Sa voix va bien au-delà des mots qu’elle chante, dans la bonne humeur, en arabe ou en dialecte nubien. Sa musique se situe au carrefour entre différents genres musicaux: nubien, afro-soudanais, arabo-oriental et jazz, vibrant parfois même de reggae ou d’électro.
Nesma Herky, 38 ans, possède un répertoire comptant plus d’une trentaine de chansons. Avec les membres de la troupe qu’elle a fondée en 2013 et qui porte son nom, elle prépare son prochain concert, prévu le 16 mai, à l’espace Room. Et ce, à l’occasion du lancement de son premier album Neïch Beïd (vivons loin), dont la sortie est attendue vers la fin de l’année. Les six chansons données en promotion sur Deezer, Apple Music, Spotify et You Tube sont chargées d’émotions et diffusent tant d’énergie positive, allant de pair avec la culture nubienne. Il s’agit des chansons Amari (ma lune), Yamama (colombe), Neïch Beïd (vivons loin), Kelmet Bahébek (le mot je t’aime), Dawayer (cercles) et Hayrana (confuse).
« Il y a des chansons qui font partie du patrimoine oral nubien qui sont chantées depuis au moins trois cents ans par des générations successives, lors des célébrations, des fêtes de mariage, ou autres festivités. Je présente une fusion musicale, un mixage embrassant plusieurs cultures. Je fusionne mes ressources nubiennes, égyptiennes et orientales en général avec la musique occidentale, notamment le jazz », déclare Nesma Herky.
Sa passion pour le jazz lui donne une grande liberté, mais aussi une diversité d’expression née de son amour pour le kazoo, un accessoire qui modifie la voix. Celui-ci est constitué d’un tube fermé par une membrane. En chantonnant dans le tube, le musicien fait vibrer la membrane qui transforme le timbre de la voix. Essentiellement accompagnée par le daf (tambourin), Herky chante la joie, la sagesse, les rêves, la paix ... Neïch Beïd, la chanson phare de son nouvel album, s’inspire admirablement de la nature pittoresque des terres nubiennes, des communautés locales soudées, de la vie sereine au bord du Nil. « Je n’aime pas interpréter uniquement des chants traditionnels nubiens, mais je préfère créer du nouveau, ajouter d’autres oeuvres issues de mes propres expériences », dit-elle. D’où des chansons telle Hamayla, créée en 2020, qui veut dire en nubien une fille qui vient de passer par là. « Elle est influencée par le jazz manouche de Django Reinhardt et Stéphane Grappelli et par les airs gitans du Gypsy Jazz. On y retrouve la clarté pétillante des rythmes nubiens assez rapides et le phrasé sophistiqué du jazz libre et le vocal, fort et aigu, de la musique afro-soudanaise et de la musique orientale. Bref, un vrai défi de fusion », souligne Nesma Herky.
Une voix féminine nubienne
Vêtue de robes ethniques et d’accessoires portant les couleurs de la Nubie, elle est constamment accompagnée sur scène de Mohamad Dessouqi au daf et au luth, de Sohaib Al-Naggar au piano, d’Andrew Safouat à la basse guitare et de Yazid aux percussions. Ils sont installés sous une forme circulaire, conformément à la tradition nubienne des Araghid, où les cercles de danseurs qui suivent la cadence constituent un moyen de faire connaissance entre les deux sexes.
Cependant, dans les concerts du groupe de Nesma Herky, il ne s’agit pas de danses, mais d’une musique de fusion. Car, dit-elle, elle n’aime pas affecter l’âme de sa musique.
Au Lycée français de Maadi, où elle a étudié, elle écoutait surtout de la musique étrangère, notamment française. Et chez elle, on mettait souvent des chansons de la tradition orale nubienne. Puis, elle a rejoint en 2001 plusieurs groupes musicaux, entamant ainsi une carrière professionnelle pendant ses années d’études aux beaux-arts. Ensuite, en 2011, elle a participé à plusieurs ateliers de formation avec Fathi Salama, cheikh Zain Mahmoud et Névine Allouba, entre autres.
Petit à petit, elle s’est faite remarquer sur la scène musicale et a collaboré avec le groupe Cairokee et avec les musiciens Hicham Kharma, Hani Al-Daqqaq, Hani Adel … Et ce, jusqu’à la formation de son groupe en 2013, avec plusieurs amis et multiplie les concerts dans des espaces culturels au Caire, tels Room, Saqqiet Al-Sawi et le théâtre Guéneina.
Dans ses compositions, elle s’inspire de la musique de ses idoles, Hamza Alaaeddine, Ahmad Mounib, Karam Mourad, Mohamad Mounir, Charhabil, Mohamad Wardi, Norah Johns, Adèle, Nina Simone et Billie Holiday. « Les chanteuses nubiennes sur scène actuellement sont rares. Il y a Maram, par exemple, mais elle chante des couleurs musicales africaines aux riches cadences et sonorités soudanaises, plus reggae. Alors que moi, je chante des rythmes nubiens, une musique qui fait la synthèse entre la tradition nubienne/ orientale et de nouveaux apports instrumentaux vibrato jazzy. Je veux ouvrir la voie à d’autres chanteuses nubiennes », affirme Nesma Herky, qui invite le public à taper des mains ou à claquer des pieds, suivant la cadence d’une musique captivante et vibrante.
A l’espace Room, the spot mall face à l'université américaine du Caire. Al tagamoe Alkhmes, le Nouveau Caire, le 16 mai 2022, à 20h30.
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