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Salon du Livre : Résister à la régression

Mavie Maher, Lundi, 04 février 2013

Le colloque tenu la semaine dernière sur « La Femme égyptienne après la révolution » au Salon du livre réunissait des membres des courants libéral et islamiste. Compte rendu.

Salon du Livre

Je suis désolée si vous avez remarqué que le nombre de gens qui ont assisté à la conférence était restreint. Nous vivons des moments difficiles, le sang des Egyptiens coule en ce moment », s’indigne Hanem Mohamad, activiste d’une quarantaine d’années, en s’adressant à Manal Aboul-Hassan, chef du comité des femmes au sein du Parti Liberté et justice et professeur en communication.

Celle-ci a commencé son discours par souligner le nombre limité de l’audience en disant : « Chez nous, au Parti Liberté et justice, le nombre minimum d’assistants à n’importe quel événement atteint un millier de personnes. C’est inquiétant que leur nombre aujourd’hui soit si réduit. Est-ce parce que le ministère de la Culture ou nous-mêmes n’avons pas fait assez de publicité sur l’événement ? ».

Les intervenantes représentaient les deux clans opposés : le libéral (Marguerite Azer et Manal Al-Tibi) et l’islamiste (Manal Aboul- Hassan et Hoda Abdel-Moneim). Le premier milite pour plus de droits pour la femme dont le statut est en régression continue, et le second se range dans la soumission dictée par les Frères musulmans.

Manal Aboul-Hassan souligne que la participation de la femme dans la révolution du 25 janvier était similaire à celle de l’homme, soutenant les mêmes revendications : pain, liberté et justice sociale. Elle poursuit : « Lorsque j’ai participé au 18 jours de sit-in de la révolution, il n’y avait pas de revendications propres aux droits des femmes. Nos revendications étaient les mêmes ».

A l’opposé, Marguerite Azer, ex-député au Parlement et vice-secrétaire générale du Conseil national de la femme, a montré que la femme, après la révolution, avait été marginalisée malgré sa participation effective. Elle explique qu’elle a été quasiment exclue de l’assemblée constituante. De même, lors des élections parlementaires, la femme n’a obtenu que 2 % des sièges. Et au Parlement, il existait des projets de loi qui étaient, selon Azer, une violation des droits des femmes, à l’exemple des demandes d’annuler la loi de Kholea (le droit de la femme de demander le divorce), ou de la baisse de l’âge du mariage.

Sur la situation de la femme dans la Constitution (rédigée par une assemblée constituante majoritairement islamiste), Azer estime qu’elle y est totalement marginalisée. « Bref, on est devant des mutations et une culture visant à réduire le rôle de la femme à celui de mère ou de femme, source de plaisir pour l’homme », conclut-elle.

Du même courant libéral, Manal Al-Tibi, directrice du Centre égyptien du droit au logement, commence par avouer qu’avant la révolution, elle ne s’intéressait pas aux droits des femmes en particulier, mais plutôt aux droits sociaux et économiques. « Après la révolution et ma participation à l’assemblée constituante, j’ai complètement changé d’avis ». Elle rappelle, étonnée, que les femmes ellesmêmes soutenaient le refus de la criminalisation de la violence faite aux femmes sous prétexte que, dans la famille, le recours à la violence contre la femme est permis.

Hoda Abdel-Moneim, avocate et membre du Conseil national des droits de l’homme, a donné son témoignage sur les 18 jours de la révolution, soulignant la participation effective de la femme.

L’audience a reproché aux intervenantes représentant les Frères musulmans leur occultation des défis et des problèmes de la femme égyptienne après la révolution. En guise de réponse, Hoda Abdel-Moneim a simplement réitéré l’importance de la femme dans la transmission de l’Histoire, car c’est à elle que revient la charge de transmettre les faits historiques à ses enfants.

Par ailleurs, Azer a souligné l’importance de développer les outils de revendications des droits de la femme. Puisque, comme le souligne Manal Al-Tibi, c’est le courant islamiste qui tente de marginaliser les autres courants, en essayant de mettre toutes les revendications concernant les droits de l’homme dans le cadre de demandes propres à chaque secteur dans la société. Le colloque s’est achevé avec beaucoup de points d’interrogation mais sans réponses satisfaisantes.

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