Le Gardien de l’horizon.
(Photo : Bassam Al-Zoghby)
Le Gardien de l’horizon scrute chaque visiteur. Cette statue en plâtre nous souhaite la bienvenue, ornant le portail de fer qui s’ouvre sur le monde riche du sculpteur Adam Hénein. Ce dernier a transformé son lieu de résidence à Harraniya, non loin des pyramides de Saqqara, en un musée qui porte son nom.
Tout un parcours de plus de soixante ans s’ouvre facilement au public. 4 000 oeuvres sont exposées dans ce bâtiment de trois étages, conçu par Soheir Saleh, une architecte disciple des fameux Ramsès Wissa Wassef et Hassan Fathi. « L’idée de la construction du musée me hantait depuis de longues années. J’ai remarqué que le jardin sur lequel donnent mon atelier et ma maison était plein de sculptures et que j’avais besoin d’une place pour les exposer de manière permanente. Je voulais leur épargner l’oubli et la négligence », explique Adam Hénein.
Des rapports étroits lient les sculptures aux peintures exposées. Pas d’ordre chronologique ou catégorique : chaque oeuvre nous appelle à suivre son histoire et nous mène vers une autre création ou vers un autre secret d’Adam Hénein.
A l’entrée du musée, la statue en bronze d’un homme qui boit une gorgée d’eau fait allusion à un public assoiffé d’art contemporain. Celui-ci sera sans doute comblé.
Dans la première salle, les grandes sculptures abstraites de granit nous accueillent, ensuite s’annoncent les autres pièces de dimensions différentes. Les sculptures en bronze revêtent la forme d’une femme assise ou d’un homme debout. Ils tiennent probablement le rôle des hôtes qui nous introduisent aux oeuvres en fusain de Hénein. Elles dépeignent avec souplesse et subtilité le corps féminin.
Hénein réduit les rondeurs, les courbes et les détails. Les contours du corps se transforment en une étoile abstraite que l’on retrouve sur le granit rose. Bien équilibrée, elle s’éloigne des sculptures monumentales en granit et séduit par sa forte présence, malgré une disposition horizontale. Une première salle qui affirme la richesse de l’univers de Hénein.
Au deuxième …
La salle des miniatures dédiée à Mareï.
(Photo : Bassam Al-Zoghby)
C’est à partir du deuxième étage que certains secrets de l’artiste se dévoilent grâce à trois espaces précis. Le premier arrangement s’intitule L’Annonciation. Il regroupe les créations des années 1950 : quelques sculptures en poterie à la texture rude. Hénein puisait à l’époque dans le patrimoine rural et reproduisait, en petite taille, des statues de villageois (un paysan en djellaba se repose, une paysanne au travail).
« Après avoir reçu mon diplôme des beaux-arts, je me sentais confus. Je ne voulais ni imiter les sculptures des anciens Egyptiens, ni reproduire l’art pharaonique, ni suivre mes prédécesseurs. Je ne savais pas exactement quoi faire. Mon objectif était simplement de travailler et de reproduire mon Egypte à moi, tout en creusant dans le patrimoine ». Ce premier espace marque l’élan du jeune sculpteur Adam Hénein et ses toutes premières tentatives.
Puis on passe à la salle regroupant des sculptures en plâtre, surtout des chevaux, et d’autres pièces abstraites et figuratives représentant la diva Oum Kalsoum. Aux murs sont accrochées des peintures abstraites en couleur sur papyrus ; celles-ci cadrent bien avec l’ambiance épurée des sculptures blanches en plâtre.
Les témoins
La diva et les chevaux. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Une série de portraits sur papyrus porte le nom de « Témoins ». Il s’agit d’une création récente, captant les différents contours des visages humains à l’aide d’une palette assez riche.
Le troisième espace porte le nom du décorateur et designer Salah Mareï. Un hommage particulier est décerné à cet ami de Hénein disparu il y a deux ans. « Je n’ai pas donné de titres aux autres salles du musée. Ce ne sont que ces trois espaces qui se sont imposés, à cause de leur spécificité », indique Hénein.
En dehors du musée se dresse un panorama de sculptures en pleine verdure … Un autre aspect du monde de Hénein. Ici se trouve un bateau de granit de 8 mètres de longueur, à bord sont déposées les différentes statues évoquant les étapes marquantes de l’artiste. Le jardin comporte aussi d’autres sculptures verticales, abstraites, monumentales, elles aussi en granit.
La visite se termine rapidement. Avant de sortir, la plupart des visiteurs jettent automatiquement un dernier regard au Gardien de l’horizon. Comme son créateur, l’oeuvre suit en silence ce qui se passe tout autour.
La Fondation Adam Hénein
Le logo de la Fondation Adam Hénein s’inspire d’une fameuse peinture sur papyrus de l’artiste même, à savoir : une étoile à l’intérieur d’un cercle. Ce sont deux motifs récurrents, chez Hénein, que ce soit dans ses sculptures ou peintures. La fondation s’occupe de la gestion du musée et de sa programmation. « J’ai voulu construire mon musée loin de toute bureaucratie et tous règlements gouvernementaux », précise Adam Hénein. Pour ce faire, il a lancé la Fondation Adam Hénein, regroupant des artistes et sculpteurs qu’il compte parmi ses amis et disciples, dont les membres de l’organisation Ahmad Bahaeddine et un représentant du ministère de la Culture.
Ceux-ci constituent le conseil consultatif du musée, autofinancé par Hénein lui-même. L’artiste cherchait à garantir l’indépendance de son projet tout en lui accordant un statut officiel pour faciliter sa gestion future. « Le musée peut être considéré comme la première activité de la fondation. Son directeur, Karim Francis, envisage d’autres activités artistiques », explique Hénein, fier de son exploit.
Hommage à Salah Mareï
Le jour de l’inauguration du musée, Hénein fait une dédicace à son meilleur ami, le décorateur Salah Mareï, décédé il y a deux ans. D’ailleurs, la salle qui porte son nom regroupe des miniatures et des sculptures en bronze de taille moyenne.
La salle porte non seulement le nom, mais aussi l’empreinte professionnelle de Mareï … Elle est conçue dans le même style et le même agencement adoptés par le décorateur pour la rétrospective de Hénein tenue au palais Taz en 2006, et pour son exposition permanente à la Bibliothèque d’Alexandrie.
« Ma relation avec Saleh Mareï est bizarre. Je ne sais pas exactement quand elle a commencé. Un jour, j’ai accompagné le réalisateur Chadi Abdel-Salam pendant le tournage de son film La Momie, dont Mareï était le décorateur. J’ai été fasciné par quelques sculptures pharaoniques créées par ce dernier. Des années plus tard, durant mon séjour en France, Mareï visitait de temps en temps l’Europe, il venait souvent me voir et nous sommes devenus amis », raconte Hénein. Les deux partageaient les mêmes passions artistiques. Ils visitaient ensemble musées et expositions, échangeaient leurs points de vue, etc. « On suivait une même ligne directrice », ajoute Hénein.
Mareï jouait un rôle important dans les projets artistiques d’Adam Hénein, surtout durant le symposium d’Assouan. Il s’occupait de la disposition des sculptures monumentales contemporaines, exposées au musée en plein air, à Assouan … Il préservait aux lieux la nature montagnarde, privilégiant la beauté du paysage.
En ce qui concerne le musée Adam Hénein, Mareï avait déjà préparé les plans, mais malheureusement, ceux-ci n’ont pas pu voir le jour. Hénein a tenté de respecter les plans de son ami, d’en préserver l’esprit, en signe de gratitude .
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