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Une colombe porteuse d’espoir

Névine Lameï , Jeudi, 16 mai 2024

La ville de Riyad a accueilli, du 25 avril au 4 mai, la première création d’un opéra saoudien, intitulé Zarqa Al-Yamama. Celui-ci est inspiré de l’histoire d’une femme clairvoyante qui vivait en Arabie préislamique. Le maestro égyptien Nayer Nagui dévoile les dessous de cette grande aventure.

Une colombe porteuse d’espoir
Dame Sarah Connolly dans le rôle de Zarqa Al-Yamama.

Le livret Zarqa Al-Yamama (la colombe aux yeux bleus) donne vie à l’un des récits les plus emblématiques de l’Arabie préislamique. Il a été représenté du 25 avril au 4 mai au prestigieux centre culturel King Fahad, à Riyad. L’histoire de ce premier opéra produit par la Commission saoudienne du théâtre et des arts de la scène raconte la vie d’une femme au prénom de Zarqa, dotée d’un don de clairvoyance et de télépathie.

Cette dernière a franchi l’univers de la légende dans tout le monde arabe pour avoir des pupilles azur qui lui permettent de voir à des kilomètres au loin. Elle a lutté en vain pour avertir sa tribu issue du plateau du Najd de l’approche d’une armée rivale de la tribu de Tasm, menaçant d’anéantir le peuple de sa région d’Al-Yamama.

« Signé par le metteur en scène suisse de renommée internationale Daniele Finzi Pasca, réputé pour son travail avec le Cirque du Soleil et sur les JO de Sotchi et de Turin, l’opéra a pris deux ans de préparation. Et ce, afin de tisser les traditions arabes dans un récit captivant. Pérennisé tout d’abord dans la littérature arabe, ce récit n’a pas échappé au monde des opéras. Zarqa Al-Yamama continue à nous éblouir, notamment avec une mise en scène très originale et émouvante, ainsi que des effets spéciaux parfaitement maîtrisés. Je suis fier que nous soyons capables d’avoir une telle grosse production. Nous espérons reprendre un jour tous nos opéras égyptiens et arabes méconnus du grand public, à l’exemple de Masraa Antonio (la mort d’Antonio, 1946) de Hassan Rachid, Anas Al-Wogoud (1960) de Aziz El Shawan, Hassan Al-Basri de Kamal Al-Remali, ainsi que Al-Saqqa Mat et Miramar de Chérif Mohieddine », indique le maestro Nayer Nagui, directeur artistique de l’Orchestre de l’Opéra du Caire, principal chef de l’Orchestre de la Bibliothèque d’Alexandrie et fondateur de la Chorale de Célébration du Caire (CCC).

Nagui a dirigé l’orchestre Sinfoniker de Dresdner, ainsi que le Choeur philharmonique tchèque de Brno, pendant deux soirées (les 27 avril et 4 mai). Il a été également le coach vocal des interprètes étrangers ; il devait aussi les aider au niveau de la prononciation et de l’intonation propres à la langue arabe.


Une mise en scène prodigieuse.

Le reste des dix soirées programmées s’est déroulé sous la baguette magique de Pablo Gonzalez, chef de l’Orchestre symphonique de la radio et de la télévision espagnoles (RTVE) depuis novembre 2018.

« La mezzo-soprano anglaise de renommée mondiale Dame Sarah Connolly a tenu le rôle phare de Zarqa. Le fait qu’elle chante en Arabie saoudite met davantage en relief l’ampleur des transformations qui marquent le pays actuellement. La BBC, le Daily News et bien d’autres médias ont signalé que c’était un événement inédit », souligne Nayer Nagui, ajoutant que la mezzo-soprano anglaise Thalie Knights a partagé la vedette avec Sarah Connolly et « a déployé une superbe ligne mélodique dans la partie récitative, axée sur la déclamation ». L’opéra a réuni également la Grande vedette Italienne Serena Farnocchia, la soprano australienne Amelia Wawrzon, la soprano italienne Alessandra Meozzi, les ténors italiens Paride Cataldo et Alessandro Fantoni, le bass macédonien Aleksandar Stefanoski, le bass Anglais Thomas Faulkner, le baryton anglais George von Bergen, le basse-baryton germano-bosnien Daniel Dropulja ... Sur les neuf rôles principaux, trois ont été joués par des chanteurs d’origine saoudienne, dont le ténor Khayran Al-Zahrani (Naoufal) et les sopranos Sawsan Albahiti et Reemaz Oqbi.

Le livret est écrit en langue arabe par le poète saoudien Saleh Zamanan, et la musique aux partitions originales a été confiée au compositeur australien Lee Bradshaw. L’ensemble des travaux a été supervisé par Ivan Vukcevic, chef de la société Arabian Opera, basée en Suisse et qui contribue au développement de la musique classique au Moyen-Orient. « La partition en deux actes se déroule en une heure et cinquante minutes, promettant un immense plaisir. On ne s’ennuie pas un instant, grâce notamment à la musique moderne et agréable de Lee Bradshaw. Influencée par la musique arabe et traditionnelle du Moyen-Orient, la composition de Bradshaw a mis l’accent sur les mélodies saoudiennes, notamment en ce qui concerne les lignes vocales. Il y a inséré des extraits de poèmes saoudiens, des mawal, des oeuvres du folklore et des danses traditionnelles dont l’ardah ou la danse captivante de l’épée que l’on a jouée sur scène, avec des danseurs saoudiens », précise Nagui.


La maestro égyptien Nayer Nagui.

Des scènes esthétiques

Nayer Nagui n’était pas le seul Egyptien à prendre part à cette belle aventure musicale, il y avait aussi son épouse, la soprano Dina Iskander. « Dina a incarné le rôle d’Afira, de la tribu de Jadis, qui a accepté malgré elle d’épouser le méchant roi Amliq, un descendant de la tribu rivale de Tasm. La concurrence entre ces deux tribus a entraîné le pays dans une guerre sanglante. Vers la fin, les deux tribus se meurent. Le metteur en scène suisse Daniele Finzi Pasca a cependant écarté les scènes dures visuellement. Il m’a impressionné de par sa manière d’aborder différemment une histoire si violente et épouvantable. Les scènes étaient donc moins agressives, plus esthétiques. Un énorme baleine bouge en arrière-plan, par le biais des ombres chinoises. Il a réussi à rendre son message plus humain », révèle Nagui. Et d’ajouter : « Si l’histoire ancienne de Zarqa Al-Yamama est marquée par sa tragédie épique et sanglante, l’opéra saoudien offre une nouvelle perspective plus esthétique, appelant à l’espoir et à un monde sans guerre ni conflit ».

Mêlant histoire du patrimoine et mise en scène contemporaine, Zarqa Al-Yamama est assurément un pas en avant dans l’histoire de la culture de l’Arabie saoudite, promettant bien d’autres à venir.

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