Cheikh Zerhouni, un maître incontestable de l'Aïta.
Les pluies diluviennes n’ont pas découragé le public de la Villa des Arts de Rabat d’assister à un concert signé par le Cheikh Jamal Zerhouni et sa troupe. Cet événement a même réussi à faire salle comble, au grand bonheur des amoureux de cet art centenaire.
Parler de ce chanteur marocain, c’est faire allusion à l’un des pionniers du chant populaire « Al-Aïta ». Ce style musical qui a longuement revêtu un aspect patriotique de résistance pendant l’ère coloniale n’a pas, pour autant, coupé le cordon avec son penchant nationaliste. En effet, s’il fut un temps où les chanteurs aïtawis ne juraient que par la libération de la mère patrie et le départ des colons, aujourd’hui, les contemporains aspirent seulement à concilier la bonne vieille résistance avec le contexte post-colonial du Maroc.
« L’envie d’immortaliser l’histoire de la musique Aïta prime au-delà de tout. Toutefois, les artistes qui aiment jalousement cet art sont, aujourd’hui, devant deux défis majeurs. Le premier est de protéger ce chant contre la déformation. Quant au deuxième, il s’agit de le concilier avec la réalité sociopolitique du Maroc contemporain, en mettant en exergue le patriotisme, la préservation des valeurs humaines relatives à l’identité marocaine, telles que l’hospitalité de son peuple, à titre d’exemple », témoigne le chanteur Jamal Zerhouni, avant d’ajouter : « Redonner une nouvelle jeunesse à ce genre musical est un pari que le ministère marocain de la Culture semble réussir avec brio. Et force est de constater que plusieurs festivals nationaux vouent une grande estime à cet art ancestral. Lors de ces événements, tous les courants de la musique Aïta sont représentés. De ceux des origines à ceux de nos jours. Aussi la symphonie d’Al-Aïta est-elle la preuve la plus éloquente de la sauvegarde de ce patrimoine voué à l’immortalité ».
Cheikh Jamal Zerhouni est également un porte-drapeau de l’art aïtawi des années 1980. De même, il jouit d’une grande renommée nationale grâce aux musicologues et professeurs universitaires qui continuent d’affectionner le chant Aïta des années 1910. Celui qui remonte à l’ère du « Maroc français », à une époque où les paroles des chanteurs aïtawis étaient d’or, car ils inspiraient la fierté nationale et valaient le respect des uns et de tant d’autres.
Zerhouni, chanteur à la voix rauque et suave brille dans « Al-Aïta Al-Hasbaouia » comme il n’est plus de coutume de le faire. Cette variété de la musique Aïta est originaire de la ville de Safi, située au sud-ouest du Maroc. Celle-ci est reconnaissable par la rapidité des rythmes de taarija, cet instrument de percussion marocain de taille minuscule.
Ce chanteur a percé grâce à sa fidélité aux règles de la musique Aïta telles qu’elles lui ont été inculquées par ses aïeux, issus des tribus arabes de Safi. Ces nomades qui cultivaient, jadis, une improvisation poétique inspirée du vécu du Marocain. Car la musique Aïta a survécu jusqu’à nos jours grâce à ces troubadours qui sillonnaient le Maroc de village en village, dans l’unique but de transmettre ce savoir oral par l’entremise du chant et des rythmes spécifiques à chaque région marocaine.
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