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Olivier Dubois : Souls est une grande marche funèbre.

May Sélim, Lundi, 16 décembre 2013

Danseur, auteur et chorégraphe, Olivier Dubois s’exprime sur son travail et son nouveau spectacle.

Olivier Dubois
Olivier Dubois.

Al-Ahram Hebdo : Pourquoi avez-vous choisi de donner la première de Souls en Egypte ?

Olivier Dubois : J’aime beaucoup l’Egypte et je suis un grand amou­reux du Caire. C’est une ville qui me fascine. Cela fait plus de 20 ans que j’y retourne régulièrement, quatre ou cinq fois par an. Ici, j’ai trouvé mon rythme. Je ressens la paix, même dans le chaos. Il y a une sorte d’organisation que l’on peut qualifier de « souterraine », une fraternité … Le Caire est une ville entière. Je suis venu ici pour prépa­rer ma pièce Tragédie pour le Festival d’Avignon en 2012.

Il y a deux ans, j’ai commencé à travailler avec des danseurs égyp­tiens. Je travaille avec Karima Mansour et je donne des ateliers au Centre de la danse contemporaine (CCD) qu’elle dirige. Mansour fait partie de ces personnes qui défen­dent leur utopie, qui cherchent à sauver l’art et la danse. Elle croit que la danse peut sauver et du coup offrir une vision du monde. Aux ateliers du CCD, j’ai trouvé 23 jeunes danseurs qui évoluent d’une façon phénoménale, ils ont un goût extraordinaire pour la danse. Leur engagement artistique me mobilise. Donc, on va monter un partenariat ensemble, entre le Centre chorégra­phique de Roubaix et le CCD et je vais travailler avec Germaine Acogny et Karima Mansour.

— Pourquoi avez-vous recours à six danseurs de six pays afri­cains, alors que la pièce ne puise pas dans la danse africaine ?

— L’idée n’était pas de faire une danse africaine ou une pièce afri­caine. La problématique, le moteur de la création était plutôt la question des âmes du monde, du passage de la vie à la mort. C’est une grande marche funèbre, une grande danse macabre. Par la mort, j’affirme mon côté vivant. A la fois c’est philoso­phique et simple, parce que je suis mortel, je suis vivant. Si j’étais immortel, je ne connaîtrais pas la mort, je ne connaîtrais pas le temps où je suis vivant. J’avais en même temps envie de questionner ma façon de créer, de travailler avec d’autres interprètes, d’avoir d’autres façons de voir la danse.

Il y a deux ans, je me suis rendu à l’Ecole des Sables au Sénégal, une école pour toute la danse africaine, et j’ai eu une très forte émotion, un désir de créer sur place. Cela dit de travailler avec des danseurs de la grande Afrique : Ahmed Guindi d’Egypte, Younes Aboulakoul du Maroc, Tshireletso Molambo d’Afrique du Sud. Et dans ce triangle on a un Congolais (Djino Alolo Sabin), un Ivoirien (Jean-paul Mehensio) et un Sénégalais (Hardo Papa Salif Ka). Je n’étais pas à la recherche d’un pays mais plutôt à la recherche d’un interprète.

Je cherchais vraiment à rencontrer des hommes qui ont une approche différente. Il faut trouver un langage commun, déjouer les fantasmes, déjouer les sirènes qu’il faut faire taire. Ce n’est pas une création afri­caine, bien qu’il s’agisse de dan­seurs africains et qu’ils transportent leurs origines dans leur danse.

— Quels sont les critères de sélection de vos danseurs ?

— Ce sont les mêmes critères que j’adopte toujours. J’ai vu 500 dan­seurs. Je cherchais des corps qui pleurent, qui peuvent être porteurs d’âmes anciennes. C’est-à-dire des corps qui traduisent des humeurs, lesquelles jaillissent d’une manière involontaire et inconsciente, à même de rattraper le public. C’est quelque chose qui ne peut pas être expliqué mais qui se ressent. Une âme qui est chargée, qui n’est ni triste, ni dramatique, c’est une âme qui a beaucoup traversé le temps et les corps. Je cherchais des gens qui ont une grande générosité, surtout une grande curiosité, une capacité à s’abandonner, à avoir confiance et à travailler ensemble.

— Comment avez-vous fondé votre propre compagnie en 2007 ? Et quel en est l’avenir après votre nomination comme directeur du Centre chorégraphique national de Roubaix-Nord-Pas-de-Calais à partir de janvier 2014 ?

— Tout s’est fait d’une manière imprévue. J’avais commencé la danse un peu tard à l’âge de 23 ans, j’ai beaucoup dansé avec des choré­graphes du monde entier. En 2005, le Festival d’Avignon m’a proposé de participer aux « sujets à vif ». De petites formules dans le cadre du Festival d’Avignon qui propose à un interprète de choisir un autre artiste avec qui il peut collaborer pour monter une pièce. J’ai donc com­mencé avec Claire Denis. Cette der­nière a eu des problèmes de santé. J’ai dû arrêter le projet. Il me restait trois semaines pour le festival et donc j’ai décidé de faire Olivier Dubois par Olivier Dubois. Et c’était mon premier solo « Pour tout l’or du monde », un solo qui tourne encore aujourd’hui. En 2007, le fes­tival m’a proposé de faire une autre création pour 2008. Je voulais faire quelque chose à partir de L’Après-midi d’un faune. J’ai refusé à l’époque que le festival s’occupe de ma création. Et J’ai donc fondé ma propre compagnie en 2008 pour monter L’Après-midi d’un faune. J’ai un énorme besoin de créer. Je défends plutôt la notion d’auteur que de chorégraphe. J’ai dansé toutes ces années à cette fin. C’est rare d’être chorégraphe et inter­prète. Ce sont deux métiers très différents.

Pour l’avenir de la compagnie, c’est une question d’organisation. Toutes les activités se passent au Centre chorégraphique national.

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