Al-Ahram Hebdo : Comment est née l’idée du film ?
Sofia Alaoui : L’idée du film m’est venue de plusieurs choses, déjà ma mère est chrétienne, mon père est musulman. J’ai grandi en Chine et tout ce qui appartenait au registre de la croyance, à la compréhension du monde qui nous entoure, a toujours fait partie de moi. J’avais toujours des questionnements sur l’univers, j’aimais voyager seule … des thématiques pareilles m’intéressaient. J’ai habité à l’étranger pendant 8 ans et quand je suis rentrée au Maroc, où je suis depuis 7 ans, j’ai été confrontée à cette société qui exige aux femmes de correspondre à un certain comportement pour être wune espèce d’idéale. Et pour moi, le rapport à la religion était très dogmatique. Du coup, j’avais envie de questionner ma société mais pas d’une façon brutale. Je vis dans cette société et finalement tous ces gens sont des amis à moi, ce sont des proches de la famille. Je n’aime pas le cinéma provocateur, j’aime la douceur et je voulais questionner ma société d’une manière divertissante et du coup, le registre surnaturel est venu naturellement pour moi. Dans le film, je voulais montrer que nous sommes tous connectés les uns aux autres dans l’invisible qu’on voit autour de nous et cela est scientifique. Par exemple, le vide autour de nous dans cette pièce n’est pas un vide. Et la science le valide et c’est génial. Je dois dire que j’ai beaucoup lu dans la physique quantique avant de faire le film. Je cherchais une manière de représenter cette présence. Dans de nombreux mythes, l’âme d’un être peut vivre à l’intérieur d’un autre être. J’essaie d’être respectueuse de tout ce qui nous entoure.
— Parler de la métaphysique ou questionner la croyance dans une société conservatrice est tabou. Comment avez-vous pensé à cet angle ?
— Je ne voulais pas faire un film tabou. Quand on le fait, ça choque et c’est toujours mal ressenti dans le pays en général. On a la chance d’avoir des gens ouverts d’esprit, nous avons un ministre de la Culture jeune mais je pense que la société n’est pas prête à tout entendre.
— D’après le film, on voit que vous êtes une personne engagée. Vous condamnez la bourgeoisie marocaine et vous vous rangez du côté des sans voix …
— J’ai fait le lycée français et j’ai grandi dans un milieu entouré de la bourgeoisie marocaine à l’école. Pour la Révolution française, on croit que c’est le peuple qui l’a faite, alors que ce sont les privilégiés qui ont remis en question la situation qui prévalait. Ce que je veux dire, c’est que quand on veut changer ou améliorer une société, le rôle de la bourgeoisie est hyper-important. Dans le film, je montre une bourgeoisie qui ne pense qu’à l’argent, qui méprise son pays et ne parle que le français. Cette classe a un rapport à la langue qui est très compliqué. Moi, je suis d’origine berbère et on oublie que le Maroc est un pays berbère. C’est une honte et les gens sont tranquilles dans ce racisme intérieur. On est raciste vis-à-vis des gens de notre pays, c’est absurde.
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