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Feu en concepts, mousse en développement

Yasser Moheb, Mardi, 28 janvier 2014

Amr Salama propose dans La Moakhza (excusez-moi) un nouveau film sur la discrimination. Le rapport entre chrétiens et musulmans est remis sur le tapis par le biais d’un enfant qui n’ose pas avouer sa religion.

La Moakhza
Le dilemme d'un enfant.

D’abord, il faut l’accentuer : succès et importance ne riment pas forcément avec beauté et réussite absolue. La Moakhza (excusez-moi), nouveau film d’auteur de Amr Salama, entre ainsi dans la catégorie des films intéressants de par leur thème principal, mais dont les faiblesses suscitent moins d’indulgence qu’une certaine frustration.

On se balade, on s’isole, on se questionne sur la vie, sur la religion et sur les vices de la société. Bienvenue donc chez un Amr Salama, balançant cette fois-ci entre les idées amarres qui le raccrochent au monde réel, et le sarcasme parfois fantaisiste qui le pousse au cinéma basé sur la narration.

Parlons du pitch d’abord : la vie d’une famille chrétienne aisée est bouleversée à la suite de la mort du père, interprété par Hani Adel. Ayant découvert les dettes de son mari, la mère — Kinda Allouch — se retrouve dans l’obligation de changer l’école de son petit, dont le nom est Hani Abdallah Peter — campé par le petit Ahmad Dach — faute de moyens. Ce dernier demeure en face d’un fait actuel tout à fait amer et différent de ce qu’il a vécu jusqu’alors. Il rentre dans un véritable dilemme au sein de son nouvel établissement scolaire, de quoi le pousser à décider de ne pas annoncer sa religion à ses camarades de classe.

Dans son dernier long métrage Asmaa, le réalisateur a voulu s’attaquer à la discrimination contre les malades du sida. Et cette fois-ci, dans La Moakhza, il s’attaque au rapport entre chrétiens et musulmans. Toutefois, ce n’est pas un vrai film sur la discrimination religieuse, mais sur l’incommodité des citoyens lorsqu’ils changent de classe sociale, ainsi que sur certains problèmes de l’enseignement en Egypte.

Mis à part les 15 dernières minutes, la fiction tourne plutôt autour des différences entre les religions plus que sur la distinction entre chrétiens et musulmans. On trouve par exemple la mère en train de conseiller à son fils de ne pas dévoiler sa religion chrétienne dans la nouvelle école gouvernementale. Cette fureur amplifiée par la mère conduit l’enfant à dissimuler sa religion et à cacher la croix dans sa chambre, de peur que ses copains qui lui rendent visite ne s’en aperçoivent.

Vaut mieux en rire

Sur cette trame dramatique, Amr Salama estampe son style, sans pour autant perdre le rythme. Maintes vues s’avèrent cependant assez floues. La faute est sans doute à un scénario essentiellement convenu, mais faussement décomplexé, malgré une intrigue intéressante.

La force du film est avant tout dans les relations entre les personnages, quelquefois sombres, mais souvent complexes. A ce titre, l’équation des amis/ennemis portés par de bons jeunes comédiens, nous accompagne du début à la fin. Certains personnages secondaires coexistent de même sans s’incarner, alors que le fil conducteur liant les protagonistes casse en cours de route, pour ne devenir parfois qu’une simple liaison qui tourne en rond.

Autre point fort, l’humour. Il n’est pas omniprésent, mais très efficace. Réel et bouffon sont donc mélangés tout au long du film, visant à lier des moments plus dramatiques. Ce n’est pas une nouveauté dans l’écriture de Amr Salama, mais il y a dans cet opus un mélange de drame et de sarcasme qui offre au tout un goût assez vrai.

Interprétation assez fraîche

L’image et le casting comptent également parmi les points forts de cette oeuvre. Au-delà de son idée délicate, qui fait déjà diviser, le film ne serait pas aussi acceptable sans la fraîcheur et le talent de son acteur principal, l’enfant Ahmad Dach. Celui-ci suit avec grande justesse les instructions et directives du réalisateur, de quoi rendre sa prestation très convaincante. Les seconds rôles, professeurs et élèves, attribuent aux scènes une certaine crédibilité, laquelle fait défaut ailleurs, à cause du style américain dominant l’oeuvre.

Malgré l’abattage des comédiens et l’indéniable réussite de certaines séquences, l’intrigue s’essouffle très vite.

Quelques beaux moments, deux ou trois vérités sur l’isolement et la phobie qu’impliquent les relations sociales mal bâties, mais l’ensemble ne nous prend jamais vraiment par la main. Le charme se dissipe très vite et le film se résume à une succession de bonnes idées mal exploitées.

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