Durant cette 7e édition, les artistes femmes s’attaquent davantage aux tabous, aux codes figés et aux dogmes. Bref, elles cherchent à s’affranchir de l’ordre établi. D’où des expériences parfois étonnantes.
Chacune d’elles tente de restituer le monde selon sa perspective. Certaines s’éloignent de la réalité, d’autres recomposent une réalité qui a changé, etc. « On cherche à se libérer de tous les préjugés et à faire place aux sentiments, aux mémoires et aux interrogations qui torturent l’esprit des femmes. Et le résultat est fascinant, je suis ravie de l’audace et de la créativité des participantes, qui n’ont pas hésité à prendre des risques », déclare Stéphania Angarano, propriétaire et gérante de la galerie Machrabiya.
Rowaïda Baher multiplie les signes égyptiens à travers ses peintures.
Nourhan Khorchid a décidé d’entrer en défi avec l’aquarelle qui lui offre la possibilité d’une exécution rapide. Elle a peint des corps nus, très intenses et très beaux. Ils sont en postures bizarres, revendiquent une place au monde ou expriment leur soutien à une cause particulière. Les photographies abstraites d’Aya El-Husseini ont elles aussi le corps nu pour sujet. C’est sa manière d’exprimer sa révolte, de déchiffrer le mystère de cette masse de chair, sous une forme kaléidoscopique, à travers des clichés en couleurs. Doaa Amin a recours au papier-calque, afin de remplacer les visages de ses protagonistes femmes ; ceux-ci sont peints à l’image de Mickey, la plus célèbre souris de Walt Disney. Les visages de Mickey sont alors complètement dépouillés de détails, protégés par des versets coraniques et des lunettes de soleil. De quoi créer un univers iconographique très enfantin et ludique.
La fille aux lunettes de ciment d’Esraa Atef.
Les petits dessins de Fadwa Ramadan traitent de questions identitaires, usant d’écritures, de lettres amazighes ... On milite tous, chacun de son côté, pour devenir plus libres dans ses choix et ses appartenances. Puis, les 11 peintures, en petit format, de Rowaïda Baher, présentent des écritures illisibles de couleurs verte, rouge, noire et blanche, ainsi qu’un amas d’objets abstraits, de signes, de symboles indéchiffrables, mais qui ont quelque chose de très égyptien, qu’on n’arrive pas trop à définir. On se trouve alors en face d’un cosmos saturé d’étoiles scintillantes, où tout semble en harmonie.
The Golden Fly est le titre de 3 peintures d’Eman Hussein, réalisées à l’Eco Print, une technique d’impression végétale sur tissu et papier. Résultat ? Des formes organiques d’une extrême finesse et des ailes dorées aux allures abstraites. L’ensemble se place sous le signe de la protection, la détermination et la liberté, à l’exemple des déesses de l’Egypte Ancienne, Hathor et Sekhmet. L’artiste Aya Gamil peint la même femme de manière répétitive, celleci danse une splendide scène de ballet, sous l’eau. « Je m’affirme à travers cette femme que je peins à l’infini sur la toile ; c’est moimême, dupliquée sous l’effet de l’eau », explique l’artiste qui a confectionné de petites sculptures de coton, d’éponge, de fleur, pour lui servir d’arrière-plan dans ses peintures.
Mélanie Partamian puise dans les tiroirs de sa grand-mère, pour décorer son installation L’Arbre de vie, à l’aide de papiers anciens et de portraits de famille. Ces objets souvenirs nous font passer du passé au présent, et vice-versa. C’est très poétique et émotif.
Des corps qui s’imposent par Nourhan Khorchid.
La ville en toile
Les dessins assez fins d’Amani Moussa montrent une ville imaginaire composée de petits carreaux en rouge et noir, de cartes et de plans qui ne cessent de nous communiquer des informations sur les lieux et la vie dans cette ville. Plus l’espace imaginaire représenté est grand et localisé, plus la représentation de la réalité est simplifiée.
Encore plus abstraites, les peintures en grands formats de Mona Hamdy reprennent l’idée de la ville fantasmagorique, cette fois-ci toute en couleurs. On n’y voit rien, ni les maisons, ni les habitants. L’ensemble plonge dans le flou artistique. C’est gai et assez féerique ! Chacun tente de tracer sa destinée. Yasmine Shash participe à l’exposition avec des oeuvres pour graphiques en noir et blanc, essayant de décomposer une ville chaotique, où tout est en hachuré. Shash travaille ses gravures sur du zinc et du bois.
Photos-collages de Ruwan Hamdi.
Proches des représentations théâtrales, les photos en noir et blanc de Marwa Sakr font communiquer plusieurs créatures entre elles : coq, cerf, poisson ... dans un magnifique jeu d’ombres et de lumières. On est tantôt dans des fermes, tantôt à l’intérieur d’une maison ou carrément dans des chambres à coucher. Le décor est souvent un peu vintage. Les photos-collages de Ruwan Hamdi sont mélancoliques avec des êtres bizarroïdes allongés sur leurs lits et leurs membres incomplets. Ces scènes un peu inquiétantes ont pourtant quelque chose de chaleureux.
Les peintures d’Esraa Atef, proches des affiches publicitaires, se focalisent sur la forme des cônes et des boules de glace. Il y a aussi un cornet et un cône de signalisation routière. L’artiste peint des bâtiments grisâtres, une fille portant des lunettes de ciment … Il y est question de pop art, non sans ironie, tournant en dérision les villes en ciment où l’on vit et qui n’arrêtent pas d’étendre leurs tentacules.
My Favorite Things 7, à la galerie Machrabiya, jusqu’au 15 février, de 11h à 20h (sauf le vendredi). 15, rue Mahmoud Bassiouni, centre-ville.
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