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De l’émotion et de la réflexion

Yasser Moheb , Mercredi, 29 janvier 2025

Avec Al-Bahs an Manfaz le Khoroug Al-Sayed Rambo (la recherche d’une issue pour sauver M. Rambo), Khaled Mansour fait ses preuves en tant que réalisateur talentueux, malgré quelques imperfections de son premier long métrage.

De l’émotion et de la réflexion
Hassan doit sauver son chien et naviguer à travers un monde où les frontières entre ;e bien et le mal sont floues.

Baigné dans une atmosphère sociotragique plutôt moderne, le film égyptien Al-Bahs an Manfaz le Khoroug Al-Sayed Rambo (la recherche d’une issue pour sauver M. Rambo) de Khaled Mansour, avec Essam Omar, Rakeen Saad, Ahmad Bahaa et Sama Ibrahim, est un film plaisant sans être la grande réussite du genre. La distinction artistique l’emporte sur l’originalité scénaristique, avec un zeste d’action parfois excessif. Centré sur une intrigue berçant entre suspense, action et mélodrame, le film mise sur un agencement narratif assez composé, dévoilant un drame social recherché et une tragédie classique qui se lance sous une peau neuve.

Pendant 110 minutes, l’oeuvre — dont le scénario est écrit par Mohamad Al-Husseini avec la participation de Khaled Mansour lui aussi — explore à la fois des thèmes universels de la protection et de l’amitié entre un homme et son chien, mais qui s’ancre également dans un contexte sociopolitique spécifique à la société égyptienne contemporaine. Réalisé par Khaled Mansour et porté par des performances solides de Essam Omar, Rakeen Saad et Sama Ibrahim, ce film attire l’attention par sa narration qui mêle drame, comédie noire et critique subtile des structures de pouvoir dans les relations humaines.

Le film raconte l’histoire de Hassan, un jeune homme qui, avec son chien nommé Rambo, se retrouve plongé dans une situation dangereuse après que son chien a défendu son maître contre un voisin malfaisant. Ce geste de défense va déclencher une série d’événements, forçant Hassan à fuir avec Rambo pour éviter la violence et la menace de mort. A travers cette fuite, le film explore des thèmes profonds : la loyauté, la survie, le sacrifice, la répression sociale et la nature des relations humaines dans un monde souvent perçu comme hostile. Cette quête de survie, où l’animal devient un symbole de pureté face à la violence, est au coeur d’une trame qui mêle habilement émotion, critique sociale et réflexion sur les rapports de pouvoir.

La figure du chien Rambo ne se limite pas à celle d’un simple animal de compagnie, mais devient un symbole de l’innocence et de la pureté qui sont souvent mises en péril par les conflits humains. Hassan, le personnage principal, doit non seulement sauver son chien, mais aussi naviguer à travers un monde où les frontières entre le bien et le mal sont floues. Cela souligne l’impossibilité de fuir indéfiniment les problèmes, tout en mettant en lumière la résistance du personnage à accepter la violence et l’injustice.


Hassan et Rambo, une relation de protection et d’amitié entre un homme et son chien.

Personnages touchants et prestations remarquables

Pour ce qui est du casting, l’oeuvre reste un must pour les fans de Essam Omar. Le jeune acteur, dont la réputation n’est plus à faire, offre là une prestation assez compacte, nécessaire au rôle, malgré quelques rares fuites de ton. Il livre une prestation remarquable en incarnant Hassan, un personnage complexe dont les actions sont motivées non seulement par un instinct de survie, mais aussi par un profond sens de responsabilité envers Rambo. Il incarne son personnage avec sincérité ; ses choix et ses luttes intérieures apparaissent crédibles et touchants, puisque Hassan n’est pas simplement un héros qui défend son chien. Son développement psychologique, un homme qui cherche à fuir un individu puis qui se trouve confronté à ses propres effrois et à la violence du monde, est parfaitement effectué. A travers ses interdépendances avec son chien et les autres personnages, on découvre un Hassan vulnérable, mais profondément humain, prêt à risquer sa vie pour protéger l’être qu’il chérit. Il est également un jeune homme qui cherche à défendre une part d’humanité dans un monde qui semble se déshumaniser. Son lien avec Rambo dépasse celui d’un maître et de son animal. Il s’agit plutôt d’une relation symbiotique où chacun joue un rôle vital dans la survie de l’autre.

Ahmad Bahaa — chanteur principal et co-fondateur de la troupe musicale Sharmoofers — peut être considéré comme la grande surprise de cette oeuvre. Campant habilement le rôle de Karem, ce voisin costaud, trop vilain, tout à fait corrompu et rancunier, source de tous les maux de Hassan et de sa petite famille, il prouve qu’il a encore beaucoup de talents et de capacités artistiques à dévoiler. Un personnage, apparemment simple, mais artistiquement profond.

Rakeen Saad, jouant Asmaa, l’ex bien-aimée du héros, apporte une dimension de tension au film, à travers ce rôle qui lui va à merveille, bien joué et scintillant comme d’habitude, même s’il est basé sur les capacités d’interprétation de la comédienne plus que sur la description scénaristique profonde. Elle y place une tendresse et une certaine simplicité absolument prenante. Alors que Sama Ibrahim, dans le rôle de la mère de Hassan, campe un personnage secondaire, mais qui ajoute de la profondeur à l’intrigue avec ses interactions avec son fils assez peureux, mais bien têtu. Bien que les personnages secondaires et les invités d’honneur soient moins développés, leur présence soutient effectivement l’arc narratif principal.

Reste à souligner un grand bravo aux deux chiens Rambo qui ont co-joué le rôle du chien dans le film. Leur performance tout à fait crédible, simple et naturelle représente un grand plus à la trame et au mood de l’oeuvre, ce qui mérite une grande salutation à leurs entraîneurs, ainsi qu’au réalisateur.

Esthétique visuelle bien recherchée

Le film brille également par sa direction artistique fine et efficace. Khaled Mansour choisit une mise en scène affinée, qui se concentre sur les émotions des personnages tout en créant une tension palpable à travers l’espace. Le film utilise les contrastes entre l’espace clos, où Hassan se trouve en sécurité relative, et les espaces ouverts, symbolisant le danger et l’incertitude, pour illustrer la lutte interne du personnage principal.

La mise en scène s’avère remarquable, montrant qu’on est face à un réalisateur qui a encore du nouveau dans ses manches, et qui s’attaque au sociodrame selon son propre style. Khaled Mansour adopte une direction artistique cohérente qui va au-delà du simple visuel pour renforcer la thématique du film. Les scènes de fuite, souvent filmées dans des espaces enfermés ou ouverts, accentuent la sensation de claustrophobie et de danger ubiquiste. Le contraste entre les scènes d’intérieur (qui représentent la sécurité et la coutume) et les extérieurs (où Hassan et Rambo se retrouvent pris au piège) illustre bien la tension constante du film.

L’usage de la lumière est particulièrement captivant. Les scènes de nuit, sombres et oppressantes, sont juxtaposées à des moments de lumière plus douce et plus chaleureuse, quand Hassan et Rambo partagent des instants de tranquillité. Cette opposition visuelle traduit l’instabilité émotionnelle du protagoniste et souligne la violence latente de l’environnement dans lequel il évolue. Le choix de la lumière et des couleurs joue donc un rôle capital. Les tons sombres utilisés dans les moments de conflit et de danger génèrent une atmosphère tendue et écrasante, tandis que les couleurs plus claires dans les scènes émouvantes et cordiales entre Hassan et son chien symbolisent l’espoir et l’endurance.

Par ailleurs, le travail sur la caméra est également remarquable. Les plans rapprochés sur le visage de Hassan accentuent ses émotions, tandis que les plans larges, souvent lorsque le personnage fuit, mettent en lumière la solitude et l’impuissance de l’individu face à un monde implacable. La fluidité de la caméra pendant les scènes de poursuite renforce cette sensation d’urgence et de tension qui imprègne tout le film.

Pour conclure, la recherche d’une issue pour sauver M. Rambo est une oeuvre touchante qui va bien au-delà d’une simple histoire d’aventure ou de fuite. Par sa direction artistique soignée, ses personnages profonds et ses thématiques universelles, le film interroge la condition humaine dans un monde de plus en plus rude et injuste. Khaled Mansour réussit à ajuster émotion pure et réflexion sociale, offrant ainsi une oeuvre à la fois affable et dure. On le recommande à tous ceux qui aiment les animaux. Un joli mélo à voir.

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