« Ces jeux d’acrobatie est-ce pour rigoler ? ». « Les rues du centre-ville cairote se sont muées en piste de danse ! ». Encore un festival pour promouvoir le tourisme en Egypte ! ? Les commentaires fusent de partout le 23 mars dernier, soit le quatrième jour du festival D-CAF des arts contemporains.
Les passants s’interrogent à propos des deux spectacles de danse moderne, donnés successivement rue Al-Alfi : Invisible Boundaries (frontières cachées), avec la troupe égyptienne EE Dance Studio, suivi de Running Nucleus (flexibilité). Une production égypto-hollandaise, soutenue par la troupe hollandaise The 100 Hands (les mille mains).
D’un coup, la rue Al-Alfi accueille un caméraman ... Il ne passe pas inaperçu, près d’une énorme pancarte publicitaire annonçant : « D-CAF, festival des arts contemporains au centre-ville. Du 20 mars au 11 avril ». L’arrivée de cet inconnu, muni de sa caméra professionnelle, donne l’impression aux habitants que quelque chose est en train de se préparer...
Marchands ambulants, vendeurs de boutiques ou employés de restaurants, bars et boîtes de nuit de la rue Al-Alfi se préparent. Al-Alfi est l’une des rues les plus animées du centre-ville. Située entre la rue Gomhouriya et la place Orabi, elle porte le nom d’un prince mamelouk qui a animé la zone d’Ezbékieh, au XVIIIe siècle. Entre les cafés populaires, se tient une bande de jeunes gens : égyptiens et étrangers. Ce sont les fidèles du festival D-CAF qui attendent avec impatience les manifestations de ce rendez-vous annuel.
A 14h pile, une forte musique retentit. A la fois mystique et contemporaine, elle ne manque pas d’attirer l’attention des piétons, lesquels forment rapidement un cercle autour de la troupe égyptienne EE Dance studio. Composée de trois jeunes danseurs, EE est dirigée par le jeune chorégraphe et metteur en scène Ezzat Ezzat. D’où le nom de la troupe, portant ses initiales.
Trois danseurs en habits déchiquetés commencent à interpréter le spectacle Invisible Boundaries. Leurs costumes marron ressemblent à ceux des gladiateurs, exprimant déchirure, conflit et rivalité. Les danseurs se meuvent en souplesse, faisant des va-et-vient dans l’espace et le temps. Ils dessinent le « cercle de la vie».
Admirés par les uns et critiqués par les autres, notamment à cause de la « monotonie de leurs mouvements », ils ne sont pas sans rappeler la danse des derviches tourneurs, mais selon une chorégraphie plus moderne. Celle-ci profite du concept de la « troisième dimension », laquelle transcende les frontières, d’où le titre du spectacle évoquant les frontières cachées ou invisibles qui étouffent les hommes et entravent leur liberté.
« Les protagonistes du spectacle sont comme isolés du monde qui les entoure. Par contre, ils ne le sont pas en réalité. La preuve, ils bougent inlassablement sous nos yeux et partagent les mêmes soucis que nous-mêmes. Le choix de la rue Al-Alfi, un espace public, une rue piétonne, est un élément principal à notre succès », déclare Ezzat Ezzat dont la chorégraphie suscite multiples interrogations sur l’existence, l’esprit, le corps et l’âme.
Capoeira égypto-hollandaise
Une pause de quelques minutes et la rue Al-Alfi accueille un autre spectacle de danse, cette fois-ci égypto-hollandais. Dans Running Nucleus (flexibilité), il ne s’agit pas d’un trio mais d’un quatuor : deux danseurs hollandais et deux égyptiens.
Ensemble, et en parfaite interaction avec le public, les membres de la compagnie The 100 Hands se confondent avec les piétons. Encore une fois, un cercle se forme spontanément autour des interprètes. Leurs acrobaties reposent essentiellement sur des mouvements fluides en boucle. The 100 Hands mise sur la « Capoeira », danse brésilienne du combat.
« Running Nucleus se distingue par son côté ludique et acrobatique. Nous travaillons beaucoup sur le côté physique basé principalement sur la façon de communiquer avec nos corps, pour raconter des histoires aux spectateurs », explique le Hollandais Jesper, directeur de la troupe et l’un de ses danseurs.
En position d’appui ou d’équilibre sur les mains, les danseurs créent autant de compositions acrobatiques, à différents niveaux du sol et à différentes vitesses. « Running Nucleus est ainsi nommé pour désigner le noyau de la cellule vivante. On communique avec les gens, sur les deux plans, physique et mental, afin de faire passer une énergie débordante, en plein air », conclut la danseuse hollandaise Moira, la seule femme de la troupe The 100 Hands.
Les spectacles sont repris le 4 avril, au 4, rue Al-Chérifein, centre-ville, à partir de 14h.
Invisible Boundaries (frontières cachées).
(Photos : Mohamad Moustapha)
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