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Cannes : début phénoménal

Yasser Moheb, Mardi, 20 mai 2014

Comme de coutume, c'est dès les premiers jours que le Festival de Cannes a sorti ses plus gros canons. Suspense, originalité et contro­verses se disputent la vedette. Coup de projec­teur sur une première semaine riche et agitée

 Cannes : début phénoménal

C’est parti !Dès ses premières projections, le Festival de Cannes offre à ses fans cadeaux cinématographiques et grandes surprises. Regroupant dans sa compétition 18 films de 12 pays, cette cuvée 2014 ren­ferme de nombreux phénomènes : projections en 3D, documentaires politiques, thrillers, comédies fantaisistes, mais avant tout des biopics !

Quatre films présentés la pre­mière semaine du Festival de Cannes viennent d’animer énergiquement la Croisette : il s’agit de biopics qui retracent des moments de vie de la princesse-star hollywoodienne Grace Kelly, du peintre britannique William Turner, de l’animatrice française de cabarets Angélique Litzenburger et du célèbre couturier français Yves Saint-Laurent. Quatre portraits de vie donc, dont le film de l’ouverture est Grace de Monaco signé Olivier Dahan, avec l’Australienne Nicole Kidman dans le rôle de la princesse.

Loin de plusieurs attaques et cri­tiques préfabriquées attendues, c’était un choix parfait pour ouvrir le Festival. Son sujet, ses stars, son décor et même l’importance qu’il porte tant par son équipe de travail que par son thème : tout est réuni pour mettre en scène une montée des marches à la fois glamour et cinéma­tographique, avec l’actrice Nicole Kidman qui joue le rôle d’une autre actrice — Grace Kelly — une immense célébrité hollywoodienne et locale.

En confiant le rôle de Grace Kelly à Nicole Kidman, le jeune réalisateur français Olivier Dahan s’est bien servi de la ressemblance physique, mais aussi de cette charade née de l’élé­gance naturelle et du spleen de la protagoniste. D’où la mission difficile de l’actrice australienne en incarnant une princesse de Monaco à un moment crucial, tant dans sa vie intime et professionnelle que dans celle de la ville de Monaco.

L’histoire se passe en 1962, six ans après que cette star de cinéma promise à une carrière extraordinaire épouse le prince Rainier. Sentant que les studios et les caméras du cinéma lui man­quent, Alfred Hitchcock présente à son actrice fétiche un nouveau scéna­rio pour incarner Marnie dans son prochain film. La princesse, mère de famille, devra alors choisir entre la flamme artistique qui l’embrase encore et ses devoirs princiers, à l’heure où Monaco est menacé d’être annexé par la France du général De Gaulle.

Nicole Kidman réussit à émouvoir au-delà de la performance, malgré un certain air de poupée peinte, surtout face à un Tim Roth en Rainier à sang chaud et un scénario suffisamment riche pour ne pas tomber dans l’album photo. C’est aussi une bonne idée de se concentrer sur l’année 1962, année de mésentente diplomatique entre la France et la principauté, et surtout entre De Gaulle et le prince Rainier, pour une question de taxes.

Le jeune réalisateur affirme qu’il ne voulait pas présenter un biopic simple et typique, mais peindre un portrait d’une femme à la fois star, princesse et mère de famille. Un pari logique­ment gagné, malgré l’appel au boycott de la famille princière, et surtout des trois enfants de Grace de Monaco, Albert II, Caroline et Stéphanie, accu­sant le film d’« un détournement » de l’histoire familiale, « inutilement glamourisé », qui a été tourné « à des fins purement commerciales ».

Yves Saint-Laurent

Autre biopic controversé : celui tant attendu par les festivaliers, Saint-Laurent, signé Bertrand Bonello. Le film vient de rouvrir le débat quelques mois après la sortie d’une autre version de la vie du couturier signée Jalil Lespert et interprétée par Pierre Niney. Cette dernière retraçait la vie du couturier à travers les yeux de l’ancienne muse et amie du styliste Catherine Deneuve. Bonello, lui, traite la part la plus sombre, la plus mélancolique et la plus sulfureuse de la vie du coutu­rier : les problèmes de santé, d’alco­ol, de drogue et ses relations homo­sexuelles. Des éléments qui viennent agiter le débat sur la Croisette quant aux limites et à l’objectif de ce long métrage.

 Cannes : début phénoménal
Mr Turner de Mike Leigh.

Cette nouvelle version de Bertrand Bonello a été déjà contredite par Pierre Bergé, ancien compagnon d’Yves Saint-Laurent, qui estime que la version objective était plus proche de celle de Jalil Lespert, à qui il avait livré de nombreux éléments pour le tournage.

Fade dans son ensemble, sans grande spécificité cinématographique malgré le recours à certains procédés techniques et esthétiques dans le der­nier tiers du film, le film utilise une distribution des couleurs et des split screen, en divisant l’écran en plu­sieurs parties pour présenter différents angles ou idées dans une même scène.

Reste le manque d’angle d’attaque pour présenter la vie de cette célébrité, parmi les éléments qui conduisent malheureusement à un récit linéal sans goût distinctif ; surtout en plus d’une certaine longueur et des cènes d’audace homosexuelle qui pourront choquer les fans du couturier légen­daire.

Fièvre des biopics

Toujours dans cette même veine, la programmation du deuxième jour avait, elle aussi, deux biopics à pré­senter : Mr Turner de Mike Leigh dans la compétition et Party Girl, film de l’ouverture de la sélection Un Certain regard, signé par le trio de réalisateurs : Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis.

Palme d’or en 1996 avec Secrets et mensonges, Mike Leigh revient pour la 5e fois sur la Croisette avec un biopic consacré au peintre anglais illustre William Turner (1775-1851), tout en donnant l’exemple de la palette à adopter pour réaliser un portrait de maître, classique mais de classe. Connu pour ses paysages maritimes, ses jeux de lumière et sa technique à l’aquarelle, Turner est l’un des précurseurs de l’impression­nisme et l’un des grands maîtres britanniques.

Préférant toujours la simplicité pro­fonde dans l’exposition de ses idées et des nombreux détails, Mike Leigh a bien réussi à peindre le portrait de ce grand peintre, se laissant dévoiler ses vices et nature rude sans chercher à maquiller certains défauts. De quoi le tout s’avère assez naturel, crédible et sobre malgré l’esprit fort classique de l’époque, tout en conduisant à mer­veille son acteur génial, Timothy Spall, qui vient de contrôler inégale­ment les brides du caractère qu’il joue, tant physiquement que dramati­quement, à tel point qu’il pourra être fort attendu dans le palmarès pour un prix de l’interprétation.

Quant à la sélection Un Certain regard, elle s’est ouverte cette année avec un autre biopic : Party Girl, de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis. Sorte de documentaire-fiction, le film raconte la tentative désespérée d’une hôtesse de bar sexa­génaire – Angélique – afin de quitter le monde de la nuit. C’est là qu’Angé­lique Litzenburger tient son propre rôle ainsi que la plupart des princi­paux personnages. Partant, on peut avoir le sentiment de regarder une oeuvre dont la fiction rejoint la réalité, y colle même. A la fois la comédienne et le vrai personnage, cette femme sexagénaire, une fois les attraits per­dus, finissent par accepter la proposi­tion de mariage d’un client régulier, amoureux d’elle depuis longtemps. Toutefois, au jour même du mariage, la liberté lui manque subitement, à tel point qu’elle décide de quitter le foyer pour retourner au cabaret, à travers une fiction qui appartient nettement au courant naturaliste à la Ken Loach. D’après elle, la liberté est un prix trop cher à payer .

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