« L’amazighophilie ». Ce néologisme vous interpelle-t-il ? Il s’agit d’un courant socioculturel maghrébin né de la volonté de plusieurs artistes et intellectuels de faire connaître, au-delà des frontières, leur culture et leur identité amazighes, datant de plusieurs milliers d’années.
Au Maroc, ce courant s’est également emparé de la musique, cet étendard emblématique de toute civilisation qui se respecte. D’ailleurs, ces dernières années, de plus en plus de festivals s’intéressent à la chanson amazighe. Parmi eux, nommons le festival Timitar (symboles en amazigh) de la ville d’Agadir.
« La langue amazighe est une partie indissociable de l’histoire marocaine, qu’elle soit ancestrale ou contemporaine. Il s’agit de la première langue parlée par la population de ce pays. Si le festival Timitar est né, c’est bien pour répondre à un grand besoin réclamé par les artistes et les citoyens marocains d’origine amazighe. Lancé il y a à peine une décennie, ce festival rend un vibrant hommage à la chanson amazighe, qu’elle soit sentimentale, patriotique, révolutionnaire ou autre. Cette année encore, et plus exactement en juin dernier, les ténors maghrébins de ce répertoire musical se sont donné un rendez-vous inoubliable avec la chanson amazighophone, au grand bonheur des amoureux de cette dernière », affirme Brahim El-Mazned, directeur artistique de Timitar. Et d’ajouter que ce festival a une bien forte identité puisqu’il part d’une dimension régionale, d’une appartenance culturelle qui côtoie les autres identités musicales du monde.
Mais avant d’arriver à ce stade, le manque de reconnaissance vis-à-vis de ce répertoire musical s’est longuement fait sentir à l’échelle locale. C’est du moins ce que confirment un grand nombre d’artistes et d’intellectuels amazighs. Car contrairement à l’Algérie voisine, le chant amazighophone du Maroc venait en deuxième, voire en troisième position, et ce, après la langue arabe (le dialecte marocain) et la langue de Molière (représentée par les variétés françaises).
Mais depuis que le nouveau gouvernement tient les rênes du pays, soit depuis 2011, la langue amazighe a littéralement envahi les stations de radio et chaînes de télévision. De plus, la nouvelle Constitution, validée par l’actuel premier ministre, Abdelilah Benkirane, a concilié le Maroc avec son « amazighité ». Ce qui fait que cette langue marocaine a enfin pu occuper tous les champs de la vie socioculturelle. La musique n’en fait pas exception.
« Même si dorénavant, les médias marocains accordent un peu plus d’importance à la chanson d’amazigh, il est malheureux de constater que les maisons de production peinent à suivre cette lancée. Force est de constater que la chanson arabophone, voire francophone, supplante celle amazighe au niveau de l’industrie des disques », indique le chanteur compositeur amazigh Ahmed Soultan.
Mais quoi qu’il en soit, ces chanteurs hors du commun continuent de sillonner le bassin euro-méditerranéen — lors des festivals internationaux de la région — et ce, dans l’unique optique de faire connaître leur identité et leurs arts ancestraux. D’ailleurs, leurs chansons sont riches en leçons et en valeurs humaines.
Un chant, des valeurs …
« Chanter en amazigh, c’est d’abord rendre un hommage sans précédent à la maternité et au féminisme. En effet, les chansons amazighes respectent majestueusement la femme, qu’elle soit épouse, mère, fille ou bien-aimée. Elle fait d’elle sa muse, son thème principal et sa quête initiale. La grâce de la femme amazighe vaut des milliers de louanges de ces chanteurs à part entière. Les chanteuses amazighes, elles, vouent un amour sans pareil au passé glorieux du Maroc de leur aïeul Tarik Ibnou Ziad et de leur patriarche Mazigh. De même, dans ces chansons, la mère patrie est, plus que toute autre chose, vénérée », témoigne l’ethnomusicologue marocain et critique d’art Ahmed Aydoune.
Parmi les figures emblématiques du chant amazigh il y a lieu de mentionner le groupe Oudaden, ou le plus grand groupe amazigh du monde entier, comme il est nommé à l’unanimité. Ces férus du tam-tam, du banjo et de la guitare électrique ont hissé très haut l’étendard de l’amazighité, et ce, à l’échelle universelle. Où qu’ils se produisent, ils donnent perpétuellement naissance à des publics enchantés. Toutefois, l’artiste Tabaamrant est à deux doigts de les supplanter. En effet, cette chanteuse et militante de la cause amazighe s’est même présentée aux dernières élections législatives et a décroché, haut la main, un siège au sein de l’hémicycle marocain en tant qu’élue parlementaire.
Tout cela pour dire que cette partie intègre du patrimoine musical marocain revêt une histoire pétrie de militantisme, de leçons humaines et de lutte acharnée contre l’abandon et l’oubli. Un patrimoine condamné à être perpétué.
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