Les jeunes s’inspirent des grands noms chevronnés. Et les grands ? Eux, ils s’imprègnent de l’enthousiasme des jeunes. C’est ce rapport de réciprocité ou d’échange que la galerie
Picasso a choisi de mettre en avant sous le titre de
Générations, regroupant un large éventail de 44 artistes d’âges très différents.
Un paradoxe. Les jeunes se penchent davantage sur l’art figuratif, mettant en avant le citoyen lambda, dans des situations de tous les jours. Les moins jeunes se dotent quand même d’une touche abstraite. « Nous les artistes, en dépit de l’âge, nous vivons parmi les gens. Normal donc de toucher, par le figuratif expressif, à leurs soucis qui sont aussi les nôtres. D’ailleurs, l’art abstrait dérive du figuratif. Les deux peuvent exprimer des états émotionnels, en représentant quelque chose qui a référence à la réalité. Dans les années 1960, l’abstraction était à son comble grâce aux pionniers de l’art contemporain qui cherchaient à conquérir la modernité. Les artistes, plus jeunes, ont favorisé à leurs débuts, le retour aux racines », déclare Mervat Chazli, jeune artiste d’origine nubienne, qui admire chez les grands maîtres égyptiens d’art contemporain, tels Gazbia Sirry, Salah Taher et Seif Wanli l’intérêt particulier qu’ils ont accordé au patrimoine de la Nubie ... Ils se sont inspirés de son environnement et son histoire, tout en restant fidèles à leur propre style. D’ailleurs, l’œuvre de Chazli est incrustée de figures féminines aux traits très égyptiens. Des figures agencées dans plusieurs encadrements, dont chacun symbolise une sensation féminine quelconque. Les sujets qu’elle aborde sont le célibat, la maternité ou la stérilité.
Côte à côte à Chazli, expose le jeune Islam Omar Al-Nagdi, fils du plasticien Omar Al-Nagdi. Al-Nagdi, le junior, cherche à travers sa peinture à transmettre la sensibilité des scènes quotidiennes, surtout campagnardes, de manière intemporelle et esthétique. Poétique et sensible, son œuvre intègre les cultures dont il est issu ainsi que sa pensée juvénile et moderne.
Juste en face sont exposées 3 peintures signées Ahmad Sleem. Des peintures, à couleurs fortes et ensoleillées, non sans rappeler le style de Gazbia Sirry. Hommes et femmes se répètent. Amoureux, sans un brin d’érotisme, posant une interrogation philosophique : Quel est le rapport homme/femme, quand les corps s’effacent pour devenir un vœu d’amour ? Qu’il soit rural, urbain ou nubien, chaque couple puise dans la terre où il est né. D’où une poétique visuelle. Il en est de même pour la peinture du jeune Mohamad Rabie, dont les protagonistes, dotés de symboles folkloriques et d’une philosophie populaire, inspirés de l’art de Abdel-Hadi Al-Gazzar.
Très réaliste et classique, le jeune Pierre Michael s’inspire étroitement de la tradition picturale classique. A sensibilité particulièrement dramatique, l’œuvre de Michael dépeint le portrait d’un paysan laborieux, avec en arrière-plan une grotte qui lui promet un certain espoir. Et ce, sous l’effet d’un faisceau de lumière qui surgit au loin. « Même si je maîtrise l’abstraction, j’ai préféré au début de ma carrière de commencer par le classique, à portée réelle. L’école réaliste m’est proche, avec sa finesse et son élégance »,déclare Pierre Michael.
Mouvement acrobatique
Art abstrait et figuratif chez Samir Fouad.
Dans cette même lignée s’inscrit le travail du jeune artiste Mohamad Madi, avec une sculpture figurative incarnant une jeune fille en mouvement acrobatique, bien élancée. Intitulée Le Monde du cirque, son œuvre repose sur le vide et le volume, étant très influencé par son maître Abdel-Hadi Al-Wéchahi.
« Je ne m’attendais pas à cette maîtrise de ses outils, de la part des jeunes. Ils m’ont donné de l’appétit à revenir aux formes humaines que j’ai abandonnées depuis un certain temps, au profit de l’abstraction », signale l’artiste chevronnée Zeinab Khalil,qui participe avec deux œuvres aux couleurs chaudes, dans un parfait jeu d’optique, mêlant arts abstrait et figuratif. Quant à son confrère, l’artiste Samir Fouad — né en 1944 — contribue à cette exposition avec un portrait féminin aux traits égyptiens, portant un voile noir, où le flou donne sensation de mouvement. « On ne peut pas s’évader de la réalité. La plupart des femmes en Egypte sont voilées. De plus, le noir met en relief la couleur de leur peau et les détails de leurs visages », affirme Fouad. Entre la réalité et le réalisme, la frontière est un espace de liberté : celui de la création.
Jusqu’au 23 octobre, à la galerie Picasso, 30, rue Hassan Assem, Zamalek.Tél. :2736 7544
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