La mère de tous les mensonges.
Kazeb Abiyad (la mère de tous les mensonges) d’Asmae El Moudir et Animalia de Sofia Alaoui ont bien marqué les cinéphiles à la 57e édition du Festival international du film de Karlovy Vary qui a pris fin le 8 juillet. Les deux créations montrent un cinéma marocain féminin qui traite des questions de société, de dogme et d’autres sujets personnels.
Dans La mère de tous les mensonges, la réalisatrice Asmae El Moudir nous raconte, d’une manière créative, à travers sa propre voix, une partie de l’histoire du Maroc et son histoire personnelle. Un docufiction dans lequel elle met en exergue l’importance de la famille dans son pays en invitant avec amour tous les membres de sa famille à devenir, le temps du film, un protagoniste à part entière, sa grand-mère, son père et sa mère. Asmae se rend chez ses parents à Casablanca pour les aider à déménager. Une fois dans la maison de son enfance, elle commence à trier ses vieilles affaires et tombe sur une photo : des enfants dans la cour d’une école maternelle. Presque hors cadre se trouve une petite fille assise sur un banc, qui regarde timidement l’appareil photo. Cette photo est l’unique souvenir que sa mère a pu lui transmettre. Mais Asmae est convaincue qu’elle n’est pas l’enfant sur cette image. Dans le but de faire parler ses parents, Asmae introduit sa caméra pour évoquer d’autres souvenirs. Cette photo devient le point de départ d’une investigation auprès de sa famille. Petit à petit, Asmae explore la mémoire de son quartier et de son pays. Et puisque les photos étaient interdites à la maison par la grand-mère car considérées comme illicites (haram) et que les photos d’archives apparemment manquaient, il fallait reconstituer des événements passés. C’est là où la créativité commence avec le choix d’une mise en scène des miniatures, conçues par elle-même et son père qui malaxait l’argile devant la caméra pour en faire des hommes, des femmes, des voitures, des chars, des maisons, des rues, des tombes et les quartiers entiers de son enfance. Ces miniatures prennent extraordinairement vie avec la caméra de la jeune talentueuse El Moudir et donnent envie d’en savoir plus sur son histoire et l’histoire du Maroc. La réalisatrice a habilement joint le divertissement au sérieux sans tomber dans le mélodrame même au moment de raconter la phase des émeutes du pain en 1981, une phase douloureuse qui a marqué les esprits de tous, même ceux qui croyaient l’avoir cicatrisée, comme les amis de son père qui ont pu, via des prisons, des chars, des soldats et des prisonniers en miniature, reconstituer les faits et nous transmettre des émotions fortes. La structure adoptée est à saluer, car à aucun moment on ne perd le fil conducteur et on ne veut plus quitter les miniatures qui relatent ces histoires.
Animalia.
Pour Animalia de Sofia Alaoui, il est question du surnaturel où l’accent est mis sur l’idée que le monde physique repose sur un univers beaucoup plus complexe. En se basant sur des éléments fantastiques, la cinéaste voulait questionner sa société sur ses dogmes, ses conflits de classes sociales, sur les stéréotypes, sur l’identité vraie de son pays. Pour le faire, elle a choisi une histoire qui est loin des sentiers battus. Il s’agit d’une invasion extraterrestre dont les répercussions à l’échelle individuelle et collective s’imposent mystérieusement. Itto est une jeune mariée, enceinte de plusieurs mois, issue d’une classe sociale regardée de haut par une froide belle-famille qui vit dans la cage dorée d’une luxueuse villa isolée. Mais tout bascule très vite quand la région est bouclée par l’armée pour une angoissante raison inconnue. Séparée de sa famille bloquée chez le gouverneur à Khouribga, Itto, armée de son seul portable, tente de la rejoindre, embarquée sur le tripoteur d’un voisin sur les routes désertiques au coeur des montagnes de l’Atlas. Mais trahie, elle se retrouve encore plus loin au Sud, dans un petit village rural où elle rencontre Fouad qui accepte, en dépit de sa colère contre les privilèges des propriétaires, de l’aider à remonter vers le Nord.
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