La sortie d’une nouvelle revue est un événement qu’il faut fêter. Et lorsque la revue nous présente une diversité de sujets, de la profondeur et de la qualité, l’événement est d’autant plus spécial. La revue Maraya arrive à un moment de grande pénurie sur le plan de la pensée et des revues qui offrent des sujets intéressants sur plusieurs domaines des sciences humaines. Malheureusement, « ce livre » comme l’appellent ses initiateurs, est non-périodique, mais néanmoins, il offre du pain sur la planche et permet de nombreux débats sur les sujets traités.
La revue définit clairement dès le début sa ligne éditoriale ; il n’y aura pas de textes incitant aux tendances réactionnaires, sectaires, racistes et pour l’inégalité des sexes et la prédominance masculine. Rien qui puisse inciter à la haine ou au choix d’injures.
Dans leur éditorial, ils choisissent la formule de Gramsci, celle de l’amalgame du « pessimisme de la pensée avec l’optimisme de la volonté », et ce, en reconnaissant que nous vivons une crise profonde, mais qu’à partir de cette crise peuvent naître les fils de la solution. De cette contradiction vont pointer les possibilités de l’avenir. A travers des articles qui traitent en profondeur des sujets cruciaux naîtront des lueurs de solutions toujours prêtes à être revues, corrigées et approfondies. Un objectif ambitieux qui attend du lecteur une interaction positive et critique. Les sujets sont variés et intéressants. Certains sont traduits d’autres langues et d’autres sont écrits en arabe. La revue varie entre des sujets sur 100 ans sur la Révolution russe de 1917, et différents sujets sur les arts, la télévision, les marques, etc. Ainsi qu’une diversité de sujets qui vont du politique, au social et au culturel.
Regards différents
Dans ce numéro, deux dossiers ont retenu notre attention. Le premier sur l’expédition française à partir d’un regard français par l’historien Nasser Ibrahim et un autre dossier qui traite de la question copte par Ghada Tantawi.
L’article de Nasser Ibrahim se base sur un document retrouvé dans un dossier dans la salle des archives nationales, qui comportent des textes authentiques sur l’expédition française. Le manuscrit est un résumé de 6 volumes, écrit par un officier nommé Hauet « Résumé de l’historique des 4 campagnes (1798-1801), Paris ». Ces écrits sont restés cachés au lecteur français jusqu’à leur publication en 1827, c’est-à-dire 13 ans après sa mort. A cause des chamboulements qui ont secoué la société française avec le retour de la royauté, les états d’âme et la censure exercée contre tout ce qui touche à l’expédition et la réussite ou l’échec des batailles militaires, l’officier Hauet hésite à publier ce manuscrit. De grandes vagues d’admiration alimentées par le pouvoir et les forces de Napoléon, ou au contraire, des adversaires de l’expédition font que l’officier ne sait pas où se placer. Il est profondément attaché à l’armée et à l’efficacité des officiers, sans pour autant prôner uniquement une admiration sans bornes pour la personne de Napoléon. Il tient à démontrer la réussite de l’expédition malgré le retour en France et la destruction du rêve « d’une colonie française en Orient ». Dans ses écrits, il essaye de démontrer, contre les critiques et les attaques de l’époque, que les pertes humaines n’étaient pas énormes, alors que l’on disait que seulement 7 000 Français étaient revenus d’une armée qui comptait plus de 36 000 soldats. Il essaye d’enjoliver l’image en se taxant d’objectivité et en soulignant le moral positif des soldats. Il souligne d’ailleurs cette thèse souvent avancée selon laquelle l’expédition d’Egypte avait pour objectif de propager la civilisation dans notre pays. Et ceci en expliquant l’état de détérioration et de dégénérescence que vivait notre pays avant l’arrivée de cette campagne, porteuse de toutes les lumières. Un manuscrit intéressant et qui analyse les tenants et les aboutissants d’un moment historique crucial.
Un autre dossier non moins intéressant est celui de la question copte en Egypte. La chercheuse, à travers une analyse très pertinente de l’histoire des coptes depuis la conquête arabe jusqu’à nos jours, essaye de démontrer que le problème des coptes en Egypte n’a jamais été réglé de manière radicale. Il y a eu des moments de calme et de coexistence comme pendant la période nassérienne et après la révolution de janvier, cependant, il y a toujours un problème qui a besoin d’être réglé de manière radicale. Elle montre également les dissensions des coptes entre eux et avec le pouvoir en place. Un dossier épineux qui mérite d’être ouvert, mais surtout d’être discuté par tous les partenaires. D’ailleurs, un autre dossier propose un point de vue différent sur l’islam et la modernité, traduit de l’anglais par Moustapha Abdel-Zaher.
Toutefois, la revue offre de nombreux autres sujets selon les intérêts de tous et de chacun. Il est intéressant de noter la fluidité des textes et leur clarté. Par ailleurs, la mise en page qui prend la forme d’un grand livret est facile à lire. Souhaitons lire bientôt d’autres numéros et que les articles soient une source de débats féconds et positifs.
Maraya, revue non-périodique, aux éditions Dar Al-Maraya, septembre 2017
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