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Ahmad Magdi Hammam : Le Caire est ma bien-aimée et le restera à jamais

Dina Kabil, Mardi, 17 janvier 2017

Ahmad Magdi Hammam a gagné le prix Sawirès pour la nouvelle, dans la section des jeunes écrivains. Focus sur une écriture fraîche et ironique.

Ahmad Magdi Hammam

Al-Ahram Hebdo : Comment avez-vous reçu ce prix Sawirès, sachant que vous aviez présenté la même oeuvre l’an dernier et qu’elle n’avait pas été primée ?
Ahmad Magdi Hammam : J’ai reçu ce prix avec une grande émotion, surtout compte tenu de la composition du jury de cette année qui réunissait de grands noms de la littérature, tels les professeurs et critiques Mohamad Badawi, Sayed Mahmoud et Hussein Hammouda. Mon recueil Le Gentleman préfère des causes per­dues, présenté l’an dernier n’avait pas été primé, mais a connu un succès dès sa sortie. Je suis donc doublement heureux de voir que cette année, le jury a décidé de primer mon travail. L’an dernier, les membres du jury ne l’avaient pas choisi pour le premier prix, mais cela dépend, je crois, en grande partie des goûts du jury. Et cela n’est pas quelque chose contre quoi il faut se révolter. C’est plutôt quelque chose à respecter. Je pense que ceux qui boudent les résultats d’un prix doivent trouver une autre voie que celle de la critique, afin de prouver leur compétence, comme par exemple écrire une nouvelle oeuvre encore meilleure.

— Vous avez cité que les nouvelles pré­sentes dans votre recueil étaient des exercices d’écriture. Est-ce vraiment sous cette idée que vous avez réalisé ce recueil ?
— L’idée des exercices d’écriture est en réali­té la moitié de la vérité. J’ai écrit certains textes comme des exercices d’écritures, alors que d’autres sont le fruit d’expérimentation person­nelle. Cependant, l’idée de l’exercice d’écriture est en quelque sorte le fil conducteur du recueil. Et c’est notamment ce qui donne aux neuf textes sélectionnés leur homogénéité. Ce prétexte d’exercice m’a permis d’expérimenter des struc­tures et des formes si nouvelles que je ne me serais peut-être pas autorisé dans un autre contexte. J’ai accordé beaucoup d’importance à la variété de la forme, loin de toute prétention, afin de trouver la technique appropriée à chaque histoire.

— Aviez-vous déjà eu recours à des ateliers d’écriture pour finaliser ou amorcer l’écri­ture de certaines de vos productions ?
— Oui. J’ai, en effet, participé à un atelier d’écriture pendant que j’écrivais mon roman Ayyach. J’avais obtenu une bourse du Fonds arabe pour les arts et la culture (AFAC) qui m’a permis de suivre un atelier d’un an et demi, dirigé par l’incroyable écrivain libanais Jabbour El-Doueihy. Je pense que l’atelier d’écriture est une chose très salutaire pour les écrivains, et particulièrement les jeunes écrivains. Y sont réunis les esprits critiques des différents partici­pants et du directeur d’atelier, et ils peuvent aisément trouver les points de faiblesse d’un récit ou souligner les points forts d’un auteur. Cependant, ces ateliers ne font pas naître de merveilleux écrivains sans base préalable. Ils servent surtout à retravailler et parfaire une idée, une intention ou des tentatives travaillées précé­demment. Et c’est en cela qu’ils sont cruciaux.

— Quelle est la place de l’ironie dans votre écriture ?
— L’ironie est un défi heureux pour moi. L’écriture qui fait sourire me séduit. Cela me rappelle le propos de l’écrivain saoudien Ghazi Al-Qosseiby : « Le livre doit me faire rire, pleu­rer ou m’exciter sexuellement afin d'être digne de m’accompagner ». De cette recette, j’ai beau­coup appris et j’apprécie beaucoup l’humour et l’ironie, bien que ce soit des phénomènes diffi­ciles à mettre en place. Je vois cela comme une sorte d’appât pour le lecteur. Lorsqu’il y a goûté, il en veut plus et se met à dévorer le texte. L’ironie est sans doute le pivot de ce recueil de nouvelles. Les causes perdues en sont le fil conducteur, et l’ironie leur point commun. Mais que ce soit dans ces récits ou dans la vie réelle, une once d’ironie est nécessaire pour affronter l’absurdité du monde dans lequel nous vivons.

— La construction, bien qu’originale, de ces nouvelles est cependant basée sur un enchaînement de portraits. C’est un schéma plutôt classique pour la nouvelle, non ?
— Il est vrai que ces nouvelles sont proches du portrait, et que, sur ce point, la structure est clas­sique. Mais si on assume qu’il existe une écriture classique de la nouvelle, et une plus moderne, alors, je pourrai dire que j’ai essayé t’intégrer une narration moderne à une forme classique. Et il est vrai aussi que j’ai été influencé d’une manière ou d’une autre par le livre du poète Ibrahim Daoud, Al-Gaw Al-Aam (l’ambiance générale), où de nombreux textes qui sont pareils à des portraits, mais pleins de plaisir, d’humour et d’intimité.

— De retour des Emirats arabes unis, vous avez écrit votre premier roman Le Cairote. Comment trouvez-vous aujourd’hui la grande ville dans laquelle nous vivons ?
— Le Caire est une ville grandiose, peut-être la plus grande. Malgré tout ce qu’elle traverse, cette ville reste le mécène des arts et un point d’attrac­tion incontestable pour les artistes du monde arabe. Lorsque j’ai écrit Le Cairote en 2007, mon rapport avec Le Caire était très tendu, parce que je n’avais pas encore saisi sa philosophie et décodé ses secrets. Aujourd’hui, après 17 ans, Le Caire est la ville que j’aime. J’aime ses gens, ses rues, ses ruelles, ses bars et ses librairies. Je suis parmi les 30 millions de personnes qui signent présents tous les jours dans cette grande ville. L’expérience du Caire est une chose à la fois traumatisante et heureuse. Parce que, d’une part, je peux me faufiler parmi la foule et me sentir en paix, mais d’autre part, ce nombre incroyable de gens m’offrent un nombre infini d’histoires et de romans à écrire, et c’est presque perturbant. Le Caire est ma bien-aimée actuelle, et je pense qu’elle le restera à jamais .

Les oeuvres d’Ahmad Magdi Hammam
— Qahéri (cairote), aux éditions Nefro en 2008.
— Awgaa Ibn Awa (les maux d’Ibn Awa), Merit en 2011.
— Al-Gentelman Yofaddel Al-Qadaya Al-Khasséra (le gentleman préfère les causes perdantes), Rawafed, 2014.
— Ayyach, Al-Saqi, Beyrouth, 2016.
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