Les rois des mahraganate ou de l’électro chaabi.
Si les films foireux avec des danseurs et chanteurs populaires en tête d’affiche sont devenus monnaie courante, il est toujours bon de rappeler que ce phénomène tend à se généraliser de plus en plus. Le nouveau long métrage,
Al-Mahragane (musique électro-populaire à la mode) de Hossam Al-Gohari est tiré de l’histoire authentique du trio musical populaire, Al-Sadate, Alaa Fifty et Amr Haha, issu du quartier Madinet Al-Salam. Le film peut être considéré en fait comme étant la première fiction de ce genre musical ayant le vent en poupe. Dans leurs studios souvent clandestins, les vedettes du genre se lancent sur leurs claviers pour faire partager leurs idées et leurs histoires, créant un hip-hop populaire. Celui-ci devient contagieux et prolifique, avec quelque chose de primitif, d’expérimental.
Intitulé « Roi des mahraganate ou de l’électro chaabi », le jeune Sadate est le plus indocile des trois chanteurs. Avec son voisin de la banlieue Al-Salam, Alaa Fifty, et le compositeur DJ Amr Haha, ils forment un trio enthousiaste. C’est autour de cette troupe d’enfer que la fiction se déroule, dans un style plutôt autobiographique.
Reprenant l’univers sauvage des deux réels protagonistes, Sadate et Fifty, le film accentue le formalisme ambiant des différentes écoles musicales populaires, déplaçant l’action dans des ruelles cairotes mal fréquentées.
L’argument narratif est donc simple, voire simpliste. Même si la musique qu’ils jouent n’est vraiment ni engagée, ni révolutionnaire, plutôt empreinte du hip-hop occidental avec l’utilisation mitigée de synthétiseurs. Ce qui intéresse ici est la plongée dans l’univers sournois de cette jeunesse égyptienne des banlieues et les gens un peu louches qui gravitent autour. A la limite du genre, le réalisateur nous mène dans les rues et les sous-sols des bidonvilles, où les jeunes générations essaient de retrouver un peu de liberté — à leur façon et selon leur culture.
Mièvrerie volontaire
Avec des moyens apparemment limités et un tournage rapide, l’image est plus ou moins fidèle à l’espace qu’elle décrit, malgré certains faux cadres, et une trame trop maigre.
La musique entraînante, quoique rauque, rythme cette autobiographie fictive. Ces acteurs inconnus interprètent le rôle de leur vie avec sincérité et spontanéité, prouvant l’absence de certaines directives de la part du réalisateur. Le scénario assez plat, signé par Mohamad Abdel-Moeti, met en scène cependant la crainte et l’espoir d’une génération de jeunes, avide de s’exprimer et de gagner sa vie. Pourtant, certains thèmes traités dans le film sont juste survolés et laissent perplexe quant au sujet du film, comme par exemple l’homosexualité de l’ami de l’héroïne. Néanmoins, il reste une tentative de déclarer l’amour de la musique par ceux qu’on croit broyés par la vie.
Parlons justement de la bande musicale. Celle-ci, signée par Haytham Al-Khamissi, est complètement hors sujet, à tel point qu’on assiste tout au long du film à son incohérence. Cette musique super-plastique ne respecte pas le goût populaire de l’oeuvre, tout en ayant l’air d’être plaquée sur l’ensemble.
Mais il faut bien le souligner, ce genre de films s’appuie essentiellement sur le montage, signé ici Ihab Gohar, qui a vraiment excellé à couper les scènes selon le rythme de la musique mahragane. De quoi offrir au film un ton assez vif, absent toutefois du drame. La jeune Amina Khalil a excellé dans le rôle de l’intellectuelle engagée, sans artifice. Un peu en retrait au début du film, son personnage se révèle progressivement, et elle finit par dresser un portrait de la femme moderne.
Bref, s’il y a quelque chose à dire de ce film hyper-commercial, c’est peut-être l’idée qu’il faut s’ouvrir à cette musique pour l’intercepter, malgré son goût jugé parfois inadéquat. Car elle est devenue presque l’emblème de certaines masses qui ne cherchent qu’à prouver leur identité et leur différence à travers cette musique.
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