Il faut le dire haut et fort : l’Egypte continue à s’engager contre le terrorisme et en faveur de la révolution. Et l’art est l’un des meilleurs moyens pacifistes, permettant de faire face au terrorisme et aux falsifications étrangères. « C’est notre outil, afin de dévoiler les pratiques des Frères musulmans et des islamistes », lance le chef de la photographie, Ramsès Marzouq, qui a réalisé un documentaire sous le titre de Misr tonqez al-alam men al-irhab (l’Egypte sauve le monde du terrorisme).
Produit par l’activiste politique Mamdouh Hamza, le film met en scène, pendant 8 minutes et 13 secondes, les crimes commis par les figures emblématiques des Frères musulmans, durant la présidence de Mohamad Morsi. Et à Marzouq de réitérer : « Je voulais transmettre à l’Occident la réalité des manifestations et des actes commis par les partisans des groupes islamistes, au nom de la religion et de ladite légitimité ».
Cinéaste scrupuleux, Marzouq se dit défenseur d’une vérité absolue. Prenant l’anglais comme langue principale, son oeuvre, adressée essentiellement à l’Occident, est donc expressément équivoque : l’esthétique du document confirme le récit du film, il se présente comme une quête de la réalité historique.
« L’idée de départ voulait que le documentaire soit une sorte de témoignage, à travers cette quantité d’images diffusées ici et là par les chaînes télé et les sites Internet », explique le documentariste. Et d’ajouter : « Mais j’ai voulu quand même apporter une dimension personnelle à l’oeuvre, au lieu de présenter simplement des faits et des chiffres sur le terrorisme. J’ai préféré introduire quelques détails, afin de donner libre cours au spectateur, pour voir la réalité toute crue devant lui et choisir sa position ».
La tyrannie à la Hitler
Art et propagande: le défi actuel des écrans.
Dès la première séquence du film, le message principal est bien lancé. C’est l’image du despote nazi légendaire, Adolphe Hitler, en comparaison tout à fait directe avec Mohamad Morsi. Les deux sont mis en diapason à travers quelques images de leurs interventions médiatiques. Parfois, ils sont entourés de leurs adjoints et se vantent d’avoir des fans et des disciples. Une comparaison bien exprimée par le scénario signé Mohamad Hamdi, et secondée par le voice-over, renforçant à plusieurs reprises la comparaison entre le camp Hitler-Mussolini et celui de Morsi-Erdogan. « Le rêve d’une nation islamique sous le pouvoir d’un même califat, avec Jérusalem comme capitale ». C’est ce qu’a affirmé clairement le prêcheur Safouat Hégazi, dans l’une des scènes du documentaire. C’est d’ailleurs le leitmotiv qui reviendra sans cesse par la suite tout au long du documentaire, soit à travers les actes terroristes ou des menaces verbales et gestuelles.
« Etant donné que le but de ce documentaire est d’être un message explicite ciblant l’Occident, et surtout ceux qui soutiennent délibérément les islamistes, on a essayé de s’adresser à l’Autre dans sa langue, par le biais d’une technique de montage accéléré, visant à tout dire en quelques minutes seulement », précise Ramsès Marzouq.
Selon l’équipe du travail, le fait d’avoir recours à la liaison entre Hitler et Morsi tout au début du film, « c’est afin d’ébrécher le prétexte des islamistes, que Morsi devait continuer son mandat en tant que président élu. Nous voulons montrer que Hitler, lui aussi, a été élu lors d’élections libres », souligne le réalisateur. De même, le fait de clôturer le documentaire avec la photo d’Ossama Ben Laden est bien visé : « C’est en vue de faire rappeler à l’Occident ce qu’a fait Ben Laden », dit Marzouq.
Comment éviter d’être étiqueté ?
Cependant, face à ce genre de documentaires, une question ne cesse de s’imposer : comment évoquer la vision d’un fait historique ou d’un certain régime sans faire — même si c’était malgré soi — un soupçon de propagande ? Comment éviter d’être étiqueté ou de transformer en simple spectacle ce qui constitue, en soi, une quête de la vérité ?
« Peu importe pour moi d’être pris pour une personne faisant de l’agit-prop de l’armée égyptienne, ou d’être considéré par les courants religieux comme un hypocrite. L’essentiel dans tout ce que je fais c’est de suivre et d’exprimer mes convictions loin de toute pression », indique le réalisateur Khaled Youssef, qui a été chargé, lors de la révolution du 30 juin, de filmer par avion les manifestations dans les rues pour renverser Morsi. « A chaque époque, il y a eu des artistes qui sont devenus chroniqueurs de leur temps. Ils ont enregistré les moments cruciaux de leur histoire. C’est ce que j’ai essayé de faire, sans même exprimer mon propre avis », réfute Khaled Youssef, qui est en train de préparer un vrai documentaire sur les événements, sous le titre de Garaëm Al-Ikhwane (les crimes des Frères musulmans). Dans celui-ci, il tente de présenter son témoignage quant aux divers actes commis par cette confrérie qui a pu accéder au pouvoir.
Pour sa part, le cinéaste Ramsès Marzouq trouve que « l’art est un acte totalement subjectif, étant donné que tout artiste présente les idées dont il est convaincu. Celles-ci peuvent être facilement rejetées par d’autres. J’ai l’habitude de présenter ma vision des choses, et je suis sûr que c’est à l’Histoire seule de juger la sincérité des oeuvres artistiques et de leurs créateurs », conclut le cinéaste taxé par d’aucuns comme « l’ennemi numéro 1 des courants religieux ».
Les quelques délits de montage ou fautes d’orthographe dans les génériques n’empêchent que ces créateurs avancent sur une corde raide, pour exprimer leur point de vue. Ils ont eu le courage d’osciller entre art et propagande pour accomplir une mission dont ils sont convaincus. Leur témoignage pour l’Histoire.
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