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Des pantins comme métaphore de la guerre

Névine Lameï, Mardi, 27 janvier 2015

Souad Mardam Bey expose ses peintures à l›huile montrant des enfants qui jouent malgré la guerre et leur quotidien sinistre.

Des pantins comme métaphore de la guerre
Des personnages-jouets en attente.

Jouets sans jeux. Ce jeu de mots résume à mer­veille le choix de l’artiste-peintre syrienne, Souad Mardam Bey, qui expose actuellement à la galerie Zamalek. Elle nous émeut profondément, en représentant un monde chargé de signes, d’émo­tions et de couleurs. Tout ce qui exprime un vif désir de garder espoir en un avenir meilleur, mal­gré tout.

Cette nouvelle série de peintures, réalisées toutes en 2014, diffère complètement de ses oeuvres précédentes. En 2013, elle avait exposé des portraits immenses de femmes figées, bien cachées derrière des lunettes de soleil noires, « afin d’échapper à l’incertitude du quotidien au Moyen-Orient ». Cette fois-ci, Souad Mardam Bey reflète, d’une autre manière, le contexte sociopolitique où elle a travaillé. « Comme je suis captivée par l’art figuratif, les protagonistes de ma nouvelle exposition ne sont pas des humains, mais des jouets symboli­sant des enfants victimes de la guerre », souligne Mardam Bey. L’artiste s’inspire de l’histoire de Pinocchio, le pantin qui pleure, rit et parle comme un enfant.

Mardam Bey imagine et façonne ses propres jouets. Ceux-ci revê­tent la forme de marionnettes et de guignols qu’elle entraîne dans de nombreuses aventures à travers 20 peintures-collages. Une manière de partager avec les enfants de la guerre, notamment les Syriens, leur peine, leur résistance, leur nostalgie et leur espoir de retrouver la paix. « Avec les séquelles de la guerre actuellement vécue, l’en­fance est dans un état lamentable ! Pour traiter d’un tel état d’âme, je n’ai pas voulu que mon message soit direct et macabre, comme celui des médias qui nous transmettent quotidiennement des scènes affli­geantes d’enfants torturés ou affligés », accentue Mardam Bey.

Les marionnettes et guignols dépeints par l’ar­tiste sont des sans-abri, en état d’attente et de choc ; ils sont figés, perdus, sans défense. Et se détachent sur un arrière-fond beige, marron ou noir, donnant la sensation d’un univers fluide, flou et contrasté. Puis, soudain, une lueur d’es­poir. « Les yeux grand ouverts, mes personnages-jouets sont blessés quelque part. Néanmoins, ils n’ont pas d’image macabre, leurs vêtements sont tous bariolés. Je voulais que mes peintures soient aussi belles que l’enfance », ajoute Souad Mardam Bey, installée au Caire depuis plusieurs années.

La peintre a été très touchée par une image dif­fusée par les médias, celle d’un enfant syrien mort, portant les chaussures de son père ! « L’enfant n’avait rien trouvé d’autre pour fuir la guerre. Depuis, les chaussures ont constitué à mes yeux un symbole de l’amour familial, de la protec­tion. C’est devenu un motif commun dans toutes mes peintures », raconte Mardam Bey.

On y trouve, en effet, chaussures colorées de grandes pointures pour hommes ou à talons pour femmes. Les médailles, autour du cou, portent des photos familiales ou celles de martyrs, comme un signe d’identification. Les pieds sont de plus en plus minces, instables sur la terre. Les mains ont la forme de clous. Le destin de ces enfants-jouets ne tient qu’à un fil, même si l’artiste tente d’ajouter quelques touches plus gaies, en multipliant les fleurs rouges, les pigeons, les anges et les manèges l

Jusqu’au 2 février à la galerie Zamalek, de 10h à 21h (sauf le vendredi). 6, rue Brésil, Zamalek.

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