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Des ânes chargés d’espoir

Najet Belhatem, Lundi, 23 septembre 2013

Au-delà du tumulte et des images d'un pays sous tension, des ânes en fibre de glace colorés et bradés de symboles font un périple en Europe et en Amérique du Nord avec un message, celui d'une Egypte culturellement riche et plurielle.

Des ânes chargés d’espoir
Des ânes artistiques qui font le tour du monde.

25 ânes qui portent des couleurs et des touches artistiques, sym­boles culturels religieux ou politiques, ont débarqué à la Cathédrale Saint-Paul à Londres le 30 août der­nier, première étape de l’exposition itinérante qui se tiendra en Europe puis en Amérique du Nord, avec pour thème « En Paix et avec com­passion », dans le cadre du festival Caravan pour les arts créé en 2009 au Caire. Fondé par le révérend Paul-Gordon Chandler, pasteur de l’église épiscopale Saint-Georges le Baptiste au Caire, Caravan est un projet qui se veut une passerelle culturelle entre l’Occident et l’Orient. « Le festival Caravan pour les arts est l’une de ses principales initiatives dont le but est d’utili­ser les arts comme un pont favorisant l’échange interculturel et interreligieux, pour améliorer la compréhension et le respect, approfondir l’ami­tié entre les cultures et les croyances de l’Orient et l’Occident », peut-on lire sur le site officiel de Caravan.

Le choix de l’âne, cet animal doux et docile, et surtout très ancré dans la culture égyptienne et dans l’héritage culturel arabe, est dans ce sens judicieux. Il fait encore partie de la vie quoti­dienne dans les villages, et même au Caire. Les charrettes tirées par les ânes partagent encore les rues de cette ville tumultueuse avec les voitures dernier cri. Et depuis la révolution de 2011, on les voit même parfois attachés à un poteau élec­trique dans les quartiers huppés. Bref, il fait partie du décor, et quand un Egyptien veut expri­mer sa dévalorisation par rapport à son travail, il dit « bachtaghal zay al-homar » (je travaille comme un âne). Et c’est cet animal que Caravan a choisi pour diffuser son message de tolérance et de paix. La littérature égyptienne est elle aussi riche de l’oeuvre de Tewfiq Al-Hakim qui, pen­dant les années qui ont suivi la défaite de 1967, a choisi de donner la parole à un âne, dans une trilogie publiée entre 1969 et 1972, où il dis­sèque une société désorientée, inquiète et humi­liée.

L’exposition constituée au départ de 90 ânes de taille réelle, en fibre de glace, conçus et sculp­tés par l’artiste-peintre Réda Abdel-Rahmane — également curateur de l’exposi­tion — s’est d’abord tenue au Caire le 9 mai dernier. Sculptés, ils ont ensuite été remis à 45 artistes égyptiens et étrangers (mais en majorité égyptiens), dont les renommés Georges Bahgouri et Mohamad Abla, pour les revêtir de leur vision artistique. Ces ânes ont ainsi pris vie et sont devenus les ambassadeurs au monde d’une Egypte en pleine mutation, illustration de la richesse culturelle et religieuse du pays et égale­ment de l’effervescence et des tensions qui le traversent actuellement. Et ils sont symboliques dans le sens où cette richesse, qui a vécu et sur­vécu à travers les siècles, est sujette à une rude épreuve en ce moment. « L’exposition cherche à communiquer le message important de la tolé­rance entre chrétiens et musulmans vivant ensemble dans la paix et avec compassion, un message de l’Egypte pour le monde », souligne le révérend Paul-Gordon Chandler, auteur de Pilgrims of Christ on the Muslim Road, dans sa présentation de l’exposition. Ces ânes oeuvres-d’art seront mis en vente, et une partie des reve­nus ira aux oeuvres de charité en Egypte au profit des pauvres. L’étape londonienne se termine ce 26, ils se dirigeront ensuite à Genève.

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