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Le remarquable legs d’Amal Donqol

Rasha Hanafy, Lundi, 06 juin 2016

A l'occasion du 33e anniversaire de la mort du poète égyptien Amal Donqol, plusieurs activités culturelles ont été organisées, notamment en Haute-Egypte, autour de son oeuvre, toujours aussi vivante.

Le remarquable legs d’Amal Donqol

Il est mort à l’âge de 43 ans, le 21 mai 1983, après 3 ans de lutte contre le can­cer. Mohamad Amal Donqol est né en 1940 dans le village d’Al-Qalaa, dans le gouvernorat de Qéna en Haute-Egypte. Pour commémorer le 33e anniversaire de la mort du « Prince des protestataires », comme l’appe­laient les critiques, une série d’activités cultu­relles a été organisée du 21 mai au 2 juin à La Maison de la poésie, à Louqsor, ainsi qu’au club de la culture à Minya, avec la participa­tion de jeunes poètes, notamment de Haute-Egypte, des critiques et des professeurs d’uni­versités. Les discussions ont porté sur l’oeuvre poétique de Donqol. La commémoration était aussi présente sur les réseaux sociaux, où les internautes ont publié certains de ses poèmes, avec le hashtag « #Amal_donqol ». Les poètes ont rendu hommage à ce poète dont les poésies sont toujours vivantes de nos jours. « Amal Donqol n’est pas mort, il est plus vivant que jamais. Il est le seul parmi les poètes de la fossha (langue classique) dont les vers ont été dessinés en graffitis pendant la révolution du 2011. Il est le poète du refus de tout ce qui est politiquement, artistiquement et culturellement arriéré », affirme à la presse le poète Zein Al-Abidine Fouad, qui était présent lors de l’en­terrement de Donqol en 1983. Et d’ajouter : « Tous ceux qui se trouvaient autour du corps d’Amal Donqol savaient que le poète avait changé son adresse postale pour habiter dans le coeur et la conscience des gens ».

Amal Donqol a laissé six recueils de poèmes : Al-Bokaa Bayna Yaday Zarqaa Al-Yamama (pleurs entre les mains de Zarqaa Al-Yamama), publié en 1969, Taaliq Ala Ma Hadas (com­mentaire sur ce qui s’est passé), en 1971, Maqtal Al-Qamar (le meurtre de la lune), en 1974, Al-Ahd Al-Ati (le testament à venir), en 1975, Aqwal Min Harb Al-Bassous (à propos de la guerre de Bassous), en 1983 et Awraq Al-Ghorfa 8 (feuillets de la chambre 8), en 1983, dernier recueil qu’il a écrit alors qu’il était malade. Ses écrits sont remplis de révolte et tournent autour de thèmes artistiques et sty­listiques auxquels la poésie, de cette époque, n’était pas habituée, ainsi que des personnages traditionnels inspirés du patrimoine arabe ou autres. « Donqol était attaché au patrimoine arabe ancien et moderne. Il s’est inspiré égale­ment des mythes, des légendes et des histoires populaires, ainsi que des livres saints dans ses poèmes », comme l’indique à la presse le cri­tique Medhat Al-Gayar. Ainsi peut-on voir des vers rédigés sous forme de chapitres du premier Testament, dans Al-Ahd Al-Ati (le temps à venir), et des vers prononcés par le symbole de la lutte pour la liberté des peuples opprimés, Spartacus, dans Kalimat Spartacus Al-Akhira (les derniers mots prononcés par Spartacus).

Des mots qui persistent
Les poèmes de Donqol circulent encore et toujours, notamment parmi les jeunes révolu­tionnaires et ceux qui luttent contre le despo­tisme, l’oppression, l’injustice et la torture, et veulent instaurer les principes des droits de l’homme et de la dignité dans les sociétés arabes, ayant à l’esprit la récupération des terri­toires arabes occupés. Les mots de Donqol et son oeuvre poétique ne sont pas morts, 33 ans après sa disparition. Parmi ses poèmes célèbres figure celui intitulé La Tosaleh (ne te réconcilie pas), publié en 1976, dans lequel il dit : « Ne te réconcilie pas, même s’ils te donnaient de l’or. Si je sortais tes yeux de tes orbites et que je mettais deux pierres précieuses à leur place, saurais-tu voir ? Saurais-tu voir qu’il y a des choses qui ne s’achètent pas ? ». Il y a aussi son poème intitulé Commentaire sur ce qui s’est passé, publié en 1971 et dans lequel il dit : « Je vous ai dit à plusieurs reprises, (…) que les canons qui bordent les frontières, en plein désert, ne crachent le feu que lorsqu’ils sont dirigés vers nous, que ces balles, dont nous payons le prix en sacrifiant le pain et le médi­cament, ne tuent pas les ennemis, mais nous tuent si nous élevons la voix ».

Jusqu’à aujourd’hui, ses Feuillets de la chambre 8 sont gravés dans les esprits des gens, notamment les poètes. « Donqol fait partie des poètes du modernisme égyptien qui ont eu leur empreinte sur la poésie arabe. Je pense que son expérience poétique la plus mûre est son der­nier recueil intitulé Les Feuillets de la chambre 8. A mon avis, la poésie perd les moyens de persister quand elle est liée à la politique », insiste le poète Mahmoud Qorani. Son collègue Ibrahim Daoud souligne également que ce recueil en particulier est « une poésie soufie dans laquelle on perçoit la vie de l’homme quand il tombe malade. Donqol s’exprime et dépeint le bloc opératoire, le lit, les médecins, la faiblesse humaine … C’est magnifique comme poésie et c’est plus vivant que les poé­sies politiques ». On peut lire dans ce recueil les derniers mots de Donqol : « En demeurant dans les places de la ville, lançant, comme un enfant, des pierres avec sa fronde, il touche ceux qu’il peut toucher parmi les gens qui passent ! Il va à la mer, à l’heure de la marée haute, il jette dans l’eau l’hameçon de la canne à pêche, puis il revient écrire les noms de ceux qui se sont accrochés à ces pièges meurtriers. (…) Hier, je l’ai surpris près de mon lit, tenant dans une main un verre d’eau, et dans l’autre main des médicaments en comprimés que j’ai pris ! Il souriait, et j’étais soumis à mon destin » .

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