Une propagande. Tel est le commentaire de quelques spécialistes égyptiens sur la récente découverte de manuscrits anciens contenant des sourates du livre saint de l’islam. Selon les informations diffusées dans la presse internationale, des fragments du Coran, datant de plus de 1 300 ans, ont été découverts à l’Université de Birmingham, au Royaume-Uni.
Selon une datation au radiocarbone, ces textes, écrits sur de la peau de mouton et de chèvre, pourraient avoir été écrits par une personne ayant connu le prophète Mohamad. Selon les tests menés par une équipe de recherche de l’Université d’Oxford, avec une probabilité de plus de 95 %, ces éléments auraient vu le jour entre 568 et 645, à l’époque même de l’écriture du Coran.
Cette découverte accrédite la thèse selon laquelle les versions du Coran ont peu varié depuis les origines, mais surtout certifie l’écriture du Coran du temps du prophète. En Egypte, la nouvelle n’a pas été accueillie avec beaucoup d’intérêt. Même Al-Azhar, haute autorité morale de l’islam sunnite, a déclaré par la voix de son sous-secrétaire qu’il n’avait pas droit de demander à l’université anglaise les fragments du Coran et qu’il incombait aux institutions de recherches sur les manuscrits de les étudier.
Les spécialistes dans les universités égyptiennes, eux, critiquent le manque de tests spécifiques. « D’après mes études sur les manuscrits et les différentes calligraphies du Coran, je ne pense pas qu’il s’agisse de textes du Coran écrits peu après ou durant le temps du prophète. Les tests au carbone14 ont été faits sur la peau de l’animal sur laquelle ont été rédigées les sourates. Il fallait aussi faire des tests sur l’encre. De plus, j’ai vu la vidéo diffusée et les photos de ces fragments, et je peux dire que la vocalisation, les couleurs, la séparation entre les sourates, le pointage, tout cela n’était utilisé dans la calligraphie que dans des époques beaucoup plus tardives », avance Omniya Amer, maître au département de manuscrits et d’archives de la faculté des lettres de l’Université du Caire. Amer assure que la calligraphie utilisée prouve que ces fragments ont été rédigés bien après les premières décennies de l’islam.
« L’affaire
n’est pas si facile »
L’organisation des sourates dans les fragments découverts suscite aussi le doute sur les dates avancées par l’université britannique. Les manuscrits sont composés de neuf pages divisées en deux parties : la première renferme des passages des sourates (Al-Kahf, Mariam et Taha), la seconde partie renferme des passages des sourates (Al-Nissaa, Al-Maëda et Al-Aneam). « Au temps du prophète, il n’y avait pas cette organisation. Il n’y avait pas non plus l’utilisation des couleurs. Dans ces manuscrits, la couleur rouge au commencement des sourates est bien identifiée », indique Amer, qui souligne qu’il se peut que la peau remonte au temps du prophète, mais que la rédaction soit intervenue bien après.
Selon les spécialistes des manuscrits, il est indispensable de faire des tests sur la calligraphie même. Il faut aussi les comparer aux autres manuscrits du Coran retrouvés et conservés dans plusieurs pays comme en Russie, Turquie, Egypte, Arabie saoudite et Yémen. « Il faudrait effectuer plusieurs autres tests sur les manuscrits, comparer la nature de la calligraphie et son développement en particulier. Il est difficile de se prononcer sans avoir fait de comparaison avec les manuscrits déjà découverts », assure Ahmad Zakariya Al-Chalaq, professeur d’histoire, faculté des Lettres à l’Université de Aïn-Chams.
Pour l’heure, beaucoup de spécialistes avancent qu’il est trop tôt pour déterminer quand ces manuscrits ont été rédigés.
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