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60 ans d’art plastique

May Sélim, Mercredi, 24 avril 2024

La nouvelle galerie Al-Mashhad (la scène) tient sa toute première exposition, regroupant les oeuvres de 21 plasticiens égyptiens. Celle-ci survole les grandes tendances de la scène artistique contemporaine depuis les années 1960.

60 ans d’art plastique
La récolte, Essam Darwich.

Une nouvelle galerie fondée par l’artiste Ihab Al-Labban vient d’ouvrir ses portes à proximité des facultés des beaux-arts et de la pédagogie artistique à Zamalek. Le quartier huppé ne cesse d’attirer curateurs, galeristes et collectionneurs. « La création de cette galerie est un rêve qui m’a toujours hanté. Enfin ! J’ai jugé que le moment est propice pour me lancer. Je cherche à entretenir un dialogue entre des artistes confirmés et d’autres plus jeunes, ensemble, ils donnent une idée sur ce qui marque la scène contemporaine », souligne Al-Labban, qui compte organiser une série d’expositions collectives, favorisant une vue panoramique sur le marché de l’art.

A l’entrée de la galerie, la peinture de Sabri Mansour Beyout wa Zelal (maisons et ombres, 1982) évoque le monde rural dans lequel la femme tient un rôle non négligeable. Dans ces maisons, la femme est représentée de diverses façons : elle regarde par la fenêtre, fait sa prière, se jette dans les bras de son mari, fête sa nuit de noces ... Le croissant et les palmiers cadrent ces maisons rurales, symboles de l’amour et de la bonté céleste.

Le sculpteur Adam Henein (1929-2020) est présent dans cette exposition avec une seule pièce en bronze, L’oiseau dynastique, datant de 1965. Un énorme oiseau, en position verticale, donne un exemple de la souplesse des formes.

Une toile abstraite de Farouk Hosni, ancien ministre de la Culture sous Moubarak, capte l’attention. Cette peinture en acrylique privilégie les dégradés du bleu et du jaune, couleurs favorites du peintre alexandrin, pour qui la mer est toujours omniprésente.

Dans les différentes salles de la galerie, les peintures et les sculptures sont agencées de manière à engager un dialogue entre elles. On a l’impression qu’une sculpture peut inciter les visiteurs à regarder les tableaux autrement, lui proposant d’adopter un angle de vision différent.


Sans visage, Marwa Adel.

Des femmes encore et toujours

La sculpture en bronze de Mohamed Radwan (appartenant à une génération intermédiaire) met en relief les traits d’une jeune Egyptienne typée. L’artiste simplifie les détails du visage à l’exception de ses lèvres charnues ; il se concentre plus sur le mouvement de la tête et des cheveux.

Puis, on passe à d’autres femmes, dans les tableaux de Gihan Soliman et de Adel Sarwat, deux artistes qui appartiennent à la même génération que Radwan. Soliman peint à l’acrylique trois femmes assises sur des chaises longues : une causerie, une réconciliation ?

Les deux toiles de Sarwat font partie d’une série qu’il intitule Femme, taureau et poupée populaire, faisant référence à des rites folkloriques ou spirituels.

La femme est l’un des thèmes principaux traités par Sarwat. Elle est gardienne de la tradition orale et des secrets. Le taureau est symbole de la force, de la fertilité et de la continuité de la vie. La mariée fait référence aux célébrations de mariage et de naissance.

La récolte est une sculpture en bronze accompagnée de deux tableaux réalisés au fusain par Essam Darwich. La sculpture en bronze montre une paysanne en djellaba, avec des épis de blé en main. Les tableaux réalisés au fusain lui répondent, montrant la même villageoise adoptant des postures différentes.

Dans une autre salle, l’installation de l’artiste Hazem Al-Mistekawi, qui vient de disparaître, s’intitule Spinning Freedom (rotation libre). Elle ressemble à une toupie, résumant le cercle de la vie. Est-ce un cercle vicieux ? L’oeuvre d’Al-Mistekawi, placée au centre de la salle, nous conduit vers une sculpture en bronze de Hassan Kamel, L’étreinte, et vers une autre plus figurative de Hani Faysal, réalisée à l’aide de granit noir.


La mer est toujours omniprésente chez Farouk Hosni.

A la rencontre des jeunes

L’exposition marque le retour des jeunes artistes Ahmed Qassem et Marwa Adel, avec des oeuvres qui remontent à 2017 et 2018. Save your Grace évoque la violence contre les femmes en temps de guerre. Des femmes en blanc sont allongées dans un désert parsemé de cactus. Entre les jambes, les cactus ont une couleur rouge-sang. Et sur les corps se promènent de petits chars militaires. L’oeuvre fait appel à l’actualité, notamment au génocide à Gaza.

Marwa Adel a la réputation d’être une artiste rebelle, qui tente de briser les tabous en lien avec le corps. Elle expose Faceless (sans visage), une photo qu’elle a retravaillée numériquement, montrant essentiellement le buste nu d’une femme. Sa tête est réduite à des débris de plantes et de fleurs. L’oeuvre est sensuelle et percutante.

Malgré son succès, Marwa Adel a disparu il y a quelques années. Le retour de certains noms à travers cette exposition a pour effet de rafraîchir la mémoire, c’est aussi un message que transmet le fondateur de la galerie, promettant de dénicher d’autres artistes en cachette.

Jusqu’au 6 mai, de 10h à 21 (sauf les vendredis), à la galerie Al-Mashhad, 23 b, rue Ismaïl Mohamed, Zamalek.

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