Un échange subtil s’effectue entre les comédiens et les personnages du roman.(Photo:Pascal Victor)
Tout est sur les planches. Les comédiens, les habits, une grande table, un canapé et un fauteuil à gauche. L’un des comédiens commence à lire ses papiers. Un monde est en train de se créer devant nos yeux : une pièce de théâtre. Il s’agit de J’aurais voulu être Egyptien d’après Alaa El-Aswany, mise en scène par Jean-Louis Martinelli. Le spectacle, créé il y a un an par la compagnie de théâtre de Nanterre–Amandiers, est repris au Caire et à Alexandrie en coopération avec le secteur des relations internationales du ministère de la Culture et l’Institut français d’Egypte.
La pièce retrace les événements d’un roman d’Aswany, à savoir Chicago, avec cependant un titre emprunté à une autre œuvre du même Aswany. En fait, elle évoque l’histoire de certains exilés et boursiers égyptiens à Chicago aux Etats-Unis. Tandis que le pays est encore traumatisé par le 11 septembre, il s’apprête à recevoir le président Moubarak ... Les personnages du roman retracent l’image de l’Egypte avant la révolution et évoquent le rapport entre l’Occident et le monde arabe.
« La matière romanesque d’Aswany m’intéresse. Au départ, en travaillant sur L’Immeuble Yacoubian, moi en tant que français, je ne savais pas que dire. De quel droit je vais parler de l’Egypte ? Par contre, ce qui m’intéresse dans Chicago est que le roman place face à face l’Occident et le monde arabe, les Etats-Unis et l’Egypte. Ce rapport peut exister aussi entre la France et les pays du Maghreb. Le roman parle en fait de toutes les immigrations. C’est plus large que la question égyptienne », explique le metteur en scène, Jean-Louis Martinelli.
« Au moment de l’adaptation du roman, la révolution égyptienne s’est déclenchée. Le Printemps arabe a vu le jour. Je trouvais que ce serait une forme de provocation de mettre par exemple une affiche dans le métro parisien sur laquelle on a marqué J’aurais voulu être Egyptien. Dans une société occidentale un tel désir de changement serait considéré comme fou. Ce titre a, en réalité, été détourné d’une autre œuvre d’Aswany », ajoute-t-il.
L’espace scénique, dès le départ, évoque l’ambiance d’une salle de répétition. Les éléments du décor, dont certains sont manipulés par les acteurs eux-mêmes, le montrent bien. Le cadre urbain de Chicago est reflété à travers la toile de fond sur laquelle les vitres des immeubles et les gratte-ciel sont dépeints.
Martinelli opte pour la technique du théâtre dans le théâtre et nous propose un jeu à travers une fiction en deux actes. Neuf comédiens sont toujours sur scène. Ce sont les acteurs qui se réunissent pour une répétition et aussi les personnages fictifs du roman : les exilés et les boursiers égyptiens à Chicago. Il y a un va-et-vient subtil entre les deux mondes. Le comédien joue l’acteur, puis le narrateur situe sa scène pour ensuite rentrer dans la peau du personnage. Après, un deuxième comédien s’introduit et prend la relève. Et les autres comédiens, ils se trouvent à table, ou dans les parages, jouant les collègues qui attendent en silence le mot d’ordre pour interpréter leurs séquences.
Martinelli reste fidèle à la structure romanesque de l’œuvre d’Aswany. Son adaptation textuelle supprime juste quelques histoires de couples afin d’accentuer le rapport de face-à-face entre les différents partenaires, l’Occident et l’Orient.
Il réussit à créer son théâtre récit. Les séquences narratives et descriptives originales sont respectées et l’évolution dramatique des personnages est concrétisée jusqu’au bout.
A travers sa mise en scène, Martinelli invite le public à une relecture commune du roman.
Le 7 novembre, à 20h au théâtre Gomhouriya, rue Gomhouriya, Abdine, Tél : 2390 7707. Le 8 novembre, à 20h au théâtre de l’Opéra d’Alexandrie (Sayed Darwich), Manchiya.
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