En trio, les membres chantent sur scène.
Ressusciter le chant des monologues en interprétant une sélection des plus belles chansons satiriques qui ont marqué l’histoire du cinéma égyptien et ses films en noir et blanc à partir des années 1930 où cet art était en pleine effervescence. Tel est l’objectif du spectacle Monologue … Min Fat Qadimoh Tah (monologue … celui qui rate l’ancien se perd). Joué la semaine dernière par la troupe Studio Al- Assema (studio de la capitale) sur les planches du théâtre ouvert de l’Opéra du Caire, ce spectacle a annoncé le début du festival d’été. La troupe Studio Al-Assema, qui se produit pour la première fois à l’Opéra égyptien, est une troupe juvénile formée de 60 étoiles montantes, entre étudiants et nouveaux diplômés de la faculté de pédagogie musicale de l’Université de Hélouan. Sur la grande liste des monologues interprétés par cette jeune troupe dont les membres sont très doués pour le chant d’opéra et le jeu de scène, citons Eib Eeamel Maarouf (aie honte je t’en prie), Al-Hob Bahdala (l’amour est une humiliation), Ma Testaegebchi, Ma Testaghrabchi (ne t’étonne pas), Ya Ariss Al-Ghafla (ô mari du clin d’oeil), Al-Raguel Dah Hayganneni (cet homme me rend folle), Awez Arrawah (je veux partir), Ehna Al-Talata (nous les trois), Qalbi Ya Ghawi Khamas Qarrat (mon coeur est passionné de cinq continents), Ya Salam Ala Hobi We Hobek (comme il est beau notre amour), Saheb Al-Saada (Son Excellence) … Un large éventail de chansons et de monologues originaux et créatifs. Le but est de ressusciter le monologue et d’y ajouter de l’émotion et du suspense. Et ce, non sans une légère ironie. Bref, le spectacle Monologue … Men Fatt Qadimoh Tah révèle quelque chose au public : une histoire, une leçon de morale, un secret, une réponse à une question récurrente, etc.
Et pour ce faire, le metteur en scène, Hani Abdel-Nasser, monte en premier sur scène et joue le rôle du conteur, à l’instar d’un jongleur. Il interroge le public de l’Opéra qui, cette fois-ci, n’est pas un auditoire silencieux, mais interactif. Les questions posées évoquent l’histoire d’Adam et d’Eve. D’ailleurs, c’est autour de cet éternel récit de la tentation que se déroulent tous les monologues intelligemment joués par Studio Al-Assema. Et qui dit monologue, dit poème comique à vocation scénique ! Les monologuistes, acteurs et chanteurs du Studio Al-Assema, disent ce qu’ils ont sur le coeur et rapportent à haute voix leurs pensées, leurs travers, ou encore leurs mésaventures au style direct. Ils font rire. Sur scène, ils s’installent en demi-cercle, sur les planches du théâtre ouvert, comme dans une boîte de nuit, ou un spectacle de cabaret proche d’un music-hall. Arborant une tenue vestimentaire correcte et élégante du temps révolu (veste et cravate, robe vintage et coiffure à l’ancienne), chacun des membres de la troupe, à tour de rôle, se lève de sa chaise pour incarner le personnage de son monologuiste favori. Voici le personnage d’Ismaïl Yassine, de Soraya Helmi, de Chokoukou, de Chadia, de Sabah, de Fouad Al- Mohandès, de Soad Ahmad …
En arrière-fond du théâtre, un grand écran projette le visage du monologuiste en question et qui est représenté avec brio sur scène. Ses chansons sont interprétées en solo, en duo, ou en trio par les jeunes doués de la troupe Studio Al-Assema. Le style sarcastique et comique prend le dessus. Et de nouveau, entre les chansons, le metteur en scène flirte avec le spectateur, en abordant à nouveau l’histoire d’Adam et d’Eve, aux questionnements multiples. Chaque monologue a son histoire d’amour, ses joies, ses doutes et ses difficultés. Le spectacle nous livre une réflexion cocasse et profonde sur les rapports entre l’homme et la femme. Chacun d’eux s’interroge sur l’autre et sur le but de sa vie.
Une allure vintage.
Douces et courtes satires
« Les acteurs-chanteurs de Studio Al-Assema ont vraiment montré leur talent et leur connaissance du texte. Ils ont réussi à incarner, dans leur première expérience sur scène, plusieurs personnages stéréotypés de l’art du monologue égyptien. Ils ont réussi aussi à donner des détails sur les personnages et l’intrigue sans alourdir la pièce ou ennuyer le public. Et ce, à travers une écriture théâtrale simple et une grande efficacité dramaturgique et narrative. L’interaction et l’improvisation sont les maîtres mots de toutes les scènes jouées. La beauté scénique est de mise grâce aux costumes qui changent d’un monologue à l’autre, selon l’identité du personnage joué », affirme la musicologue et compositrice égyptienne Nahla Mattar, professeure à la faculté de pédagogie musicale, département de théorie et de composition. Et d’ajouter : « Le monologue dramatique est un art folklorique et patrimonial égyptien apparu à partir des années 1920, avec le grand Sayed Darwich et sa taqtouqa (genre musical populaire, chanté en arabe dialectal) qui est aussi une sorte de monologue social, une nouvelle forme lyrique développée dans le temps. L’art du monologue est né du besoin de présenter quelque chose de satirique, de divertissant, loin du sérieux. Il est temps de ressusciter cet art qui a acquis une grande popularité dans le temps. C’est un art qui simule la réalité et dénonce les travers de la société par sa douce et courte satire ». Avis partagé par la doyenne de la faculté de pédagogie musicale, Chérine Abdel-Latif. Pour elle, l’art du monologue et des sketchs comiques est une forme d’introspection, une analyse des sentiments humains qui invite le public à se parler et à revisiter sa vie. Et de conclure : « Nous sommes très heureuses de coopérer avec l’Opéra égyptien qui donne à nos étudiants l’occasion de montrer leurs talents, de grandir dans leur domaine de spécialisation et de briller sur toutes les scènes de l’art ».
Rendez-vous avec la troupe de Studio Al-Assema au Festival de la Citadelle au mois d’août 2023. Et à la célébration du centenaire de Sayed Darwich, en septembre prochain, au Centre des arts dépendant de la faculté de pédagogie musicale de l’Université de Hélouan.
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