Appeler l’artiste-peintre marocain Bouchaib Habbouli ? Lui envoyer des messages vocaux, sms, ou e-mails ? Mission impossible. L’artiste n’aime pas les nouvelles technologies de l’information, ou celles de la communication. Il les boycotte, les abhorre, les a en horreur même. S’il a opté pour ce mode de vie, c’est bien parce qu’il préfère largement vivre à l’ancienne, vivre en pleine montagne ou à la campagne. Bref, n’importe où, loin des réseaux de téléphonie mobile, des sonneries de téléphone, gênantes à son goût. Le comble, c’est qu’il possède une adresse électronique qu’il confie à son attachée de presse et c’est son seul et unique lien avec la technologie. « Je ne regarde pas la télévision. La radio ? Qu’est-ce que c’est ? Vous parlez d’un certain appareil médical inventé il y a près d’un siècle? », se plaît-il à dire, non sans en rire.
« Je suis né en 1945 et plus exactement à Azemmour. Contrairement à un grand nombre de mes confrères, je n’ai pas été formé dans une école artistique à proprement parler. Mon école artistique à moi n’est autre que la nature et les paysages divins dont regorge ma région. La mer d’Azemmour, elle, est ma femme. Toujours, pour aller à sa rencontre, je me fais beau, je m’habille en tenues légères, en prenant bien le soin de me parfumer et d’être à la hauteur de sa beauté. Et comme je l’aime tant je ne cesse de la dessiner », témoigne-t-il, non sans son humour habituel.
Le parcours de ce Marocain est tout de même truffé de belles trouvailles. En 1958, malgré son jeune âge à cette époque, il devient le premier animateur de peinture spontanée dans sa ville natale. Mais ce n’est qu’en 1970 qu’il participe à l’élaboration de couvertures de livres pour des maisons d’édition casablancaises et rabaties. Ensuite, à la demande du ministère de la Jeunesse et des Sports de son pays, il suit une formation professionnelle en tant qu’animateur de maison de jeunes. Une expérience qui l’a propulsé sur le devant de la scène artistique marocaine. Fort de cet exploit, il enchaîne avec plusieurs expositions dans sa ville, çà et là, et là où le vent de la mer, son amoureuse, l’emportait.
Sans oublier son immense participation, il y a quelques années de cela, à l’élaboration de couvertures de livres pour des maisons d’édition internationales. De même, ses affiches murales sont tellement nombreuses qu’il ne se souvient plus de leur nombre exact. Mais les plus célèbres parmi elles restent celles qu’il a réalisées pour Transparency Maroc et cette autre qu’il a dédiée à une association de quartier de lutte contre la délinquance à Azemmour. « Vivre et travailler dans sa ville natale est une belle preuve de fidélité, d’autant plus que si j’étais dans d’autres villes mon oeuvre se serait développée d’une bien meilleure manière. A Marrakech, Essaouira, Fès, Rabat ou Casablanca, les peintres ne chôment jamais. Ils ont toutes les chances pour percer dans le monde. Moi, je vois les choses autrement, non pas que j’aime me démarquer, mais cela ne sert à rien de se fondre dans la masse lorsqu’on est et lorsqu’on naît artiste. Tout cela est pour vous dire que je serai zemmouri jusqu’à la mort », poursuit-il. A la vue de ses tableaux, son oeuvre plaît d’emblée à l’oeil et interpelle tous les curieux. Par-ci les couleurs vives, par-là le brun, le gris, le marron et le kaki. A lui les formes inextricables et à nous l’imagination débridée. Son modus operandi demeure pourtant simple : il crée l’anthologie des visages aux volumes diversifiés. Tantôt il mise sur les visages composés, parfois sur les visages solitaires. Cependant, n’allez pas jusqu’à lui demander de vous interpréter ses tableaux. Il n’aime pas cela, mais il répond avec modestie quand même : « Je laisse le soin d’interpréter aux gens bienheureux et bien pensants qui visitent mes expositions ». Pour lui, la sémiologie de son oeuvre puise toute sa quintessence dans l’oeil du spectateur. « C’est lui le juge et l’avocat », ajoute-t-il. Ainsi, ses admirateurs s’engouent tout particulièrement pour son jeu de l’ombre, ses têtes à la fois renversées et renversantes, ses peintes aplaties mais surtout ses traits aussi vigoureux que le caractère de l’homme. Seulement voilà, il paraît que l’artiste trompe la mer, son amoureuse, avec les oiseaux, son thème principal, étant omniprésents dans ses tableaux ...
Bouchaib Habbouli a également publié un catalogue intitulé Traits, déposé à la galerie Delacroix de Tanger en 2006, suivi d’un autre, à la galerie Arcanes à Rabat et ce, en 2010.
Quant à son année porte-bonheur, il s’agit de 2014. En effet, en quatre mois seulement, il a déjà fait le tour des principaux instituts et centres culturels marocains avec son exposition intitulée Figures, représentant la quasi-totalité de ses oeuvres .
** Figures, exposition de Bouchaib Habbouli à la Villa des Arts de Rabat (Maroc), jusqu’au 30 mai prochain.
Lien court: