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Coups de pied et coup de coeur !

Lamiaa Alsadaty , Mercredi, 06 mars 2024

La passion du football est au coeur de l’intrigue du long métrage de Raouf El-Sayed El Harrifa (les pros). Regroupant de jeunes acteurs, ses recettes ont dépassé les 70 millions de livres en deux mois, pour être classé numéro 1 au box-office égyptien.

Coups de pied et coup de coeur !
Que de jeunes talents ! C’est l’un des points forts du film.

Parmi les sports qui ont eu droit aux grâces du septième art figurent la boxe et le football. Sport ultra-populaire et bien médiatisé, le football était présent dans une dizaine de films égyptiens dont les réalisateurs n’ont pas hésité à tenter le coup et sont parvenus à des réussites impressionnantes. De Shalom Al-Riadi (Shalom le sportif) de Togo Mizrahi (1937) à Captain Masr (capitaine d’Egypte) de Moataz El Touny (2015), le football a été le sujet central autour duquel tournent les incidents. Toutefois, aucun de ces films n’a visé un public d’adolescents. El Harrifa, de Raouf El-Sayed, qui vient de sortir en salle, a ainsi la préséance.

Rythmé, drôle et joliment filmé, El Harrifa met en scène l’adolescent qui va de lui-même trouver son propre chemin dans une société où les rapports de force prédominent. Il s’agit de Magued (joué par Nour Al-Nabawi), le « starboy » typique de son lycée. Super populaire, il a tout ce qu’il faut : les compétences impressionnantes du footballeur, la jolie petite amie et l’argent. De façon inattendue, son père, qui connaît des problèmes fiscaux, est forcé de vendre tous leurs biens et de se passer de la vie de luxe qu’ils ont connue jusque-là. Du jour au lendemain, Magued est contraint d’aller vivre chez sa grand-mère et de quitter son école internationale pour poursuivre ses études dans un lycée public.

Ce qui semblait être le pire cauchemar de Magued deviendra plus tard la meilleure chose qui lui soit arrivée. Au début, il se sent exclu : il n’est pas habitué au jargon utilisé par les élèves de l’école publique, surtout que ces derniers appartiennent à une classe défavorisée ; il ne comprend pas non plus comment les choses fonctionnent ou comment se faire des amis.

Son premier ami à l’école, Omar, un « nerd » (joué par Abdel-Rahman Mohamad), est sa fenêtre sur ce nouveau monde à découvrir. Il lui a fait comprendre que le lycée est dirigé par un grand groupe, composé d’Al-Chechtawi (joué par Ahmad Ghozzi), Hetta (joué par Ahmad Khaled), Al-Noss (joué par Khaled Al-Zahabi) et Karim Al-Salhoub (joué par Sélim Al-Tork). Impressionnés par le talent de Magued au foot, ces derniers l’invitent à jouer avec eux, mais pas au football auquel il est normalement habitué. Ils l’invitent à jouer au football de rue : un tout nouveau monde s’ouvre à lui.

Et c’est à partir de ce moment qu’un lien commence à se nouer entre les garçons. Grâce au temps qu’il passe avec eux, Magued apprend le sens de la loyauté et de la véritable amitié. Tout ce qui lui manquait auparavant, il l’a appris grâce à son amitié avec eux, il apprend ce qu’est le fait de donner sans rien recevoir en retour et d’être vraiment un joueur d’équipe.

Le social y est fortement marqué, que ce soit celui de la classe défavorisée ou celui de la classe aisée, avec ses dysfonctionnements et ses corruptions.

Un conte footballistique

Les personnages ne sont pas très fouillés psychologiquement. On a l’impression d’assister à un conte. Cependant, si le conte, en tant que genre, s’accommode bien de personnages d’une relative naïveté, ceux qui les écrivent sont loin d’être des naïfs. Le récit et le scénario, très bien élaborés par Iyad Saleh, retracent des personnages qui sont les spectateurs de leur propre vie : ils n’ont guère le choix, sauf de saisir la chance quand elle se présente.

Le football a sa place et son rôle dans chaque classe. Pour des individus à cheval sur les valeurs de la classe populaire défavorisée et les contraintes économiques, il représente, pour les plus doués, une chance d’échapper à des conditions de vie difficiles et d’accéder à un niveau de vie supérieur. Pour ceux appartenant à la classe aisée, il incarne plutôt la gloire.

Le film donne une double image : d’un côté, les résidences de luxe où les habitants mènent un mode de vie loin d’être égyptien. Par ailleurs, la misère est ressentie d’autant plus fortement du fait de l’effritement des traditions et des valeurs d’entraide communautaire.

De l’autre côté, les quartiers populaires qui manquent de services et où les habitants mènent, faute de moyens, une vie difficile. Le fossé entre les deux classes s’avère énorme. Toutefois, s’il y a une chose sur laquelle les Egyptiens seront d’accord, c’est leur amour commun pour le football. Langage tacite entre les Egyptiens, le football dans le film n’est pas seulement présenté comme un simple sport, mais comme quelque chose qui unit, comble les écarts sociétaux et culturels et respire le vrai bonheur.

L’un des aspects les plus importants du film est qu’il ne s’appuie ni sur de grands noms ni sur une production massive. C’est plutôt sa simplicité et son authenticité qui ont vraiment capté le coeur des spectateurs. C’est un film qui aurait pu être balayé sous le tapis des clichés : mais ce n’était pas le cas. Il garantit des sourires dans toutes les salles et un amour grandissant pour le football.

Raouf El-Sayed a réussi à orchestrer tous les éléments de son premier film pour témoigner de ses compétences techniques et son sens artistique. Les séquences de match ne sont pas désagréables à regarder, le rythme est maintenu tout au long du film et une cohérence est ressentie entre le casting. Ce film ouvrira, sans doute, des portes pour que d’autres réalisateurs et producteurs investissent dans les jeunes générations et leur accordent des rôles de premier plan.

Entre humour, tendresse et leçon de vie, El Harrifa offre un joli moment qui nous laisse appréhender la folle passion qu’éprouvent les Egyptiens pour le football.

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