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Entre désir et frustration

May Sélim, Mercredi, 18 septembre 2024

Dans sa nouvelle exposition On Hold (en attente), Bassam Al-Zoghby use de la photographie et de la technique du cyanotype pour capter des scènes qui traduisent l’attente sous ses multiples formes.

Entre désir et frustration

Dans la petite salle de la galerie Picasso, un monde nostalgique s’ouvre à nos yeux, grâce à la nouvelle exposition du photographe Bassam Al-Zoghby. Des photos imprimées en cyanotype nous font voyager dans un monde lointain, elles nous renvoient à un passé révolu, mais aussi nous font voir le présent sous un autre oeil.

Les scènes prises en photos dévoilent un état d’attente, de monotonie, d’espoir, de détresse ou de rêve. Cette attente se place quelque part entre le souhait d’atteindre quelque chose et la frustration d’y échouer. Il s’agit d’un sentiment que l’on expérimente une ou plusieurs fois dans la vie. Mais l’attente est-elle toujours un faux espoir ? Un désir étouffé ? Les photos ne cherchent pas à donner de réponses. Elles nous incitent à partager ces histoires et ces scènes minutieusement sélectionnées, tournant autour du même thème ou presque.

« Je travaille sur cette exposition depuis deux ans. L’idée m’est venue après le décès d’un ami dont la vie était constituée d’une suite d’attentes : il attendait une vie meilleure, une nouvelle occasion, etc. Sa mort m’a fortement touché et j’ai donc voulu travailler sur ce sujet », explique Bassam Al-Zoghby qui a choisi cette fois-ci d’expérimenter en ayant recours à la technique du cyanotype. Il s’agit d’un procédé photographique monochrome ancien, permettant d’avoir des tirages au bleu (bleu de Prusse, bleu cyan).


Silhouette et détails estompés, seule l’attente persiste.

Connu pour ses photos qui jouent sur le mouvement et les couleurs et qui captent souvent des danseurs en action, Al-Zoghby a complètement changé de style, optant pour des scènes ambiguës et retouchées, variant entre les nuances du bleu et de la couleur sépia. « En ayant recours à cette ancienne technique d’impression, j’ai le sentiment de revenir à mes débuts et aux origines de la photographie. Voyez-vous, ma carrière comme photojournaliste a débuté au quotidien Al-Gomhouriya dans les années 1990. A l’époque, la photographie numérique n’était pas encore en vogue. En tant que photographe professionnel, je prenais des photos, les développais et les imprimais. Le cyanotype se limite aux nuances du bleu et par quelques effets j’ai pu lui ajouter la sépia. Pour moi, les deux couleurs se complètent », indique le photographe.

Voyage dans la nature

Plus de 25 photos de différentes tailles montrent des scènes où les protagonistes se trouvent dans la nature : au bord de la mer, dans le désert, sur une colline, etc. La nature est donc un élément dominant et les protagonistes apparaissent souvent sans détails, en silhouette ou pris de dos. Les photos sont parfois retouchées pour rendre leur présence floue ou effacée. On ne reconnaît plus les gens mis en scène. Ils traduisent plutôt des états d’âme. Et la mère nature semble leur unique refuge. Là, ils avouent ouvertement leurs maux, leurs espoirs et leurs histoires d’attente oscillant entre désir et frustration.

Sur l’une des photos, la mer est calme et l’horizon accueille une barque révélant la silhouette d’un pêcheur.

Il est debout, en train de regarder le long trajet de son voyage de pêche ou de vie. En attendant que ses rêves se concrétisent, il continue à parcourir son trajet.


La nature constitue l’unique refuge des personnages.

La mer constitue un élément récurrent dans les photos d’Al-Zoghby. Sur une autre photo, une femme prise de dos marche pieds nus sur la plage. Entre la mer et le sable, elle se fraie un long chemin qui s’étend à l’infini. Un homme, toujours de dos, s’enfonce dans la mer, portant ses habits. Devant la mer, les protagonistes sont des âmes enchantées qui cherchent à dépasser leur attente, à s’éloigner du quotidien et à retrouver eux-mêmes.

Dans le désert, d’autres personnages poursuivent leurs attentes. Mais parfois la nature ne semble pas très accueillante à leur égard.

Les silhouettes d’un groupe d’amis, au pied d’une montagne, ont l’air d’être figées dans ce coin mystérieux. La montagne les prépare-t-elle à une prochaine aventure ? Ou à une éventuelle perte ? Ils attendent le lever du jour. Doivent-ils continuer leur marche vers l’inconnu ou juste attendre la lumière du soleil ?

Une femme respire l’air frais au milieu du désert. Son geste traduit un sentiment de lourdeur. L’attente pèse sur son âme qui tente de retrouver son souffle. Dans la plupart des photos, l’attente n’est pas quelque chose de palpable, mais juste un sentiment qui nous envahit.


La mer, un élément récurrent dans les photos d’Al-Zoghby.

Sur une photo de couleur sépia, le désert et les plantes sèches reflètent une ambiance de désespoir. Mais l’espoir est mis en valeur par le biais d’une main qui tente d’attraper un fruit tombé par terre.

Même sur les photos prises dans des espaces clos, les personnages, de profil ou en silhouette, se trouvent près des fenêtres ou devant des portes voûtées. Ils passent par une période de transition, d’un état à l’autre ou d’un monde à l’autre. Un pas en avant, un pas en arrière, ils n’ont pas encore pris leur décision. On ressent leur tiraillement ; la souffrance ne doit être qu’une phase temporaire dans la vie.

Jusqu’au 5 octobre, tous les jours de 10h30 à 21h (sauf le dimanche) à la galerie Picasso. 30, rue Hassan Assem, de la rue Brazil, Zamalek.

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