen de littérature à Perpignan, « quand on évoque les saveurs, on pense à la Méditerranée, bassin qui nous réunit et qui est considéré comme le centre-ville de la planète ».
Ce qui fascine dans la Méditerranée, c’est la capacité de ses habitants à garder l’espoir de vivre, malgré tout. « Les saveurs de la Méditerranée, c’est la rencontre entre les êtres de cette région. Mais c’est aussi la tragédie humaine. Le bassin méditerranéen a vu le déclin et l’épanouissement de nombreux empires: grec, romain, égyptien et arabo-musulman. La richesse de cette région consiste en cette possibilité de se régénérer. Au moment où l’on croit qu’elle est morte, elle revient plus forte et plus belle. On parle de la Méditerranée comme d’un cimetière, mais c’est un espace de vie fabuleux, c’est la vie vibrante et enthousiaste », souligne Yahia Belaskri, qui a signé plusieurs contributions sur les relations entre la France et l’Algérie, l’immigration et le dialogue des cultures en Méditerranée.
Le 11 avril à 18h, deux tables rondes se tiennent à l’IFE de Mounira, au Caire, avec la participation des deux romanciers égyptiens Mohamad Rabie et Mohamad Abdel-Nabi, dont les romans viennent de paraître en français chez Actes Sud, ainsi qu’avec Alexis Jenni, Jean Bofane et Valérie Manteau.
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