De nombreux critiques littéraires, écrivains et intellectuels se sont réunis, jeudi 8 février, dans les locaux du Conseil suprême de la culture pour rendre hommage au parcours du critique littéraire Ibrahim Fathy. En présence de Fathy, âgé de 88 ans, de nombreuses personnes ont exprimé leur reconnaissance et leur admiration pour cet homme surnommé « le critique du trottoir » par le poète et critique Chaabane Youssef, en référence au parcours de Fathy, qui a choisi de se tenir à l’écart des circuits officiels.
En effet, Fathy tient une place à part dans l’histoire de la critique arabe. Homme de gauche, il ne s’est jamais départi de ses convictions marxistes et de ses positions révolutionnaires et a mené son combat en ne se préoccupant guère des positions officielles et du pouvoir. Ayant fait de longues années de détention sous Nasser, il est resté fidèle à lui-même en choisissant la marginalité au détriment d’une coopération plus étroite avec les différents pouvoirs. Libre dans ses idées et sans être affilié à aucun organe officiel, il a écrit de manière continue des articles de tout genre en littérature et en philosophie marxiste.
D’abord traducteur, avec une connaissance parfaite du français et de l’anglais, il mène un combat pour une réflexion théorique sur le marxisme, l’idéologie et les crises de ce mouvement qui lui tient à coeur. Mais il a également été un critique brillant, qui a laissé son empreinte sur la critique littéraire égyptienne et arabe. Citons, à titre d’exemple, son ouvrage Le Monde romanesque de Naguib Mahfouz. Par ailleurs, ce critique des années 1960 a épaulé l’oeuvre de tous les écrivains de cette période qui, tout en acclamant : « Nous sommes une génération sans maîtres », ne peuvent s’empêcher de reconnaître son rôle.
Sans se préoccuper de regrouper ses nombreux articles, parsemés ça et là dans de nombreuses revues, Fathy a suivi son chemin en encourageant toute forme de créativité. Il participe notamment à la fondation de nombreux groupes et revues saisonnières, comme Gallerie 68 à sa sortie de prison. Puis, il a fondé l’Association des écrivains de demain en 1971.
Force est de constater l’absence de jeunes lors de la soirée d’hommage à Fathy. Ces derniers ne sont en effet pas familiers avec ces écrits, d’autant plus que la critique littéraire ne vit pas sa meilleure période en ce moment. Mais comment trouver les livres de ce grand et brillant critique ? Pourquoi un critique et un penseur de cette envergure n’a-t-il reçu aucun prix littéraire de l’Etat, alors que son monde idéologique et sa réflexion littéraire ne font aucun doute ? Autant de questions auxquelles il faudrait répondre et dont la réponse nous permettra peut-être d’analyser notre crise contemporaine et la mémoire d’un passé qu’il serait temps de renouveler.
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