Vendredi, 20 septembre 2024
Al-Ahram Hebdo > Arts >

Le retour d’un absent

May Sélim, Jeudi, 21 avril 2022

Raguéïne ya Hawa (retour aux amours passés) est l’un des feuilletons les plus en vue durant le Ramadan. Une trame d’Ossama Anouar Okacha, écrite en 2003, qui reprend l’une de ses thématiques favorites : le revenant qui cherche à recouvrer ses biens et sa famille.

Le retour d’un absent
Khaled Al-Nabawi dans le rôle de l’oncle revenant de Budapest.

 Le feuilleton Raguéïne ya Hawa (retour aux amours passés) de Mohamad Salama, diffusé sur les chaînes CBC et DMC, ainsi que sur la plateforme Shahid, s’est vite fait remarquer par le public. La trame du récit est signée Ossama Anouar Okacha, un maître incontesté de l’art dramatique, disparu en 2010, à l’âge de 69 ans. Ce dernier avait réussi, depuis les années 1980, à créer des drames télévisés qui restent gravés dans la mémoire collective égyptienne. Et aujourd’hui, il fait de nouveau parler de lui, grâce à cette adaptation de son oeuvre faite par Mohamad Soliman Abdel-Malek. Raguéïne ya Hawa reste fidèle aux thèmes chers à Okacha, se focalisant notamment sur les rapports familiaux et les valeurs de la petite bourgeoisie. Donc, une fois de plus, on se retrouve face à une grande famille divisée par ses conflits : rivalités, problèmes d’héritage et surtout le retour de l’un de ses membres qui tente de recoller les morceaux. Bref, plus ou moins la même thématique que d’autres feuilletons à succès d’Anouar Okacha, tels Réhlet Aboul-Ela Al-Béchri (le voyage d’Aboul-Ela Al-Béchri), Amira fi Abdine (Amira à Abdine), Emrä Min Zaman Al-Hob (une femme d’une autre époque), etc.

Air de nostalgie

Ecrit en 2003 pour la radio, le feuilleton Raguéïne ya Hawa a été diffusé en 2004 sur les ondes d’Al-Barnameg Al-Am, par les stars Yéhia Al-Fakharani, Maali Zayed et Menna Chalabi. C’est l’histoire de Baligh Aboul-Hana, un businessman issu d’une famille aisée, qui est parti vivre il y a des années à Budapest. Souffrant de problèmes financiers, il décide de rentrer en Egypte pour réclamer sa part d’héritage et pouvoir payer ses dettes.

Le personnage de Baligh, campé par Khaled Al-Nabawi, n’est pas aussi idéaliste que les précédents héros de Okacha. Au départ, il retrouve les siens, motivé par ses propres intérêts, mais il s’implique dans leurs problèmes au fur et à mesure. Il redécouvre sa famille en quelque sorte, renforce ses liens avec ses plus jeunes neveux et retrouve ses anciens amis. Petit à petit, il baigne dans la nostalgie et le dit ouvertement : « J’ai besoin de retourner à mon enfance, de retrouver le goût et l’odeur du maïs grillé, qu’on grignotait sur la corniche. J’ai envie de retrouver ma famille ou ce qui en reste ».

Le scénariste Abdel-Malek a réussi à transformer le texte écrit pour la radio en un drame télévisé, avec des scènes extérieures et intérieures. Il a aussi donné au récit, écrit au début des années 2000, un air plus récent, notamment grâce aux dialogues des jeunes neveux entourant Baligh, joués par les comédiens Salma Abou-Deif et Nour Khaled Al-Nabawi. Ceux-ci font souvent référence aux réseaux sociaux, aux chansons rap et trap, au stand-up comedy, etc.

Si le thème par lui-même est assez nostalgique, les dialogues et les séquences dramatiques placent le feuilleton dans une ambiance plus proche du public actuel, tout en rappelant le bon vieux temps, et donc jouant sur un autre registre émotionnel. L’histoire d’amour entre Farida et Baligh remonte aux années 1990, elle est très différente de sa nouvelle relation avec la psychiatre Maguie, plus proche du temps actuel. Il y a donc un perpétuel va-et-vient entre le passé et le présent, les souvenirs et le quotidien.


Une histoire d’amour se tisse entre les deux jeunes neveux.

Château et ruelle égyptienne

Au niveau de la réalisation, Mohamad Salama tente de bien alimenter les sentiments de nostalgie, ayant toujours en tête le titre du feuilleton, inspiré d’une chanson célèbre de la diva Fairouz, Raguéïne ya Hawa (retour aux amours passés), écrite et composée par les frères Rahbani, en 1974. La chanson du générique, interprétée par Medhat Salah et composée par Aziz Al-Chaféï, reprend l’idée de nostalgie et de retour, Hanneit Lil Beit : « Je suis nostalgique de ma maison, d’une étreinte comme dans le passé … J’ai tant voyagé et je n’ai jamais trouvé des gens comme vous. J’ai envie de renouer avec le temps passé ».

Le choix de Khaled Al-Nabawi dans le rôle du revenant est assez significatif. Car lui-même appartient à la jeunesse des années 1990, sa prestation sincère et touchante évoque d’ailleurs cette époque révolue.

En outre, les lieux sélectionnés pour le tournage nous plongent dans la nostalgie, car l’oncle, de retour de Budapest, s’est installé dans l’ancien appartement de sa famille à Gamaliya, dans le Vieux Caire fatimide de Naguib Mahfouz. La cour de la maison traditionnelle du grand-père donne sur la plus longue rue de ce quartier, Al-Moez, parsemée de sites historiques, d’ornementations islamiques et de moucharabiehs. Même le café populaire où Baligh rencontre ses amis est imprégné de cette même architecture antique. Les décors de ces lieux anciens sont tout à fait l’opposé du somptueux château des deux frères décédés de Baligh. Celui-ci est divisé par un mur, on dirait une ligne de partage, séparant les deux fronts belligérants. Car les enfants et les épouses ne se parlent pas.

Cette grande maison a quelque chose de trop imposant, contrairement à ces autres de Gamaliya, beaucoup plus accueillantes. Malgré soi, on baigne à notre tour dans la nostalgie. Tantôt c’est la nostalgie des années 1990, évoquée par la trame de Okacha, tantôt la nostalgie d’une époque beaucoup plus ancienne, inspirée par l’âme des lieux de tournage.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique