Enfin, le 19 février dernier à 20h, la chaîne égyptienne Al-Wathaeqya a vu le jour! Une étape un peu tardive pour un pays pionnier dans le domaine des documentaires, sur le plan régional. Le démarrage a été annoncé avec la projection du documentaire Adham Al-Charqawi, un personnage héroïque controversé dans les contes populaires égyptiens. Quoi de plus fort pour avoir un contenu parfaitement égyptien ?
L’idée de fonder cette chaîne spécialisée remonte à février 2018. « A l’origine, on était une unité de production de films documentaires à la chaîne égyptienne DMC. Il s’agissait de produire des documentaires afin de les projeter exclusivement en premier sur DMC, et ce, avant de les diffuser sur les autres chaînes. La roue a tourné et on a réussi à produire 50 documentaires de qualité dont, entre autres, un film sur l’incendie du Caire en 1952, le Théâtre national, etc. Or, il n’y avait pas de chaîne capable de rassembler toutes ces oeuvres. D’où l’idée de créer une unité indépendante, directement sous la houlette de la société UMS (United Media Services) », explique Shereef Saïd, directeur d’Al-Wathaeqya. Un noyau dur s’est alors formé, pour mettre en place une chaîne spécialisée, consacrée à la production et à la projection de films documentaires.
L’objectif principal de la chaîne étant explicité par la devise « Notre identité dans notre langue », il s’agit de revisiter les dossiers égyptiens pertinents et de « ne plus céder la place aux autres, afin de raconter nos propres histoires », poursuit Saïd.
Al-Wathaeqya vient ainsi concurrencer d’autres chaînes dans la région. Mais quels sont les atouts dont dispose la chaîne naissante ? « Notre chaîne dispose de cadres expérimentés et d’un catalogue de contenu de qualité. Il ne faut pas oublier que nous possédons des histoires riches et variées », explicite Saïd, qui affirme avoir capitalisé sur une parfaite connaissance de l’audience.
La chaîne possède des pages sur les réseaux sociaux comme Facebook, TikTok, Instagram, … afin de capturer et d’évaluer les réactions des téléspectateurs. Selon le directeur de la chaîne, il est important, en fin de compte, de faire la distinction entre ce que le public désire et ce dont il a besoin. « Toute chaîne a besoin d’experts, de scientifiques, etc. On se sert tous des enquêtes et des sondages comme outils de mesure afin de développer et d’évaluer constamment nos contenus », souligne Shereef Saïd.
La troupe de danse folklorique Réda.
Miser sur la simplicité et la sobriété pour plaire aux téléspectateurs et leur délivrer un message implicite, c’est aussi l’un des atouts de la nouvelle chaîne, qui aspire à être proche du public. Elle cible essentiellement les téléspectateurs égyptiens et arabes, en présentant trois types de contenus : des oeuvres originales produites par la chaîne, ou par des producteurs exécutifs, et des oeuvres acquises de l’étranger. Celles-ci sont sous-titrées ou doublées. D’ailleurs, toutes les oeuvres choisies partagent un dénominateur commun : des sujets intéressants et en conformité avec la culture et le goût du public oriental. Normal. Car les téléspectateurs peuvent se détourner s’ils jugent le contenu monotone ou hors de la norme sociale.
Mis à part les documentaires et les docudrames inédits, offrant des histoires vraies, la chaîne entend faire du journalisme audiovisuel à travers des épisodes qui racontent des histoires portées par celles et ceux qui en sont les héros. C’est, à titre d’exemple, le cas du programme Hiwar Khas (entrevue privée). Dans ce dernier, il s’agit d’interviewer l’émir des islamistes de Daech. « Je crois que cette entrevue va contredire plein d’idées reçues à propos de l’extrémisme religieux. Le chef du groupe terroriste n’est pas quelqu’un de naïf, qui a subi un lavage de cerveau », fait remarquer Ahmed Al-Derrini, chef du secteur de la production auprès de la chaîne, en évoquant le programme Al-Safira Aziza.
Une programmation variée
La grille des programmes couvre tous les goûts 24h sur 24. Elle a commencé par offrir aux enfants un contenu qui sera diffusé pour la première fois dans le monde arabe, tel le film suisse Mon ami l’ours. En outre, les amateurs de sport ont rendez-vous avec le documentaire Pelé, le joyau noir et les cinéphiles peuvent regarder Les Best of Bergman, Hitler comme jamais vu auparavant, Al-Rihani, etc.
Les passionnés de lettres ne sont pas oubliés. Des documentaires sur le monde de Naguib Mahfouz ou celui de Youssef Idriss sont inclus au programme, de même qu’un documentaire sur la troupe de danse folklorique Réda, s’adressant aux amateurs de danse.
La nouvelle chaîne entend ainsi se distinguer par un large éventail de contenu aussi riche que varié. « La production des documentaires est coûteuse, mais ils ne sont pas rentables. Alors, l’idée que le pays soutient ce genre de contenu offre, d’une part, des opportunités pour tous ceux qui travaillent dans le domaine et, d’autre part, permet à cet art de s’épanouir », explique Rasha Al-Shamy, journaliste, réalisatrice et productrice de documentaires qui a déjà collaboré avec l’unité des documentaires, avant qu’elle ne se transforme en une chaîne spécialisée.
Essam Zakariya, critique de cinéma et président du Festival d’Ismaïliya pour les courts métrages et les documentaires, loue de son côté la décision de lancer une chaîne thématique du genre, en déclarant dans la presse : « Je souhaite voir, outre les documentaires, des émissions qui abordent différents genres de documentaires afin d’initier le public aux valeurs esthétiques. Je m’attends également à ce qu’elle couvre des festivals et des événements liés à ce genre ».
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