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Chanter l’amour en hieroglyphs

Névine Lameï, Mercredi, 04 janvier 2023

La soprano Amira Sélim vient de sortir une nouvelle chanson en hiéroglyphes. Une idylle amoureuse inspirée d’un poème de l’Egypte Ancienne.

Chanter l’amour en hieroglyphs
Amira Sélim en reine de l’Egypte Ancienne.

A la suite du grand succès de la chanson Ode à la grande Isis, interprétée en hiéroglyphes, dans le cadre de la Parade des momies royales le 3 avril 2021, la soprano égyptienne Amira Sélim a décidé de lancer une nouvelle chanson d’amour, inspirée du patrimoine de l’Egypte Ancienne, pour les fêtes de Noël et du Nouvel An. Il s’agit de Merut Ek (ton amour), diffusée à partir du 28 décembre sur toutes les plateformes de streaming musical (YouTube, Spotify, iTunes, Anghami, Deezer), ainsi que sur sa page Facebook. La chanson est toujours interprétée en hiéroglyphes, étant tirée d’un poème d’amour datant de l’époque ramesside, et lequel est gravé sur les murs d’un temple de Deir Al-Médineh, précisément sur le chemin qui mène du Ramesséum à la Vallée des Reines.

La chanson, dont le vidéoclip est filmé en France, est une fusion entre le prélude de Bach et une improvisation vocale signée par la soprano elle-même, accompagnée à la harpe par Mona Wassef. « Dans l’antiquité égyptienne, la musique s’adressait à l’âme et faisait partie intégrante des rituels religieux aussi bien que de la vie quotidienne et des moments de loisir et de détente. Sept ans avant la Parade des momies royales, je rêvais de chanter des poèmes d’amour dans la langue de l’Egypte Ancienne. Je collectais des documents d’archives, j’achetais des livres d’histoire, je rencontrais des égyptologues, je lisais beaucoup sur les poèmes d’amour de la période ramesside, dans les multiples bibliothèques à Paris où j’habite depuis plusieurs années », explique Amira Sélim. Et d’ajouter : « A l’époque ramesside, l’amour était partout. Il ne laissait personne indifférent : ni les dieux, ni les rois, ni les hommes. Un véritable culte. Même les morts semblaient réclamer leur droit à l’amour ! Aimer et être aimé constituaient donc le rêve le plus partagé à l’époque. Les textes et les images décrits qu’on nous a légués sur les murs des tombeaux et des temples funéraires en témoignent, notamment durant le Nouvel Empire, de la XVIIIe à la XXe dynastie ».

Beauté des mots

Le poème Merut Ek l’a attirée de par la simplicité et la beauté de ses mots, capables d’exprimer les sentiments d’amour les plus sublimes. « J’aime beaucoup les poèmes d’amour de la XIXe dynastie, grâce à leur élégance picturale. Je souhaite revivifier la langue hiéroglyphique, malheureusement morte à nos jours. D’où ma collaboration actuelle avec l’égyptologue Yasmine El-Shazly, qui m’a aidée, à travers plusieurs séances de formation, à comprendre les significations de chaque mot de Merut Ek. J’ai fait de mon mieux pour capter les signes et les sens, pour pouvoir déchiffrer l’écriture hiéroglyphique, bien prononcer et enfin parvenir à traduire émotionnellement les paroles que j’interprète », précise Amira Sélim. Et de poursuivre : « Il y est question d’un amoureux qui flirte avec sa dulcinée, de manière très franche mais digne, avec tout le respect qu’il lui doit ».

La soprano a donc fait tout un travail pour saisir les moindres dessous de l’idylle amoureuse. Et c’est à l’égyptologue Yasmine El- Shazly d’expliquer : « Considérée comme une langue arabe sans signes diacritiques, la langue hiéroglyphique est une langue chamito-sémitique dont la forme écrite n’est pas vocalisée. Merut Ek n’était ni rythmé ni rimé, et pour le chanter, il a fallu tout d’abord lui mettre du vocabulaire rimé ». La grâce de la soprano, combinée à la force de sa voix, nous laisse béats. Sélim appartient à une famille artistique, sa mère étant l’illustre pianiste égyptienne Marcelle Matta et son père le grand peintre et critique Ahmed Fouad Sélim. A l’âge de 6 ans, elle rêvait déjà de la scène, de la musique et des couleurs. Quand son père lui a offert le disque Requiem de Mozart, la fille de 16 ans a décidé de faire du chant d’opéra sa profession.

Après des études au Conservatoire du Caire, puis à la Spazio Musica en Italie, elle a travaillé avec la soprano italienne Gabrielle Ravazzi. Puis, elle a obtenu une bourse du gouvernement français pour poursuivre ses études à l’Ecole normale de musique de Paris, dans la classe de Caroline Dumas. Elle a également suivi des cours de perfectionnement avec la soprano française Beatrice Malleret Ivorra. Et aujourd’hui, elle fascine de par sa voix colorature et son talent inouï. « Bien communiquer de l’amour, c’est tout d’abord s’écouter, transmettre de l’énergie positive, apporter du bonheur et de la joie », conclut la soprano.

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