Peut-on renouveler aujourd’hui les moments glorieux du passé ? Ceux des relations égypto-libanaises et de leur rôle dans la renaissance arabe moderne ? C’est sur cette idée que la première rencontre culturelle égypto-libanaise s’est tenue dans les locaux de la Fondation Al-Ahram, la semaine dernière. Sous les auspices de son PDG, Ahmad Al-Naggar, et de son rédacteur en chef, Mohamad Abdel-Hadi, avec l’Association des hommes d’affaires de l’Amitié égypto-libanaise, les débats menés dans la salle des conférences portant le nom de Hassanein Heikal, grande icône de la presse égyptienne, sont prometteurs. Surtout en présence de grands noms de la culture des deux côtés, tels le critique Gaber Asfour, l’écrivain Mohamed Salmawy, le chercheur Nabil Abdel-Fattah, l’artiste Adel Al-Siwi, le directeur du Centre national de la traduction, Anouar Moghith, du côté égyptien, ou l’ex-premier ministre Fouad Al-Sanioura, l’ex-ambassadeur et intellectuel de poids Khaled Ziada, Tarek Mitri et Georges Qorm, du côté libanais.
La rencontre est positive, parce qu’elle mise sur le culturel à un moment où toutes les donnes politiques mettent la culture hors du combat. Il s’agit donc de récupérer le soft power par les intellectuels des deux côtés, à un moment où, de part et d’autre, ils sont exclus de la carte stratégique. « Nous sommes heureux d’être parmi vous dans la Fondation Al-Ahram, créée par les Libanais et maintenue par les Egyptiens », avance Khaled Ziada, à la clôture de la journée, en un clin d’oeil sur l’amitié historique des deux côtés depuis la création d’Al-Ahram par les frères Bichara et Sélim Takla en 1875.
La première rencontre égypto-libanaise d’Al-Ahram tient en considération, dans ses papiers préparatifs, que depuis la Révolution de Juillet 1952, des transformations majeures ont secoué la région arabe et ont jeté leur ombre sur le rapport des deux pays et de leurs intellectuels (l’apparition de nouveaux centres dans la région des pétrodollars, la montée de l’extrémisme politique et religieux, l’avènement de groupes de violence sous le label religieux créant des obstacles au concept d’une coalition, ou d’une arabité collective, et les pressions politico-sociales, les troubles sécuritaires pendant les phases de transition dans les pays dits du Printemps arabe). Les interventions ont tenté de cerner la situation actuelle de la culture égyptienne et libanaise, pendant les cinq dernières années du point de vue du rapport de l’institution culturelle officielle et les organisations indépendantes, du rapport entre le culturel, le politique, le religieux et le médiatique, ou l’influence des réseaux sociaux sur la culture.
Quelle est la place de l’intellectuel vivant dans une région de troubles, dans le monde « post » : post-moderne, post-globalisation et post-numérique ? Nabil Abdel-Fattah, directeur du Centre d’Al-Ahram des études historiques, attire les attentions sur la nécessité de renouveler tous les concepts, comme le fait de renouveler le discours religieux qui ne prend pas en considération aujourd’hui qu’il existe un changement draconien de la transition de la piété religieuse, soutenue par les nouveaux prêcheurs, vers son contraire, c’est-à-dire perdre la croyance dans l’idéologie religieuse même. Il insiste également sur le fait que le rôle des réseaux sociaux est devenu plus influent, ou du moins plus courageux, puisqu’il n’épargne aucun sarcasme face au réel politique. De plus, Abdel-Fattah s’indigne de l’absence d’études appropriées qui se concentrent sur les différentes étapes transitoires que l’Egypte a vécues.
Ce manque relevé dans différents dossiers rappelle une fois de plus la nécessité de se rencontrer et d’actualiser les débats en fonction de l’ici-maintenant. C’est pourquoi une prochaine rencontre est prévue, par Al-Ahram et l’Association des hommes d’affaires de l’Amitié égypto-libanaise, pour le mois de février 2017 .
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