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Le père des critiques arabes n’est plus

Rasha Hanafy, Mardi, 07 mars 2017

Abdel-Moneim Talima, éminent professeur de langue arabe et de critique littéraire, est décédé à 80 ans, laissant derrière lui des ouvrages de référence dans la culture arabe.

Le père des critiques arabes n’est plus
Abdel-Moneim Talima

Il était nommé le doyen des cri­tiques égyptiens. Abdel-Moneim Talima n’était pas seulement un professeur de langue arabe clas­sique à l’Université du Caire, mais aussi un éminent intellectuel qui a étudié sérieusement et avec profon­deur le patrimoine littéraire arabe. « Introduction à la théorie de la lit­térature » est une étude savante de la littérature en tant que phénomène culturel, relevant de la linguistique et de l’esthétique. Il a également très tôt écrit sur l’autobiographie chez les Arabes, avant qu’il ne soit un genre littéraire à la mode au niveau mondial. Les instances culturelles en Egypte, dont le minis­tère de la Culture, l’Organisme égyptien du livre (GEBO) et les intellectuels, lui ont rendu hom­mage. « Je connaissais le profes­seur Talima depuis 1972, quand j’ai commencé mes études à la faculté des lettres de l'Université du Caire, et après être devenu professeur dans la même faculté. Il était proche de tous les étudiants, encourageait leur mouvement et défendait la démocratie, le développement et la justice sociale. Professeurs, collè­gues, étudiants, il va nous manquer tous », affirme à la presse Emad Abou-Ghazi, professeur à l’Univer­sité du Caire et ancien ministre de la Culture. Talima avait fait ses études au département de langue arabe, à la faculté des lettres en 1960. Il a eu son magistère dans la littérature arabe moderne en 1963, ensuite son doctorat dans la critique littéraire en 1966. « Talima était unique parce qu’il était soucieux de lier tout ce qu’il étudiait sur la littérature à la vie sociale et son développement. Il cherchait dans ses études et ses articles la justice sociale, la raison et l’illumination. Il voulait que la critique soit une activité scienti­fique méthodologique », explique Hussein Hamouda, professeur de littérature arabe à l’Université du Caire.

Talima organisait chez lui un salon culturel, rassemblant des intellectuels d’Egypte et du monde arabe. Ils discutaient ouvertement de la situation dans laquelle se trouve la culture arabe. Depuis sa jeunesse, cet éminent professeur de critique arabe était marxiste, défen­dant la conscience des classes sociales et de la justice sociale. Pourtant, son esprit critique ouvert l’a mené à porter une critique acerbe au communisme, à la politique de l’ex-Union soviétique, et contre l’esprit dogmatique en général. Il disait : « Toute entité ou toute ten­dance qui néglige la liberté et ne respecte pas la dignité humaine va certainement chuter. Le commu­nisme ne reconnaissait pas la liber­té individuelle, c’est pourquoi cette tendance a chuté ». Emprisonné à cause de ses pensées marxistes, Talima n’a jamais craint le pouvoir. En tant que professeur à la faculté des lettres, il a rejeté l’étude de Gihane Al-Sadate, femme du défunt président Al-Sadate, à l’époque où celui-ci était au pouvoir, parce que selon lui, elle n’était pas au niveau d’une thèse de doctorat. L’ancienne première femme a eu, quand même, son degré scientifique, mais avec l’aide d’autres professeurs et non pas l’éminent Talima, qui refusait les compliments dans le domaine scientifique. Abdel-Moneim Talima a reçu en 2004 le Prix de l’estime de l’Etat dans la littérature.

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