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Confessions d’un chef de parti

Amr Kamel Zoheiri, Lundi, 07 novembre 2016

Le nouvel ouvrage de Réfaat Al-Saïd, Ce qui reste des souvenirs, est un témoignage de l’ancien président du parti du Rassemblement sur la fin du règne de Moubarak, et des Frères musulmans.

Confessions d’un chef de parti

Réfaat al-saïd est une figure importante de la vie politique égyptienne, notamment au cours des 50 dernières années. L’un des leaders de l’unique parti de gauche qui existe depuis les années 1980 du siècle dernier, Al-Saïd fut le premier chef d’un parti politique nommé président d’un parti en présence de l’ancien leader de celui-ci et son fondateur, Khaled Mohieddine. On peut supposer, en terminant la lecture de ce témoignage, qu’il s’agit d’une tentative de la part d’Al-Saïd de se laver les mains de ce qui s’est passé durant les dix der­nières années de la présidence de Moubarak : la mascarade des élections parlementaires de 2010, la succession de Gamal Moubarak, la nomination des ministres et des premiers ministres, les relations entre le parti au pouvoir et les autres partis, qui jouaient le rôle de figu­rants sur la scène politique égyptienne. Al-Saïd se livre à une critique virulente sous forme de témoignages. En étant à la tête du plus grand parti d’inspiration marxiste, Réfaat Al-Saïd et ses partisans étaient théoriquement les plus disposés à jouer un rôle de véritable opposition pendant les dix dernières années de Hosni Moubarak, ou du moins, à ne pas se contenter d’un rôle de figurant dans la vie politique égyptienne. Mais beaucoup d’observateurs pensent que la succession d’Al-Saïd à la tête du parti après Khaled Mohieddine a contribué à la création d’une opposition docile qui se déclare sur la même longueur d’onde que le gouvernement, notamment en ce qui concerne le dossier de l’islam politique.

Médiateur entre l’Etat et l’Eglise
Al-Saïd se vante, dans le livre, d’avoir un jour joué le rôle de trait d’union entre le pape d’Alexandrie, le regretté Chénouda III, et le gouvernement. Il raconte avoir joué le rôle de médiateur sous le pontificat de Chénouda III, en demandant au ministre de l’Intérieur de l’époque, le géné­ral Habib Al-Adely, de faciliter les procédures de construction des églises en Haute-Egypte. Habib Al-Adely, ce jour-là, selon le témoignage d’Al-Saïd, s’est énervé et a été très sévère avec l’un des gouverneurs de cette région (la Haute-Egypte).

Dans son livre, Al-Saïd revient sur l’histoire moderne de l’Egypte, ou ce qu’on pourrait appeler l’Egypte du XXIe siècle, avec beau­coup de noblesse, d’enthou­siasme et d’espoir. Sans oublier cette tendresse envers son épouse Laïla, militante de gauche et détenue politique, et à toute sa petite famille.

Ennemi acharné de l’islam politique, Al-Saïd relate de nombreuses histoires pour mettre à mal ses rivaux ou ennemis politiques. Il raconte par exemple que Mohamad ElBaradei, prix Nobel et figure politique importante de la période qui a suivi la révolution, n’arrêtait pas pendant les réunions du Front de salut, après la révolution de janvier 2011, de répéter aux pré­sents que le sénateur américain Paul McCain lui téléphonait régulièrement.

En dépit de son passé de prisonnier politique ou de militant engagé, Al-Saïd aurait pu être accusé, notamment par ses ennemis politiques, de représenter ce qui pourrait s’apparenter à une gauche caviar, une gauche loin des soucis du peuple. C’est pourquoi ce livre est une ten­tative de la part d’Al-Saïd de se justifier, mais surtout d’expliquer aux prochaines générations ses positions et ses combats durant cette période assez difficile de la vie politique égyp­tienne. Accusé d’avoir engagé l’opposition dans une lune de miel avec l’Etat, et surtout de jouer un rôle de despote au sein de son parti progressiste, Al-Saïd a été longtemps une source d’inspiration pour une partie de la jeu­nesse égyptienne, que ce soit pendant la période transitoire ou sous les Frères musul­mans, où il s’était opposé au projet de califat islamiste de la confrérie.

Réfaat Al-Saïd, Ma Tabaqqa Min Zikrayat
(ce qui reste des souvenirs),
2016, Dar Sanabel.

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