Al-ahram hebdo : Quel est votre sentiment en recevant le prix de Mérite de l’Etat ?
Sayed Hégab : Je suis très heureux de recevoir finalement un prix en signe de reconnaissance pour ma carrière et mes ouvrages. Je ne reçois ce prix qu’aujourd’hui alors que j’ai plus de 70 ans, parce que j’ai toujours choisi d’être dans l’opposition. Raison pour laquelle le régime de Moubarak n’a jamais pensé à insérer mon nom dans la liste des candidats aux prix de l’Etat. Après la révolution du 25 janvier 2011, la Maison de poésie en Egypte a proposé mon nom, mais le ministre de la Culture du gouvernement des Frères musulmans a décidé de suspendre tous les prix de l’Etat dans toutes les disciplines. Aujourd’hui, le ministère de la Culture a réintroduit cette tradition de remise des prix après le 30 juin 2013. Je considère ce prix comme un triomphe de la volonté du peuple et des intellectuels, ainsi qu’un retour du 25 janvier sur la bonne voie.
— Durant votre longue carrière dans le domaine des lettres, qu’est-ce qui vous a le plus influencé ?
— J’ai fait mon entrée dans la vie publique durant les années 1960. La génération des années 1960 était contre les deux idéologies qui dominaient le monde à cette époque (le socialisme et le libéralisme). Cette génération m’a beaucoup influencé parce qu’elle était celle de la révolution. Je dois préciser que je suis né dans un pays qui était sous l’occupation. C’était une génération préoccupée par la justice sociale, les libertés et le savoir. Raison pour laquelle nous étions nombreux à passer d’un parti politique à un autre. Notre génération a payé cher pour faire face à la répression. C’est la génération du grand poète Amal Donqol qui a composé son célèbre poème « Non à la réconciliation ». C’est cette génération qui a poursuivi son combat jusqu’à la révolution du 25 janvier 2011.
— Vous avez mentionné le passage d’un parti politique à un autre. Vous étiez vous-même influencé par les Frères musulmans à l’âge de 14 ans. Que pensez-vous des évolutions qui se sont produites sur la scène politique après le 30 juin ?
— J’ai passé avec eux cinq ans environ. Nous étions à l’époque pour la démocratie quel que soit le prix. J’ai quitté cette confrérie à la recherche de la démocratie. Mais au fil des années, quand je participais aux activités de Kéfaya, il était clair pour moi que les Frères ne sont pas patriotiques. Les Frères travaillent contre les intérêts de notre pays et ceux du peuple. Ils cherchent à fonder un régime religieux et fasciste.
— Vous étiez emprisonné par le régime de Nasser. Comment voyez-vous le fait que la foule a brandi ses photos lors de la révolution de janvier 2011 ?
— J’étais emprisonné à l’époque de Nasser parce que je faisais partie d’une organisation clandestine de gauche. Je dois dire que notre génération considérait Nasser comme un grand leader nationaliste luttant contre la colonisation, mais le régime qu’il a fondé n’était pas démocratique. Alors nous étions avec le peuple pour la démocratie et avec Nasser pour l’indépendance. Les gens qui ont brandi les photos de Nasser recherchent l’indépendance de l’Egypte et la justice sociale, mais n’appellent pas au retour du régime militaire.
— Vous avez écrit des oeuvres pour enfants. Comment cette période vous a-t-elle influencé ?
— Ecrire pour les enfants est très difficile contrairement à ce que pensent certains. Cela exige une bonne connaissance des phases de développement et d’éducation des enfants. Cela a enrichi mes connaissances dans ce domaine.
— Quel sera, selon vous, le rôle des intellectuels et de la culture dans la période à venir en Egypte ?
— Depuis le 25 janvier 2011, les anciennes valeurs enracinant l’ignorance, la superficialité et la superstition ont disparu. Avec les jeunes, nous avons commencé à fonder la culture de la liberté et de l’unité nationale. Je pense que les révolutions du 25 janvier 2011 et du 30 juin 2013 ont créé une révolution culturelle outre la révolution politique et sociale. Les intellectuels doivent continuer ce qu’ils ont commencé dans le but de créer une société aspirant au savoir, au développement, à la justice et aux droits de l’homme.
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