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L’esprit du jazz fait vibrer les bords du Nil

Névine Lameï, Vendredi, 27 octobre 2023

Malgré les tensions régionales, le Festival international du Caire de jazz se tient, comme prévu, du 26 octobre au 3 novembre, au Tahrir Cultural Center. Des troupes en provenance de 14 pays y participent dans un même esprit d’unisson.

L’esprit du jazz fait vibrer les bords du Nil

Trois questions à Amro Salah, président et fondateur du Festival international de jazz.

« Le jazz est un instrument de paix, de rencontre et de partage »

 Al-Ahram Hebdo : Dans ce climat de tension, alors que le conflit palestino-israélien bat son plein, comment le festival s’engage-t-il à tenir 32 rencontres musicales ?

Amro Salah : Rien ne peut nous empêcher de remplir notre mission. Le jazz, misant sur la spontanéité et l’improvisation, a un pouvoir magique d’unir les publics. Financé par l’Union européenne, le festival peut se servir de la musique jazz en tant qu’outil de solidarité avec le peuple palestinien. Il peut laisser entendre d’autres voix que celles faisant appel à la violence. Car le jazz a une longue histoire avec la résistance, étant né de la confrontation entre la musique des esclaves noirs et celle des Européens. Le festival est conçu comme un instrument de paix, de rencontre et de partage.

— C’est donc, selon vous, un vecteur de lien social ? Un « jazz qui élimine la poussière du quotidien », comme l’a décrit le musicien afro-américain Art Blakey ?

— Outre les moments de divertissement partagés qu’il nous procure, le jazz réduit considérablement le stress. Ses nombreux styles et sous-genres nous font penser, nous invitent à débattre de questions importantes …

Nous avons préparé la 15e édition du festival dans des conditions difficiles. Dès sa fondation en 2009, nous avons relevé tant de défis, mais nous sommes restés fidèles à notre rendez-vous annuel avec le public. Dans le contexte de la Révolution de Janvier 2011, on s’est produit malgré le couvre-feu. La situation dans la bande de Gaza est sans doute atroce, vu le nombre de morts et les bombardements massifs, mais la vie doit continuer.

— Vous avez annoncé les prestations d’artistes parmi les plus accomplis au monde. Qu’en est-il de l’ensemble de la programmation ?

— Cette année, 14 pays, à savoir l’Egypte, la Libye, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l’Allemagne, le Japon, la Lituanie, la Pologne, le Portugal, l’Espagne et la Suisse, incarnent l’esprit international du jazz. Pour l’ouverture, nous avons prévu la présence de l’artiste franco-syrienne Lynn Adib, accompagnée de la pianiste autrichienne Alexandra Ivanova. De la France aussi, nous avons prévu un concert de la troupe Ozma (le 27 octobre), mettant en avant un jazz sociétal à la croisée des chemins, capable de rapprocher les peuples du monde. De la Finlande nous vient Kari Ikonen, inventeur d’un appareil musical créatif et révolutionnaire, le maqiano, qui transforme le piano en instrument oriental, de quoi lui permettre de jouer le maqam. Ikonen partagera la scène avec le luthiste Ali Eissa et le percussionniste Ayman Mabrouk (31 octobre). Après un temps d’arrêt depuis 2018, dû à la pandémie du coronavirus, le Japon est de retour au festival, étant représenté par la pianiste japonaise Atzko Kohatsi (le 1er novembre). Et ce, sans oublier la participation du musicien libyen Nasser El-Mezdawi, avec ses chansons sur l’expatriation, la nostalgie, la résistance … .

 Tour d’horizon d’une programmation assez riche

Le festival promet des concerts aussi différents qu’intéressants. Voici la sélection d’Al-Ahram Hebdo.

 Message de la Syrie

Membre de la Chorale de joie de l’église Notre-Dame de Damas, Lynn Adib a été initiée au chant byzantin dès son jeune âge, puis a étudié la flûte au Conservatoire national. L’artiste franco-syrienne a ensuite fait du jazz son principal mode d’expression et a poursuivi son parcours au Conservatoire Régional de Paris. Elle incarne cette nouvelle génération de musiciens, éprise de cette liberté aux parfums éclectiques de jazz et d’Orient. Ses chansons en arabe, en français et en anglais parlent d’amour, d’espoir et de paix.

Le 26 octobre, à 19h.

Plus qu’une belle voix

Etoile montante du jazz, la chanteuse suisse Yumi Ito a une voix expressive. Née en 1990, elle vit et travaille à Bâle. D’origine polonaise et japonaise, elle écrit elle-même ses oeuvres, mêlant jazz moderne, indie pop/rock et musique classique contemporaine.

Le 26 octobre, à 21h30.

 Trio de migrants en Autriche

Le trio Golnar and Mahan rassemble des éléments du jazz contemporain, du folk du Moyen-Orient et de l’Afrique de l’Ouest, des grooves polyrythmiques, de la musique de chambre afro-cubaine et européenne. Ses musiciens comprennent le déplacement, la redécouverte et la prise de risque. Improvisateurs dans l’âme et dans la pratique, ils sont capables de trouver un sentiment de liberté et de profondeur même dans les formes musicales les plus simples. Golnar Shahyar est chanteuse, compositrice, parolière et multi-instrumentiste irano-canadienne, qui vit à Vienne depuis 2008. Elle a rencontré le guitariste-compositeur irano-autrichien Mahan Mirarab en 2011. Puis, le percussionniste autrichien Amir Wahba, peu de temps après. Ensemble, ils ont formé leur trio.

Le 27 octobre, à 20h30.

Pedro le prolifique !

Pianiste et compositeur portugais, Pedro Neves élimine les frontières du genre et du style. Ses compositions intègrent différents grooves et paysages sonores, issus de ses vastes goûts musicaux brillamment équilibrés.

Le 28 octobre, à 20h15.

Musique tzigane des Balkans

Né de la rencontre impromptue entre trois jeunes musiciens partageant un amour pour les musiques traditionnelles d’Europe de l’Est, le trio français Lesto Drom (Lina Belaïd au violoncelle, Noé Clerc à l’accordéon et Loïc Vergnaux aux clarinettes) aime jouer de la musique tzigane, de la région des Balkans, en passant par le jazz et les musiques improvisées, aux mélodies mélancoliques, aux rythmes enivrants. Ces trois compagnons de route, tel un orchestre de chambre, au son fin et profond, allient un répertoire vaste allant de la Transylvanie roumaine aux montagnes caucasiennes d’Arménie.

Le 28 octobre, à 21h30.

Se taquiner sur scène

Le pianiste Jef Neve et le trompettiste Teus Nobel présentent un mélange de compositions personnelles et des standards de jazz cool, alternés avec des histoires et des discussions drôles et fortes verbalement. Le duo belge n’arrête jamais de se taquiner sur scène, c’est tellement amusant à regarder et à écouter !

Le 29 octobre, à 20h.

 Solo de piano

Le pianiste finlandais Kari Ikonen cultive un jeu personnel qui s’inspire des gammes arabes (maqamat) aussi bien que de l’histoire du jazz, ou encore de l’oeuvre du peintre Vassily Kandinsky. Son album phare Impressions, improvisations et compositions, sorti en 2021, fait passer l’abstraction de sa musique derrière les séductions immédiates d’un univers sonore enchanté et délicieusement déroutant.

Le 31 octobre, à 21h30.

 Fusion progressiste européenne

Pianiste, claviériste et chef d’orchestre, Dainius Pulaukas tient un rôle important sur la scène de jazz lituanienne. Ses compositions et ses poèmes symphoniques éloquents joués par des instruments acoustiques et électroniques sont remplis de sérénité nordique, ainsi que d’ambiances romantiques.

Le 2 novembre, à 20h.

 Folklore slave avec un zeste électronique

Compositeur polonais d’origine bulgare, multi-instrumentiste et producteur, Atanas Valkov est fasciné par le piano et inspiré par l’art de l’improvisation. Sa musique mélangée avec audace représente un creuset culturel unique de folklore slave et balkanique, de traditions classiques européennes avec de la musique électronique.

Le 3 novembre, à 18h.

 Travailler à distance

Jeunes compositeurs égyptiens, Fouad et Mounib se sont d’abord rencontrés virtuellement sur Facebook (le premier était en Egypte, et le deuxième en Allemagne). Ils ont commencé à travailler ensemble en ligne sur des compositions pour violon et piano. En 2020, ils ont décidé de faire un grand pas et de réarranger leur musique pour être jouée par un orchestre.

Le 3 novembre, à 21h.

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