Quinze troupes professionnelles indépendantes présentent leurs créations en compétition officielle. Un nombre non négligeable en comparaison avec les productions du théâtre de l’Etat ou des palais de la culture, dont la participation s’est limitée à quelque dix spectacles cette année.
Cette participation témoigne d’ailleurs de l’évolution du statut des troupes indépendantes, lesquelles doivent leur appellation à leur rapport d’autonomie quant aux divers organismes gouvernementaux et à leur autofinancement.
Dans les années 1990, dix compagnies avaient refusé la décision du ministère de la Culture visant à annuler le Festival du théâtre expérimental, à cause de la Guerre du Golfe. Ces artistes avaient alors exprimé leur indépendance et avaient organisé un autre festival alternatif, privilégiant leurs propres spectacles.
Depuis, c’est devenu un rendez-vous annuel: « la saison des indépendants », attendue notamment par les jeunes créateurs, au mois d’avril.
Par ailleurs, le Festival national, dès sa première édition en 2006, a voulu s’ouvrir également aux jeunes créateurs. Du coup, ses organisateurs ont décidé de sélectionner les deux meilleures pièces présentées dans le cadre de la « saison des indépendants ».
Aujourd’hui, pour la 7e édition du Festival national, l’espace consacré aux indépendants s’élargit, et la désignation « Indépendants » n’est plus tout à fait la même. Car certaines troupes participantes n’hésitent pas à accepter un soutien financier d’entités comme le Studio Emadeddine ou de centres culturels étrangers. Ils ne ressemblent plus alors à leurs prédécesseurs qui tenaient farouchement à l’autofinancement.
De même, d’autres jeunes formations, issues du milieu amateur, cherchent à s’attribuer un statut plus officiel en prenant part au Festival, devenu une occasion de s’imposer sur la scène théâtrale.
Rater son coup
Le peu d’expérience des uns et des autres a mené à plusieurs couacs. A titre d’exemple, le monodrame Miroir, écrit et mis en scène par Yasmine Emam, manque de cadrage. L’espace scénique est trop large pour la comédienne et pour le décor, un décor évoquant l’impact de la société conservatrice sur une jeune fille qui rêve d’amour et de liberté.
La pièce Al-Etar (le cadre) de la troupe Souë Tafahom (malentendu) n’est qu’une adaptation du roman tragique de Yéhia Al-Taher Abdallah, Le Collier et le bracelet. Mais le metteur en scène Mohamad Mabrouk tombe dans le piège de la longueur et du jeu exagéré. Ce dernier a essayé de décontracter l’ambiance, en donnant libre cours aux effets humoristiques, au détriment de la construction dramatique. Le décor est composé de peintures de femmes qui n’ont rien à voir avec le contexte de la pièce. Les scènes, souvent sombres, se limitent aux couleurs traditionnelles d’éclairage. Malgré une expression corporelle et chorégraphique intéressante, Mabrouk n’a pas réussi à sauver sa pièce.
Les Frères Kramazov constitue un autre exemple raté. Présentée par la troupe Ehssas (sentiment), laquelle se proclame professionnelle, la pièce est monotone. La mise en scène est ordinaire et les personnages figés.
Malgré un décor et une scénographie assez recherchés, Al-Raheb Al-Aswad (le moine noir) n’était pas non plus à la hauteur. Ahmad Sami a opté pour des scènes d’une brièveté excessive. Les projecteurs s’éteignent et s’allument rapidement pour nous emmener d’une scène à l’autre. Mais plusieurs scènes auraient pu être supprimées. La musique domine parfois au point de ne plus entendre les comédiens. Dommage, car le drame en lui-même est intéressant. Le spectacle perd son charme.
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