Les membres de l’ensemble Ibn Arabi sont tous nés dans un milieu soufi.
Chacun son soufisme. Si pour les uns cette doctrine peut être synonyme de « torture de l’âme » et d’« abnégation de soi », pour beaucoup d’autres, elle se résume à passer une bonne partie de sa vie dans un lieu de culte musulman à remercier le Ciel et réciter des supplications envers le Créateur. Ces propos pleins de contemplation sont de Abdel-Wahid Senhaji, membre de l’ensemble soufi Ibn Arabi.
Supplier Dieu en évoquant ses 99 noms. Chanter les louanges du prophète et de ses saints. Remercier le Ciel, quelles que soient les conditions de vie. S’excuser auprès du Ciel pour ses moindres erreurs et lacunes. Le soufisme de l’ensemble est aussi simple et pur que cela. L’ensemble Ibn Arabi puise ses origines dans la confrérie dite « Seddikiya », créée en référence au cheikh sunnite malékite Mohamad bin Seddik. Née au Maroc dans une casbah tangéroise, cette troupe sillonne les quatre coins du monde pour faire connaître sa perception du « soufisme seddiki ». Celui-ci se limite à l’amour de l’islam, d’Allah, de ses saints et du prophète. Il s’oppose au « soufisme chiite », assimilé à une manière de faire souffrir le corps, en le privant notamment des plaisirs éphémères de la vie. En effet, selon les soufis d’obédience chiite, le corps serait responsable de toute la débauche à laquelle l’humanité a pu s’adonner depuis la nuit des temps.
En s’appelant Ibn Arabi, l’ensemble songe à réincarner, voire à immortaliser l’oeuvre du théologien Mohieddine Ibn Arabi, musulman sunnite né en 1165 à Murcie en Espagne, mort à Damas en 1240. Ainsi, les musiciens Ahmad Al-Kheligh, Abdellah Mansour, Kayvan Chemirani, Haroun Teboul, Ossama Al-Kheligh et Abdel-Wahid Senhaji reprennent, dans leurs chants religieux, des textes du théologien et poète murcien, tout en restant fidèles à sa perception avant-gardiste de l’adoration de Dieu.
L’envie de relayer un tel message spirituel s’explique aussi par leur histoire familiale. « Nous sommes nous-mêmes nés dans un milieu soufi. Nous sommes, comme on nous appelle communément, des adeptes de la zaouia seddikiya », raconte Abdel-Wahid. Et de poursuivre, fièrement : « Nous avons grandi aux côtés du cheikh Abdel-Aziz Seddik. Nous sommes tous ses disciples. Il nous aimait comme si nous étions ses propres fils. Personnellement, je suis fier de faire partie de sa famille étendue. Que son âme repose en paix, lui, qui nous a quittés, il y a quelques années … ».
Fondé par Ahmad Kheligh — connaissant par coeur tous les chants des séances spirituelles seddikies, l’ensemble a longuement été encouragé par le cheikh Abdel-Aziz Seddik, de son vivant.
Sur scène, mais aussi dans leurs « jalsas » (rencontres), les jeunes hommes revisitent les célébrissimes chansons soufies, écrites par l’éminent poète murcien, telles que « Araftou Al-Haoua », (j’ai connu l’amour), et « Adinou bi Dine Al-Hob » (ma religion est celle de l’amour). Aussi diversifiées soient-elles, leurs chansons n’ont qu’un seul message : « Aimer Dieu, c’est s’aimer soi-même. C’est aimer son créateur et sa raison d’être. Celui qui nous a donné la vie et celui chez qui nous retournerons », comme le dit si bien Abdel-Wahid Senhaji.
Du chant halal
Toujours selon le disciple du maître Abdel-Aziz Seddik : « Des hadiths (paroles du prophète) rapportent que du temps du messager de l’islam, des hommes se réunissaient dans des jalsas similaires aux nôtres et chantaient les louanges de la divinité et de ses dons, en introduisant des instruments tels que la flûte et le tambour dans leur travail artistique. C’est ce que nous faisons, nous aussi. Parce que le son de la flûte, mêlé à celui du tambour, rend nos supplications plus plaintives et plus attendrissantes. Voici, d’ailleurs, pourquoi nos chants font pleurer les âmes sensibles … ».
Comme toujours, l’ensemble a fait salle comble lors de la dernière édition du Grand Mawlid de Paris. Une manière de commencer l’année 2015 en beauté.
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