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Aï Keïta Yara : Une comédienne doit véhiculer un message, lutter pour des causes nobles et sensibiliser la population

Hala El-Mawi , Mercredi, 14 février 2024

Le Festival du film africain de Louqsor, du 9 au 15 février, rend hommage à la comédienne burkinabée engagée Aï Keïta Yara, membre du jury de sa compétition officielle. Entretien.

Aï Keïta Yara
Aï Keïta Yara.

Al-Ahram Hebdo : Vous avez commencé votre carrière, en travaillant avec un grand nom du cinéma africain, le réalisateur Med Hondo, dans le film franco-burkinabé-mauritanien à succès Sarraouina, lequel est sorti en salle en 1986. Pouvez-vous nous raconter cette rencontre extraordinaire ?

Aï Keïta Yara : Encore jeune fille, j’ai rencontré Med Hondo en 1985, par l’intermédiaire de mon neveu Djim Kola Mamadou qui était un célèbre réalisateur et cinéaste burkinabé. Il a été témoin d’une scène de bagarre m’opposant à un autre jeune homme, cette scène l’a énormément marqué parce qu’il avait vu à quel point je me suis farouchement défendue. Lors d’un de ses séjours dans le pays, il a demandé de mes nouvelles à mon neveu, qui a répondu que j’étais déjà une femme mariée. Accompagné de mon neveu, il est venu nous rendre visite et a exprimé à mon époux, aujourd’hui disparu, son envie de me voir jouer un rôle dans un long métrage qu’il comptait réaliser. L’accord lui fut donné. Après le test de sélection, il a décidé de me confier le grand rôle du film, celui de la reine Sarraouina.

— Quel est le film qui vous a marquée le plus tout au long de votre parcours ?

Sarraouina, pour diverses raisons. C’était mon tout premier rôle alors que je n’avais jamais été à une école de cinéma. En plus, le film a remporté plusieurs prix au FESPACO en 1987, dont, entre autres, l’étalon d’or de Yennenga (ndlr : le grand prix du festival panafricain du cinéma et de la télévision d’Ouagadougou, FESPACO, qui se tient tous les deux ans au Burkina Faso). Ceci m’a permis de se faire connaître dans le domaine du cinéma.

— Comment choisissez-vous vos rôles ? Est-ce le nom du réalisateur qui compte à vos yeux ? Ou le sujet du film ou le personnage que vous interprétez ?

— Mes critères de sélection reposent, entre autres, sur le scénario après lecture, si ma personnalité, ainsi que mon âge siéent au rôle qu’on me confie, je décide de l’accepter. Il est important de noter que je ne joue jamais de rôle qui pourrait nuire à l’intégrité et à la dignité de la femme.

— Vous avez porté haut et fort la cause des femmes, vous avez lutté contre le sida, l’excision, etc. Est-ce que vous jugez que l’artiste doit être engagé ?

— Je répondrais par oui parce que, selon moi, être actrice c’est avant tout un moyen de véhiculer un message, de lutter pour des causes nobles, de défendre les plus faibles et les plus vulnérables, de sensibiliser la population ...

— Vous êtes chargée des dossiers d’évacuation au centre hospitalier national d’Ouagadougou, en même temps, vous menez votre carrière artistique. Comment parvenez-vous à concilier vos diverses occupations ?

— Je profitais de mes jours de congé, mais j’ai eu la chance de travailler avec un patron compréhensif, qui m’encourageait à suivre aussi l’autre voie que j’ai choisie. Il faut savoir aussi que si le Burkina Faso est coproducteur dans un film, les fonctionnaires-comédiens sont réquisitionnés pour le tournage.


Film Sarraouina, de Med Hondo.

— Est-ce que le cinéma africain se porte bien de nos jours ?

— Le cinéma africain rencontre sans doute quelques difficultés liées au manque de financement, mais il a fait beaucoup de progrès ces dernières années.

Prenons l’exemple de mon pays le Burkina Faso, chaque année, le gouvernement apporte un soutien considérable au cinéma.

 Bio express :

Aï Keïta Yara, née le 31 décembre 1957, est une célèbre actrice engagée du Burkina faso. Elle a à son actif 35 films entre longs et courts métrages durant les 30 ans de sa carrière. Elle a décroché un rôle-titre dans Sarraouina de Med Hondo en 1986. Depuis, elle n’a eu que des rôles importants avec de grands noms du cinéma africain, comme Mamy Wata de Mustapha Diop, Les Etrangers de Mamadou Kola, Haramuya de Drissa Toure, L’Epopée des Mossi d’Adama Traoré, Sida dans la cité de Franck Amblard, Messages de femmes — messages pour Beijing, de Martine Ilboudo Conde, Tourbillon de Pierre Yameogo et Tasuma, le feu de Daniel Sanou Kollo, Ah les femmes ! Ah les hommes ! d’Apolline Traoré. Aï Keïta Yara a été décorée des plus hautes distinctions. Elle a été également membre de plusieurs jurys dans de nombreux festivals africains de prestige, dont le FESPACO et le FICA en Côte d’Ivoire.

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