
Hilmi Al-Namnam, nouveau ministre de la Culture.
Le récent remaniement a divisé l’opinion publique, et la nomination du ministre de la Culture ne fait pas exception à la règle, même si la polémique a été moins forte que celle concernant certains autres portefeuilles, notamment celui de l’Education. Ce dernier fut accusé de faire des fautes d’orthographe et d’être ainsi non qualifié pour occuper ce poste. Que ce soit le portefeuille de l’Education ou celui de la Culture, le niveau culturel des membres du gouvernement semble faire des pas en arrière.
Hilmi Al-Namnam était directeur de Dar Al-Kotob, (la Bibliothèque nationale) et possède une formation journalistique de longue date dans le domaine culturel. Pourtant, certains l’accusent de ne pas avoir de niveau académique suffisant pour occuper ce poste. La question étant : doit-on posséder des diplômes de haut niveau pour occuper ce portefeuille ?
La réponse est pourtant évidente : on ne compte plus les exemples dans le monde du succès à des postes ministériels d’intellectuels éclairés qui n’étaient ni académiciens, ni doctorants. Farouk Hosni, qui est resté pendant 24 ans ministre de la Culture, et dont les actions furent louées par beaucoup, est toujours resté loin de la vie académique.
L’autre problème est qu’on continue jusqu’à aujourd’hui à juger les ministres de la Culture en fonction de leur rapport avec la confrérie des Frères musulmans. Sont-ils proches du conservatisme religieux ou prêchent-ils la laïcité ? En réalité, ce critère ne tient plus, l’actualité politique l’a indubitablement dépassé. Le dilemme n’est plus, aujourd’hui, être un Frère ou être un laïc, mais plutôt à quel point on peut se distancier de l’esprit de propagande et ne pas se soumettre à la pensée unique, diffusée par les médias.
Car depuis le sit-in des intellectuels en 2013 contre « la frérisation » de la culture suite aux décisions de l’ancien ministre Alaa Abdel-Aziz de confier la direction d’institutions culturelles à des responsables conservateurs, il n’est question que d’un marathon d’esprit laïque et du renouvellement du discours religieux. L’exemple le plus représentatif reste celui de Gaber Asfour, critique et académicien éclairé, qui fut nommé ministre à deux reprises, en 2011 et en 2014, et qui a mené « à l’excès », pour certains, dans sa lutte acharnée contre le discours religieux. Mais faute de dosage approprié dans sa guerre contre l’obscurantisme, Asfour s’est heurté à Al-Azhar, ce qui lui a coûté son poste.
Aujourd’hui, les partisans du nouveau ministre Hilmi Al-Namnam rappellent encore la liste d’ouvrages qu’il a écrits en faveur de l’esprit éclairé et d’une relecture de l’histoire à travers des sujets comme Al-Azhar, Hassan Al-Banna, Sayed Qotb, Taha Hussein ou encore le sionisme. Grâce à ses ouvrages et sa carrière, Al-Namnam est à la fois proche des cercles intellectuels et des responsables du ministère de la Culture.
En plus de sa direction de Dar Al-Kotob, on l’avait chargé dernièrement, depuis deux mois, de diriger temporairement le GEBO (Organisme général du livre égyptien), à la suite du limogeage d’Ahmad Mégahed par l’ex-ministre de la Culture Abdel-Wahed Al-Nabawi.
Rappelons également qu’en 2009, il a été nommé vice-président du GEBO et avait publié un décret interdisant au GEBO de publier des ouvrages écrits par des dirigeants de cette institution, une mesure clairement en faveur de la transparence et des codes de l’éthique.
Ses adversaires lui reprochent des écrits superficiels, d’être un simple rapporteur dénué de projet idéologique consistant. Ils estiment qu’il ne sera pas apte à mettre en place les futures stratégies du ministère.
Ses premières déclarations semblent prouver qu’il reste sur la même ligne que son prédécesseur : le renouvellement du discours religieux est selon lui une question sociale à laquelle doivent participer toutes les instances de l’Etat. Il a souligné que les palais de la culture, dans les provinces égyptiennes, étaient la force douce du ministère et devaient, à travers des activités, promouvoir la sensibilisation culturelle publique aux quatre coins de l’Egypte. Des déclarations qui rappellent bel et bien celles de ces prédécesseurs et qui ne sont que l’écho de l’une des allocutions du président de la République devant Al-Azhar.
S’il est encore trop tôt pour juger d’un éventuel changement, il est certain que l’atmosphère ambiante n’est pas prometteuse. D’une part, le problème de l’ex-ministre de la Culture n’était pas son conservatisme, comme aiment à répéter certains intellectuels, mais plutôt sa vision passéiste de la culture, basée sur l’orientation et la culture sur commande. Ses initiatives d’échanges entre le ministère de la Culture et celui des Waqfs, chargé des affaires religieuses, en sont un exemple. Il voulait aussi soumettre l’ensemble des instances culturelles au service des projets nationaux, comme les compétitions littéraires et artistiques qui ont été lancées à l’occasion du Nouveau Canal de Suez. On se demande si c’est bien là le rôle du ministère de la Culture.
D’autre part, le nouveau ministre doit affronter les voix qui s’élèvent contre la mainmise de l’Etat sur la culture. Ce sont les partisans des espaces culturels alternatifs et indépendants qui s’épanouissent loin du monopole étatique. Les jours à venir vont révéler si le ministre prendra en considération ces données et pourra restructurer le rôle du ministère loin des campagnes médiatiques.
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