Omar ibn abdel-aziz (1995), Abou-Hanifa Al-Noaman (1997), Ibn Maga (2000), Imam Al-Doaah (l’imam des prédicateurs, 2003), Al-Tareq (2004), Aëmat Al-Hoda (les imans de la guidance, 2005) et Al-Imam Al-Ghazali (2012) sont des feuilletons égyptiens historiques, produits par la télévision égyptienne, qui ont abordé l’autobiographie de plusieurs oulémas de l’islam. Ils ont été diffusés durant le Ramadan et remporté beaucoup de succès. En arabe classique, ils ont été interprétés par de grandes stars. Mais depuis une dizaine d’années, ce genre de feuilleton n’existait plus, notamment parce qu’il exige des budgets colossaux. Les boîtes de production s’en méfiaient donc, préférant les drames sociaux, ciblant un plus large public.
Cette année, la société Media Hub a décidé de produire Ressalet Al-Imam (le message de l’imam), portant sur le théologien Abou-Abdallah Mohamad bin Idris Al-Chaféï (767, Gaza, Palestine-820, Egypte), fondateur de l’école chaféïte de jurisprudence. On suit le périple d’Al-Chaféï (incarné par le comédien Khaled Al-Nabawi) en Egypte, où il a séjourné pendant les six dernières années de sa vie. Le scénario est le fruit d’un atelier d’écriture dirigé par Mohamed Hicham Obaya, regroupant 4 auteurs égyptiens et 3 syriens, et la réalisation est également assumée par le Syrien Al-Laïth Hajjo. L’autobiographie d’Al-Chaféï a été adaptée dans un ancien feuilleton datant de 2007, produit par la télévision étatique égyptienne, en partenariat avec une boîte privée, avec le comédien et chanteur Iman Al-Bahr Darwich. Mais l’oeuvre avait connu un succès minime ou a presque passé inaperçue. Celle-ci relatait l’histoire de l’imam depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Les questions relatives à la théologie et à la jurisprudence y étaient souvent adressées directement à l’imam, et les événements se déroulaient souvent en flash-back.
17 ans après, le personnage de l’imam Al-Chaféï est présenté différemment. Pourquoi maintenant ? Les responsables de Media Hub ont essayé d’expliquer leur choix, à travers la campagne publicitaire qui a accompagné la série, que le théologien faisait appel à la rénovation religieuse, en amalgamant les théories de ses prédécesseurs. Ainsi, il a combiné la jurisprudence islamique du Hedjaz (malikite) avec celle d’Iraq (hanafite) et a fondé sa propre école de jurisprudence. Il a rassemblé les diverses opinions dans un ouvrage de référence intitulé Al-Huja (l’évidence), vers l’an 810.
Il a été très influencé par l’imam Al-Laïth bin Saad, installé en Egypte, mais ce dernier décéda avant son arrivée à Fostat. Une fois sur place, il a essayé de rassembler les idées que retenaient les disciples de l’imam Al-Laïth, afin de renouveler la pensée religieuse. Son voyage en Egypte le confronta à de différentes méthodes d’analyse de hadith et de raisonnements qui induisirent des changements nombreux de ses avis qu’il avait eus en Iraq. Son enseignement fut le plus favorablement accueilli et il a eu un très grand nombre de disciples.
Al-Nabawi, expert en drame historique
La carrière du comédien Khaled Al-Nabawi compte plusieurs oeuvres historiques, dont trois évoquant d’éminentes personnalités du patrimoine arabe. D’abord, il a joué dans Al-Waad Al-Haq (la vraie promesse, 1993), d’après l’oeuvre éponyme de Taha Hussein, relatant l’histoire de la tribu Qoraïch et les habitants de La Mecque. Le jeune diplômé de l’Institut supérieur de théâtre, à l’époque, jouait le rôle d’un musulman d’Ethiopie. Puis, dans la coproduction égypto-syrienne Sadaq Waadah (il a tenu sa promesse, 2009), Al-Nabawi a tenu le rôle de Tayim, l’amoureux de la belle esclave Enaaq, campée par Rim Ali, lors de l’apparition de l’islam dans la péninsule arabe. Ensuite, il a joué dans Mamalek Al-Nar (royaumes de feu, 2019), une coproduction entre l’Egypte, la Tunisie et les Emirats arabes unis, signée par le réalisateur britannique Peter Webber. Al-Nabawi a excellé dans le rôle du sultan mamelouk Toman Bay II.
Aujourd’hui, en s’attaquant au personnage de l’imam Al-Chaféï, il s’est lancé un nouveau défi. Il prononce correctement la langue arabe classique et récite agréablement les vers de l’imam, faisant preuve d’une grande éloquence.
Un face-à-face
Dès le premier épisode, Al-Chaféï se trouve dans un face-à-face avec le calife Haroun Al-Rachid, incarnant subtilement le rapport du gouvernant-gouverné. Il aura aussi à confronter le nouveau gouverneur d’Egypte aux temps des Abbassides. Et même dans ses rencontres à la mosquée de Amr Ibn Al-Ass, il a fait face aux disciples de l’imam Malek, puisqu’il appelait au renouvellement de la pensée malékite, ouvrant la porte de l’ijtihad (le droit à l’interprétation religieuse).
Le feuilleton met en scène un pays en mutation, dans un contexte politique difficile: l’isolement de l’ancien wali, l’arrivée d’un nouveau, attaques des bédouins, etc. De quoi faire allusion au contexte que connaît l’Egypte depuis 2011. Les scènes de voyage sont magnifiquement tournées dans le désert. Le réalisateur excelle à mettre en relief la beauté du paysage au bord du Nil, dessinant l’Egypte d’une autre époque, si lointaine.
Par ailleurs, le feuilleton relate d’autres histoires secondaires, étayées par les paroles de l’imam. On assiste à l’histoire d’amour entre un jeune homme et une jeune veuve, celle de la chimiste qui vend des livres et des herbes médicinales, etc. Le feuilleton, qui va durer tout le mois, ne cesse d’attirer des téléspectateurs, suscitant un vrai débat autour des idées de l’imam et de sa biographie. A chaque nouvel épisode, on découvre un extrait de ses poèmes, récité en voix off par Khaled Al-Nabawi.
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