
SUM,de Sama Waly.(Photo : Bassam Al-Zoghby)
La sixième édition de TransDance marque un tournant par rapport aux précédentes. Elle résume les défis qu’ont dû affronter les organisateurs pour créer une édition hors des sentiers battus.
« TransDance 2013 aurait pu ne pas voir le jour vu les nombreuses difficultés économiques et politiques qui ont eu lieu durant l’été en Egypte. Tout cela a déstabilisé les moyens de financement et la possibilité de tenir une programmation internationale. Pourtant, l’insistance des artistes nous a poussés à tenir cette édition et à nous interroger sur l’art et la danse en temps de guerres et de révolutions », explique Adham Hafez, directeur du festival.
La 6e édition a donc pour thème « L’oubli et la résistance ». Faut-il tout oublier ? Faut-il répondre aux exigences des forces de l’ordre et nous effacer ou continuer à mettre en avant une présence artistique et à chercher dans l’art des moyens de résistance ? Durant dix jours, le festival a tenté de répondre à ces questions.
Contrairement aux éditions passées, Adham Hafez a cette année choisi de s’éloigner des centres culturels étrangers et des théâtres pour les locaux du centre Arc.Hive au centre-ville. Arc.Hive, lancé en avril dernier, est un centre de recherche et de documentation pour les arts de performance, dirigé par Adham Hafez sous le nom de Haraka (mouvement).
C’est dans une ambiance intimiste que cette édition a accueilli des performances arabes et égyptiennes dans un contexte politique où était mis en avant le rapport du corps à la danse et à la résistance.
Vidéos d’amour et de combat
Les installations vidéo témoignent aussi de cette volonté : Chaïmaa Aziz, dans sa vidéo intitulée « Danse d’amour », retrace l’histoire d’un couple qui découvre son corps. L’homme et la femme tentent de communiquer dans cette société étouffée par le trafic automobile. Sa vidéo est une série de sketchs présentée à travers la technique du stop motion. Découvrir, communiquer est une manière de se trouver soi-même et de résister.
Une autre vidéo « Nuovo Cinema Paradiso » signée Lana Al-Sennawi fait défiler différentes scènes de baisers tirées des films classiques égyptiens. Al-Sennawi a réalisé son film fin 2011. « C’était une manière de répondre aux Frères musulmans qui étaient au pouvoir à l’époque et qui ont cherché à censurer les scènes d’amour dans le cinéma égyptien ».

Moataza Abdel-Sabour et Adham Hafez, lecture dramatique de la poésie d’Etel Adnan. (Photo : Bassam Al-Zoghby)
Al-Sennawi visait à choquer pour affronter une sombre mentalité. « Les films classiques sont souvent diffusés à la télévision. Les enfants ont l’habitude de les regarder avec leurs parents. On n’a jamais trouvé ces scènes immorales. Exprimer l’amour est une attitude normale au cinéma et dans la société », estime l’artiste.
La lecture dramatique faite par Adham Hafez et Moataza Abdel-Sabour du poème de la Libanaise d’expression anglaise Etel Adnan « Au temps de la guerre » favorise elle aussi l’idée de résistance. Les cris, le jeu d’intonation et l’improvisation renforcent l’instabilité de l’actualité politique décrite dans le poème.
In Situ est un spectacle chorégraphié et dansé en solo par la Tunisienne Amira Chebli. Mais, faute de visa, elle n’a pas pu venir en Egypte. Elle a donc filmé sa performance et l’a envoyée au festival. Le spectacle s’est donc transformé en une projection vidéo sur les différents aspects de l’enfermement.
Pour la même raison, l’artiste libanaise Rima Najdi n’a pu venir. Pourtant, son spectacle Qui sont-ils et qui sommes-nous ? a bien été donné. Basé sur l’interaction avec le public — voir la manipulation du public — le spectacle parodie les émissions radio d’autrefois. Dans une ambiance comique le public suit avec intérêt la radio et obéit aux ordres des interlocuteurs qui parlent de révolution et de patriotisme. Impossible de ne pas répondre aux ordres. L’artiste résume l’absurdité politique : une performance où le rire, le mouvement et le jeu ne sont jamais gratuits.
L’Egyptienne Sama Waly a donné SUM : un rythme musical en sanskrit marqué par la répétition. Waly est allongée dans un bassin bercée par un rythme vocal qui se répète. A première vue, elle est presque immobile, mais en suivant le rythme, son corps commence à bouger lentement. Son souffle s’accentue et le mouvement de la tête devient plus clair. « La répétition régulière peut engendrer à un certain moment un mouvement spontané du corps », estime l’artiste. En ce qui a rapport avec le corps, la répétition n’est jamais machinale. Au cours de la performance, une fois que le mouvement spontané devient clair, Waly sort du bassin d’eau. Elle s’insurge. La performance résume un état de révolte inné.
Les mois prochains, le festival se déplacera en Europe et aux Etats-Unis.
Lien court: