Qu’y a-t-il de particulier à propos de l’oasis de Zerzura, à l’ouest du Nil, qui a retenu l’attention des écrivains et aventuriers au fil du temps? Est-ce ses trésors cachés ou l’excitation liée à l’idée du voyage vers l’inconnu? Zerzura, cette ville blanchie à la chaux du désert, comme décrite dans Kitab Al-Konouz (le livre des perles cachées), existe-t-elle réellement ou est-ce un mirage? Les oeuvres de 24 artistes, d’âges différents, entre amateurs, émergents et professionnels, soulèvent tant d’interrogations, à travers l’exposition Searching for Zerzura (à la recherche de Zerzura). Il s’agit de la première collaboration entre l’académie Fayoum Art Center, fondée par le plasticien Mohamed Abla en 2006, et le nouvel espace d’art et de culture Bibliothek, situé au Cheikh Zayed.
Scènes rurales par Mohamed Abla.
Celui-ci accueille ainsi, jusqu’au 7 mai, un large éventail de peintures et de photographies, issues de quatre ateliers tenus durant l’hiver et animés par les artistes Mohamed Abla, Karim El-Hayawan et Khaled Samahy. Et ce, dans les locaux du Fayoum Art center, dans le village de Tunis, au Fayoum. D’ailleurs, ces trois derniers artistes exposent côte à côte avec leurs étudiants, dans Searching for Zerzura, dans une ambiance très conviviale.
« L’objectif de l’exposition et des ateliers n’est pas d’apprendre aux participants de peindre ou de dessiner, mais de les aider à s’exprimer par l’art, à booster l’estime de soi. Car en étant à la recherche de l’oasis, on se cherche et tous les rêves semblent possibles. La puissance de Zerzura, cette ancienne oasis magique perdue au Sahara, réside moins dans sa présence physique réelle que dans ce qu’elle représente. Nous invitons chaque artiste à se découvrir, comme il explore les coins perdus de la planète », souligne Mohamed Abla. Et d’ajouter:
Plaisirs juvéniles, par Yasmine Abdel-Rahman.
« Si depuis des siècles, de nombreuses personnes se sont lancées en vain à la recherche de Zerzura, l’oasis des petits oiseaux, ici, grâce à l’exposition, l’aventure s’avère plus fructueuse. Le village de Tunis est devenu ces dernières années la véritable Mecque des amateurs d’art; il leur offre un environnement favorable à la création, de quoi leur permettre de se libérer de la course effrénée de la vie quotidienne en ville. Il faut toujours commencer par effectuer un voyage à la recherche de son trésor intérieur, en étant à l’écoute de soi ».
Son oeuvre exposée à Bibliothek combine des éléments ruraux et populaires, nés du charme des oasis du Désert oriental. Entourés de palmiers, de champs verdoyants, d’ânes, de plantes herbacées, ses personnages ont l’air résilient et isolé, loin de l’agitation de la ville. Lui aussi parvient à atteindre le salut, loin du chaos citadin, en retournant à la nature.
Rompre avec la ville
On retrouve d’ailleurs la même quiétude, cette communion entre l’homme et la nature, dans les cinq paysages et natures mortes de l’artiste Rasha El-Banna. Travaillant comme coordinatrice au Centre des arts du Fayoum, elle est parmi les 13 femmes qui ont participé aux ateliers donnés par Abla sur l’impression monochrome et les techniques mixtes. « L’atelier nous a permis de mieux se connaître, d’explorer nos capacités artistiques, de nous donner confiance en nous-mêmes et se décharger du poids de ses émotions. Pour moi, c’était une sorte d’introspection », exprime El-Banna.
Média mixte de Azza Al-Ghrably.
Les participants étaient donc très affectés par leur entourage: des maisons rurales, une paysanne et sa poule (Azza Al-Ghrably) ; des petites barques et des lacs en bleu côtoyant un Sahara peint en jaune (Saima Abdel-Kader), des figures rurales enfantines (Reem Abla) ; une ville mystérieuse (Tarek Basha) ; un tourbillon de couleurs confuses (Yasmine Abdel-Rahman).
Les peintures remarquables de Nada Judy, montrant des femmes en rouge écarlate, toutes nues et seules, laissent entrevoir tant d’émotions. « La maternité est une étape importante dans la vie des femmes; elle nous oblige à renoncer à des parts de soi-même », dit Judy. Cette même sensibilité féminine est partagée par Hebattalah Aboul-Fadl, qui peint une fille aux traits dépouillés, qui saute librement en l’air. Elle aussi a besoin de changer de vie, de s’émanciper et de se recentrer sur soi pour prendre un nouvel élan. « Nous avons tous besoin de vivre en harmonie avec notre environnement pour atteindre le bonheur. C’est la clé de notre émancipation. Notre expérience au Fayoum nous permet de combler ce besoin. La peinture est pour moi un moyen d’évasion, d’oubli, de liberté, un outil de se ressourcer et de se reconstruire. Une belle occasion de se sentir vivant », déclare Iman Al-Gammal, exposant des tiges de blé sèches qui reprennent vie.
Portraits, paysages et photos
Au couteau rapide, plus réalistes, plus académiques, les oeuvres de Khaled Al-Samahy et ceux qui ont suivi son atelier sont essentiellement des paysages inspirés de l’ambiance bucolique du Fayoum, aux tonalités vagues et mystérieuses, et des portraits de personnages désespérés et discrets. « Aux ateliers de Searching for Zerzura, je me suis lancée passionnément dans l’aventure de la découverte de moi-même. Je sais désormais ce que je veux être, faire et avoir. Devenir artiste n’est pas une chose impossible ! », affirme Mariam Hosni, qui peint des figures aux couleurs du désert, allant du beige au brun.
Les photographies de Karim El-Hayawan mêlent les techniques argentiques classiques à celles numériques, ceci influence beaucoup Farah El-Moatassem qui a suivi son atelier. Les protagonistes de cette dernière posent sur des photos en noir et blanc. Leur manière de poser leur permet de se dévoiler, de mettre leur âme à nu .
A Bibliothek, tous les jours, jusqu’au 7 mai, de 10h à 21h. Arkan Plaza, 2e étage, Cheikh Zayed.
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