La presse tunisienne condamne l'acte terroriste.
Le jour même de l’attentat terroriste contre Charlie Hebdo, un rassemblement de dessinateurs tunisiens s’est tenu devant la résidence de l’ambassadeur de France à la Marsa, en banlieue nord de Tunis, scandant des slogans dénonçant la tuerie et brandissant énormément de dessins rouge sang. Willis de Tunis, Orange M et beaucoup d’autres ont pris la plume pour dire « adieu » à Cabu, Charb, Wolinski et Tignous, non sans émoi.
Pour sa part, le caricaturiste libanais Stavro Jabra n’en revient pas. « Ce qui s’est passé à Paris ce matin-là est complètement absurde et inadmissible. Comment pourrait-on tuer pour un ou des dessins ? Certainement, la question a vite pris une tournure politique pour éviter que le drame ne devienne encore plus funèbre, mais le point le plus sensible dans tout cela reste la vie des professionnels de la plume », fait-il remarquer, en ajoutant : « Tous les sujets qui dérangent sont des matières à critique. Caricaturer c’est avant toute chose exagérer, il s’agit ici de l’étymologie même du terme. Que celui qui n’a jamais exagéré en plaisantant ou en critiquant — en précisant qu’il le fait — nous jette la première pierre, même si tout le monde est censé savoir que caricature est faite pour être exagérée ... ».
Propos pleins de sagesse, venant de la part d’un caricaturiste qui ne recule devant rien. Pas même devant les chefs de l’Etat islamique et du Front Al-Nosra. Ses caricatures, pour le moins téméraires, témoignent le mieux de sa hargne et de son militantisme de première heure. Pour Charlie Hebdo, Stavro a lui aussi pris la plume en imaginant une France ensanglantée, vêtue de noir, qui refuse de baisser la tête.
« Charlie Hebdo a beaucoup d’amis dessinateurs algériens », témoigne Amine Labter, caricaturiste au quotidien Le Soir d’Algérie. Pour exprimer sa douleur, le jeune artiste a publié un dessin noir, barré du logo de Charlie Hebdo, symbolisant la minute de silence dans le jargon du dessin. « J’étais dévasté. Le seul dessin qui pouvait décrire ce que j’avais ressenti ce mercredi-là était celui-là », nous fait-il savoir.
La vie ou la liberté d’expression
A l’instar de Labter, Ali Dilem montre, en dernière page du quotidien Liberté, un homme à terre écrivant avec son sang sur le mur : « Les cons m’ont tuer » (reproduisant ainsi la faute de grammaire de la célèbre affaire de Omar Raddad).
Ali Dilem est un dessinateur algérien talentueux, qui n’a pas froid aux yeux. En 1994, il a failli mourir, lorsque le terrorisme islamiste frappait son pays et menaçait, en premier lieu, les intellectuels de l’opposition. Dans les années 1990, des dizaines de journalistes et de caricaturistes ont payé de leur vie le prix de la liberté d’expression d’aujourd’hui. « Je suis complètement déçu de voir en 2015 des personnes qui continuent de payer de leurs âmes, le prix d’un droit qui est censé être primordial, celui de la liberté d’expression », conclut-il.
D’autres dessinateurs et caricaturistes n’ont pas manqué d’exprimer la même chose au Caire, à travers des dessins publiés dans la presse égyptienne, même s’ils n’ont pas le même lien « ombilical » avec la France. Walid Taher a publié, le surlendemain de l’attentat, dans le quotidien Al-Shorouk, un crayon limé avec le slogan « Je suis Charlie », en signe de solidarité. Et Amr Sélim a nargué, le jour même dans Al-Masry Al-Youm, les islamistes qui ont tué des artistes pour un dessin ... Non sans ironie, il a aussi dessiné à la dernière page une caricature sur le froid qui a pris le dessus sur les événements terroristes. En effet, la vague de froid explique en partie la faiblesse des réactions dans la rue égyptienne.
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