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Extraits du recueil Hagar Yatfou Ala Al-Maa (pierre flotte sur l’eau), publié par le Centre International de poésie Marseille

Dimanche, 04 octobre 2015

Pierre flotte sur l’eau doucement ; alentis, temps cruel ; viendront oubli, consolation et nuées de chauves-souris ; mirage jusqu’à l’aube, la désolation marche lentement dans les rues, monte aux minbars, fusil braqué et matraque levée, qu’est-ce que le temps ? Comme si j’étais ... mais je suis pierre sur une eau étrange.

Ô temps douteux, visage, masque,

ou fleur empoisonnée

qui séduit le coeur soucieux ?

Le passé est passé, qui me fera signe dans l’étrange pays, qui répandra sel et safran sur mes pas, rose des sables ou fée de montagne raccommodant la mémoire avec l’ombre du jasmin ?

Instant ruse
Des caravanes partent pour un horizon creux (un abîme ?) et m’abandonnent dans les déserts de dieu, ni eau ni étoile polaire, âcre poussière et soleil avorté, gommiers, pissent dans le sable, palmiers chimères soutiennent le ciel, hurlement, et quelque chose s’enfuit, un oiseau attaque soudain et disparaît, minuit ou midi ? Heure zéro, instant de perdition ? Ce qui est passé est mort, ce qui viendra est à venir.

Sans attente
Comme si j’étais chargé de labourer cette terre en friche, personne ne me l’a demandé, je me suis éveillé, elle était dans mes bras. Qui êtes-vous dame des mondes ? Vous êtes le seigneur de ceux qui savent. Plus nus que nudité. J’ai mis ma guenille et ma cocarde et nous sommes partis silencieux, accompagnés de lézards, chats égarés, aboiement et hennissement. En un lieu donné, je me suis levé, orateur éloquent (j’ai émaillé mon discours de citations modernistes, libérales et autres, avec quelques proverbes populaires et des adages arabes, ils étaient éblouis).

Ils m’ont soulevé sur leurs épaules (les ovations assourdissaient les horizons), et m’ont accompagné. Où, éminents, glorieux et vaillants messieurs ? Vivement comme un seul homme : ne pose pas de questions sur le lieu, mais sur le temps. J’ai dit, ils ont dit : ton temps est le lieu, tais-toi. Je me suis tu, mon visage tournait dans le ciel à la recherche d’une direction convenable, en vain ; une fois lassé, le désir d’éloquence l’est revenu et j’ai commencé : « A vous la terre mon héritage et ma propriété, à vous les cieux mon ombrelle et ma felouque, à vous les mers mes larmes sur les pauvres et les voyageurs dans la longue nuit ; bonheur à vous, bonheur à moi ». Exultants, heureux, se réjouissant de la magnificence du pays et des hommes jusqu’à la fin des temps, ils m’ont emmené à la mer en colonnes disciplinées avec kalachnikovs, drapeaux en couleurs et joyeuses marches militaires (l’univers était propice pour commettre rêves et belles farces, il ne connaissait pas encore le mode de production asiatique,, la stagnation orientale et la transmission du pouvoir républicain).

J’ai dit : Pourquoi pas ? Mon cher peuple, voici mes décrets :

1- Je suis le seigneur du pays, des hommes et de la corruption pour l’éternité,

2- Ceux qui se mettront en travers, ils devront frapper leur tête contre le mur ou boire à l’eau de la mer. Je me suis appliqué à composer l’hymne national, à inventer un drapeau, une devise, etc. Quand j’ai fini, je les ai rassemblés pour qu’ils me jurent allégeance et obéissance aveugle, ils m’ont jeté à la mer. Où êtes-vous dames des mondes ?

Où êtes-vous ?

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