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De véritables trésors à explorer

Mohamad Al-Qazzaz , Vendredi, 31 mars 2023

Claude et France Lemand ont eu l’idée extraordinaire, il y a quelques années, de faire don au musée de l’Institut du monde arabe d’une belle part de leur collection d’oeuvres d’art contemporain. D’où une série d’expositions et de multiples révélations

De véritables trésors à explorer
Claude Lemand dans sa galerie privée.

Les deux collectionneurs d’art Claude et France Lemand ont fait en 2018 une donation majeure de 1 800 oeuvres de leur collection privée afin de faire désormais partie du musée de l’Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris. Il s’agit d’oeuvres d’artistes arabes qu’ils ont rassemblées depuis plus de 35 ans, après avoir fondé leur galerie parisienne en 1988, une fois rentrés du Caire.

D’origine libanaise, Claude Lemand est né dans le pays du Cèdre en 1945. Il est issu d’une famille modeste, ses grands-parents ont péri dans la grande famine qui a frappé le Levant durant la Première Guerre mondiale. Ses compatriotes étaient assiégés de toutes parts par les Allemands, les Ottomans, les Anglais et les Français, d’où le nombre croissant de victimes.

Son père était tout jeune, analphabète et exerçait tant de petits métiers pour joindre les deux bouts, tandis que sa mère, qui a grandi dans un orphelinat, avait un penchant très net pour la culture, parlait couramment l’anglais et maîtrisait parfaitement l’arabe. Elle était aussi une excellente conteuse, et l’a incité à approfondir ses connaissances sur toutes sortes de sujets. Du coup, il a été le seul dans sa famille à poursuivre des études supérieures jusqu’à soutenir une thèse en linguistique, et ce, après avoir obtenu une bourse en France. En 1974, il décide de retourner au Liban pour enseigner à l’université pendant 9 mois, puis la guerre civile s’est déclenchée.

Au début de la guerre, il fut kidnappé, et une fois libéré, il a voulu échapper à l’enfer de son pays natal, l’a quitté de nouveau pour la France et a été naturalisé français. Il a rejoint ensuite le ministère des Affaires étrangères, a été d’abord en poste pendant deux ans au Soudan, puis devait partir avec sa femme pour un deuxième poste en Arabie saoudite, mais il a préféré se rendre au Caire avec son épouse médecin qui a vendu sa clinique privée pour l’accompagner durant son séjour égyptien en 1981.

Le Caire, une étape essentielle

En Egypte, Claude Lemand a travaillé à la faculté des langues (Al-Alson) et a fondé un centre spécialisé de traduction auprès de l’ambassade de France. Il a dû inventorier les oeuvres traduites du français vers l’arabe et vice-versa. Ayant aperçu que les livres arabes traduits vers le français sont très rares, il a pris l’initiative de contacter un certain nombre d’écrivains égyptiens afin de les publier en français, dont Naguib Mahfouz, Youssef Idriss et Gamal Al-Ghitani.

En Egypte aussi, il faisait le tour des galeries avec sa femme et visitait les musées. Tous les deux ont commencé à acquérir les toiles qui leur plaisaient, dont des peintures de Abdel-Hadi Al-Gazzar et Hamed Nada. De retour à Paris, le couple a alors décidé d’ouvrir une galerie d’art, laquelle est devenue l’une des rares à exposer des artistes arabes.

« En 2013, on a pensé avec ma femme à faire don de quelques oeuvres de notre collection privée, et on a alors choisi l’IMA pour que celles-ci y soient exposées de manière permanente. Cet événement a été annoncé lors d’une conférence de presse qui a eu lieu à Paris en janvier dernier, en présence de Monsieur Jack Lang, alors président de l’IMA, et de Madame Nathalie Bondil, directrice du département du musée et des expositions à l’Institut. Notre proposition a été bien accueillie par Lang qui aspirait à ce que le musée ait en sa possession le plus grand nombre d’acquisitions d’artistes arabes en Europe », précise Claude Lemand. Et d’ajouter : « Dans cet esprit, nous avons alors organisé une première exposition sur la calligraphie regroupant, entre autres, des oeuvres d’artistes égyptiens. Ensuite, nous avons tenu une deuxième exposition, Lumières du Liban, et une troisième sur l’Algérie. J’espère vivement pouvoir consacrer une ou plusieurs expositions à l’art plastique égyptien ».

L’exposition Lumières du Liban rassemblait une centaine d’oeuvres réalisées par 55 artistes, de 1950 jusqu’à nos jours, car l’événement s’est tenu en solidarité avec le peuple du Liban, un an après l’explosion du port de Beyrouth. Ensuite, l’exposition Algérie mon amour s’est déroulée du 15 mars au 31 juillet 2022, retraçant 50 ans de peinture, et ce, pour célébrer le soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.

Lemand est toujours présent dans ce genre d’événement en curateur, collectionneur, mais aussi en bibliophile. Il oeuvre souvent à faire traduire des oeuvres spécialisées afin d’enrichir les bibliothèques dans les deux langues. Il navigue ainsi entre les oeuvres de Gazbia Sirry, d’Ethel Adnan, de Youssef Abdelké, d’Adam Hénein, de Abdallah Benanteur … Loin d’être commerciale, son aventure est essentiellement humaine et artistique.

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